Grand Paris : les propositions iconoclastes de Roland Castro

En réponse à la mission que lui a confiée le président Macron en juin sur le Grand Paris, l'architecte Roland Castro propose une métropole-jardin organisée en chapelets de communes.
César Armand
L'architecte rêve de « désincarcérer les institutions » du Grand Paris.
L'architecte rêve de « désincarcérer les institutions » du Grand Paris. (Crédits : DR)

« Il n'est pas chiant, il est lisible, il est très cool et ce n'est pas bourré de termes techniques. On n'a rien eu de sérieux sur ce territoire depuis le Front populaire ! ». Roland Castro sait vendre son rapport sur le Grand Paris, ou plutôt sur «Paris en grand». Missionné en juin dernier par le président de la République, l'architecte devait remettre son étude fin juillet, mais l'affaire Benalla en a décidé autrement. Emmanuel Macron l'a finalement reçu en toute discrétion le 11 septembre dernier avant que le ministère de la Cohésion des territoires ne rende publiques ses idées mardi 25 septembre.

Après l'avoir annoncé dès juillet 2017, puis l'avoir reporté maintes fois, le chef de l'Etat est censé clarifier enfin l'architecture institutionnelle du Grand Paris cet automne. Roland Castro n'a pas eu son mot à dire sur une possible réforme de la gouvernance. Il a néanmoins un avis assez tranché. La Métropole du Grand Paris n'est « pas assez grande », explique-t-il. Concernant les projets d'aménagement, il estime que les concours Réinventer Paris et Inventons la métropole du Grand Paris sont les « dernières initiatives intelligentes qui ont eu lieu pour libérer les acteurs ».

Des « chapelets de communes »

Dans son rapport, l'architecte propose des solutions inédites pour donner vie au Grand Paris.  Par exemple, créer des « chapelets de communes » pour « fonctionner en ville-à-ville » voire « fabriquer tous les ponts qu'il faut ». Les dix maires d'Orly, partagés à égalité entre l'Essonne et le Val-de-Marne, pourraient par exemple « construire une visibilité » et « sortir de la méthode administrative » pour casser les frontières administratives du passé.

L'architecte aimerait en effet « désincarcérer les institutions » en faisant des « choses plus nouées » dans « une collection de villages ». Les clés du succès, selon lui ? La multipolarité et la proximité. Il cite en exemple les maires de la nationale 104 ou les communes du canal de l'Ourcq. Il entend même inciter les élus locaux à accoler Paris au nom de leur collectivité, comme le font certains établissements publics à l'image de Paris-La Défense.

Le président de la Fédération des promoteurs immobiliers d'Île-de-France, Marc Villand, se montre sceptique : « Les maires sont déjà largement engagés dans la métropole et subissent le mille-feuille administratif. La sagesse est de travailler à l'intérieur du cadre institutionnel existant ».

Nicolas Yatzimirsky, président du spécialiste du béton préfabriqué Consolis, qui a d'ailleurs annoncé mardi 25 septembre son projet d'introduction en Bourse, en revanche, aime beaucoup cette idée de suite de collectivités qui travaillent ensemble. « Le découpage du territoire est souvent artificiel. Tout ce qui apporte une réflexion sur le mode de fonctionnement pour décloisonner est une bonne nouvelle. »

Vers une ANRU privée ?

Roland Castro veut également « en finir avec la politique de la ville ». Dans son viseur : la carte « terrifiante » de la métropole-capitale avec des villes nouvelles « trop loin », « sans qu'aucune vrai auteur ne participe ». Il ne supporte plus ce qu'il appelle les « Dangers Défense ». « On fait un truc vachement bien et on se fout de ce qu'il y a à côté. Nanterre s'est paupérisée. »

C'est pourquoi il propose la création d'une Agence nationale de rénovation urbaine privée liée à l'ANRU publique existante, tant pour sortir de cette « situation sous perfusion » que pour créer les conditions d'une attractivité nouvelle pour les classes moyennes. « Ce n'est pas le rôle du privé de traiter les quartiers de la politique de la ville, réagit le promoteur Marc Villand. Certes les instruments d'Etat doivent encourager le privé à y intervenir ; ils le font déjà efficacement avec la TVA à 5,5 % mais on peut craindre qu'une ANRU privée soit dévoyée par les équations économiques qui s'imposent aux grands opérateurs privés. »

Une "oasis" avec des "gymnothèques"

Autre piste soumise à Emmanuel Macron : l'ambition de transformer le Grand Paris en « une oasis métropolitaine ». Concrètement, il s'agirait de renforcer la présence de la nature en ville. « Faire un énorme boulot sur l'agriculture urbaine, n'avoir que des toits végétalisés, développer les jardins partagés... »

Le professionnel du béton préfabriqué Nicolas Yatzimirsky, qui a travaillé à Sao Paulo et en Inde, observe que « les métropoles attirent par le travail et les opportunités offertes, mais la vie y est difficile ». « Je trouve sain, nécessaire et opportun de poser la question de rendre cela plus vivable. »

Idem du côté du PDG d'Interconstruction Marc Villand : « Il faut créer dès que possible des jardins/réserves de biodiversité et des petits espaces sauvages pour contribuer à combattre les îlots de chaleur. »

Nature sans culture n'étant que ruine de l'âme, Roland Castro rêve enfin de « gymnothèques », des gymnases proposant des livres. Ou encore de lever l'interdiction d'implanter des cafés près des collèges. « Sans cafés, on n'aurait ni littérature, ni syndicat, ni parti politique ! » Décidément, plus qu'un rapport, un « projet-poète », comme il s'en est ouvert à un acteur consulté.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 26/09/2018 à 21:00
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C'est pas lui qui voulait rénover et révolution la banlieue en 1981 avec Mitterrand ???

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