Tenir ou pas la Métropole ? Le véritable enjeu des municipales à Rouen

Derrière le scrutin rouennais du 28 juin, se joue un autre match plus décisif. Dans la « petite » capitale désargentée d’une riche conurbation d’un demi million d’habitants, celui qui tiendra à la fois la mairie et la Métropole tiendra aussi les rênes du pouvoir. C’est au candidat de la gauche -une gauche fortement teintée de vert- que devrait échoir ce double levier de commande avec, en toile de fond, les questions autour du devenir de l’industrie lourde sonnée par l’accident de Lubrizol.
Rouen, petite ville centre d'une métropole
Rouen, petite ville centre d'une métropole (Crédits : Flickr / Frédéric Bisson)

Alors que tous les observateurs pariaient sur une triangulaire, il n'y aura que deux candidats au second tour dans la préfecture de la Normandie dont le maire actuel, Yvon Robert (PS), ne se représente pas. Arrivé en troisième position, l'entrepreneur Jean-Louis Louvel, patron du groupe PGS et du club de rugby, a en effet renoncé à la dernière minute à disputer le match au grand dam de ses co-listiers qu'il laisse orphelins. Cet abandon en rase campagne est aussi un camouflet pour LREM, LR, le Modem et le parti centriste d'Hervé Morin qui soutenaient comme un seul homme ce novice en politique. Las ! L'intéressé, peu fier de son score de moins de 17%, a manifestement préféré livrer une autre bataille devant le tribunal de commerce où il est en course aux côtés du groupe de presse belge IPM (La Libre Belgique) pour la reprise du quotidien Paris Normandie dont il était l'actionnaire principal avant sa mise en liquidation.

 Un outsider en piste à droite

 La défection de Louvel libère la route à droite au quatrième homme du premier tour : le dissident LR Jean-François Bures qui s'était maintenu d'extrême justesse avec 10,1 % des suffrages. L'outsider aura toutefois beaucoup de mal à s'imposer face à l'ex-président de la Région Haute-Normandie Nicolas Mayer-Rossignol, sorti vainqueur le 15 mars avec 29,5 % des voix. Allié au turbulent écologiste Jean-Michel Bérégovoy arrivé second, ce « bébé Fabius » émancipé du PS a toutes les chances de l'emporter le 26 juin. Pour la première fois s'agissant d'un maire de Rouen, il devrait dans la foulée s'arroger la présidence de la Métropole Rouen Normandie (MRN) qu'il n'a jamais caché briguer en même temps que l'Hôtel de Ville. « C'est là que se joue l'avenir » n'a t-il cessé de marteler durant toute la campagne. L'analyse ne manque pas de justesse.

 Le pouvoir à l'échelon supérieur

La capitale administrative de la Normandie présente, en effet, un visage singulier. Avec seulement 120.000 habitants, elle est la plus petite « ville centre » des Métropoles de première génération, chichement dotée en comparaison de ses voisines lilloises ou nantaises. A l'échelon du dessus, la MRN, qui regroupe 71 communes et près de 500.000 habitants, jouit d'une puissance de feu infiniment supérieure au point d'être devenue le deuxième investisseur public du territoire normand derrière la Région. Pour retrouver des marges de manœuvres, l'exécutif municipal rouennais s'est, en outre, délesté à son profit de compétences clefs. En plus du développement économique et du transport, la MRN règne dorénavant sur la voirie, les musées, l'Opéra (aux côtés de la Région) ou de gros équipements sportifs : autant de pierres angulaires du rayonnement d'une cité.

 Lubrizol, nœud gordien

 La gouverner ne sera pas pour autant une sinécure. Outre qu'il lui faudra s'entendre avec la Région et son omniprésent patron (Hervé Morin), le président de la MRN qui qu'il soit devra faire face à de nombreux défis à commencer par les suites à donner à l'accident de Lubrizol. Bien que passée au second plan depuis le déclenchement de la pandémie, la polémique est loin d'être purgée. La présence de l'usine chimique au voisinage de l' Eco-quartier et de la future gare sur lesquels l'agglomération table pour enrayer une démographie vacillante et ferrer des cols blancs à fort pouvoir d'achat pose quantité de questions ... pour certaines insolubles à court terme. A l'instar de la crise du coronavirus, l'incendie a cristallisé de vieux débats à commencer par celui-ci : comment satisfaire les nouvelles exigences des citoyens en matière de cadre de vie sans hypothéquer le socle industriel qui fonde la richesse du territoire ? Facile à écrire, très (très) compliqué à résoudre.

 Le serpent de mer du périph' pourrait replonger

Un autre débat va ressurgir dans cette seconde partie de campagne, celui de la construction du contournement Est de Rouen : un serpent de mer vieux de plus de 40 ans. A l'unisson avec l'Etat et la Région, l'ancien président de la Métropole, le socialiste Frédéric Sanchez parti en aout* pour le consulat du Québec avait donné son feu vert à cette opération à un milliard d'euros. A droite, Jean-François Bures milite pour sa réalisation de même qu'Hervé Morin. A gauche, Nicolas Mayer Rossignol, qui y était favorable du temps de sa présidence de Région, le juge désormais « dépassé ». S'il est élu comme tout le laisse à penser, le projet pourrait ne jamais voir le jour. Le préfet de Normandie, Pierre André Durand, a d'ailleurs déjà prévenu. Au moindre dissensus, l'Etat, trop heureux de s'exonérer de cette dépense en ces temps de vaches maigres, pourrait être amené à revoir sa position.

*Yvon Robert assure l'intérim

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Commentaire 1
à écrit le 03/06/2020 à 20:32
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sans doute la plus pauvre ville de l'ouest de la France au sens large, un chômage endémique, on se demande ce qu'ont fait les différentes équipes municipales depuis 30 ans, c'est pas un endroit ou habiter. Les habitants de cette ville devraient vote...

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