« L'Europe doit être capable de produire ses propres protéines pour elle-même, pour consommer comme pour les éleveurs », disait Emmanuel Macron en 2019 au Salon de l'agriculture. Message reçu cinq sur cinq par deux industriels du vieux continent.
Le géant agro-industriel français Avril, connu notamment pour les marques Lesieur et Puget, et le chimiste néerlandais Royal DSM, leader mondial des vitamines, viennent de créer une joint venture en vue de construire, à Dieppe, la première usine au monde capable d'isoler la protéine contenue dans la graine du colza.
Le procédé, inédit, a été mis au point par DSM. «Il permet d'extraire, sans solvant à partir du tourteau de colza, une protéine comestible dotée d'excellentes propriétés nutritionnelles qui convient à de nombreuses applications alimentaires », détaille la porte-parole du groupe Avril.
Un enjeu souveraineté
Grâce à ce projet, la co-entreprise, détenue à 75 % par le Néerlandais, se fait fort de proposer une alternative européenne au soja importé sur le marché en plein boom des protéines végétales. Plébiscitées par les végans, flexitariens et autres partisans du bien-être animal, celles-ci ont le vent en poupe.
Selon le GEPV (Groupement d'études et de protéines végétales), le nombre de préparations qui en contiennent a été multiplié par vingt en l'espace dix ans. L'imagination de l'industrie agro-alimentaire est sans limites. Blé, soja ou fèves entraient en 2019 dans la composition de 5.400 produits : biscuits, barres vitaminées, yaourts, burgers, saucisses, nuggets... Et sans doute n'est ce qu'un début. DSM prévoit ainsi que le marché mondial des substituts de viande doublera d'ici 2029 pour passer de 4 milliards à 9 milliards.
Un projet industriel XXL
Quant à l'usine dieppoise, elle nécessitera, selon nos informations, un investissement de l'ordre de 80 millions d'euros, vigoureusement soutenu -à hauteur de 4 millions- par la Région Normandie. Laquelle ambitionne de devenir « un territoire de référence dans la production et la valorisation des protéines végétales », dixit son président Hervé Morin.
Opérationnelle début 2022, l'installation produira 4.500 tonnes d'un isolat de protéine « non OGM » qui sera commercialisé, en BtoB, par DSM sous la marque CanolaPro (colza se dit canola en anglais). Le tonnage produit augmentera rapidement, précise-t-on chez Avril. « ll est appelé à doubler dans les cinq ans ».
De quoi stimuler la filière agricole. Le groupe français, qui transforme déjà en huile, agro-carburant et tourteaux (pour l'alimentation animale), la moitié du colza cultivé dans l'Hexagone, table sur ce projet industriel pour favoriser l'émergence de nouvelles variétés à plus forte teneur en protéine.
Reste à convaincre les transformateurs, et à travers eux le consommateur, que la brassicacée du bocage vaut bien la légumineuse des fazendas sud-américaines.
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