Changement climatique : comment Neosylva veut sauver la forêt française

Défendant un modèle économique calé sur le rythme séculier de la forêt, la startup nantaise Neosylva a réussi sa troisième levée de fonds auprès de ses soutiens historiques. Et ce malgré un retour sur investissement qui n’interviendra pas avant 50 à 100 ans. Le prix à payer pour restaurer une forêt française, malmenée par le réchauffement climatique et le manque d’entretien.
Neosylva vise la gestion de 100.000 hectares de forêt d'ici 15 ans.
Neosylva vise la gestion de 100.000 hectares de forêt d'ici 15 ans. (Crédits : Neosylva)

« Ce n'est pas la fin du monde, mais il est clair que l'on va vers des phénomènes de mortalités de masse comme on n'en a pas connu depuis longtemps. La forêt souffre du changement climatique. Il est certain que les vingt prochaines années verront un dépérissement massif de la forêt et notamment de la forêt française. D'où la nécessité de l'accompagner !», prévient Jean-Guénolé Cornet, fondateur de la startup nantaise Neosylva créée pour aller au chevet de la forêt française.

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Sur les 17 milliards hectares de forêts françaises, dont les trois-quarts sont détenus par trois millions de propriétaires privés, Neosylva vise la gestion de 100.000 hectares d'ici quinze ans. « C'est une contribution. Mais, c'est d'autant plus compliqué en France où l'évolution sociologique de la population qui était aux deux tiers ruraux il y a soixante-dix ans est aujourd'hui aux deux tiers urbains. Les gens se sont éloignés des forêts. Une intelligence de la gestion forestière s'est perdue », regrette le forestier entrepreneur, qui vient de lever cinq millions d'euros auprès de vingt-cinq actionnaires historiques (Caisse des Dépôts et consignations, le fonds Everwoood, des entrepreneurs bretons et ligérien de la première transformation du bois ou engagé dans des démarches de transition écologique...).

S'adapter au rythme de la forêt

C'est la troisième levée de fonds menée par Neosylva depuis sa création en 2018, à Nantes. A l'époque, elle avait levé 200.000 euros. Puis dix fois plus, deux ans plus tard pour investir aux côtés de petits propriétaires forestiers « en impasse de gestion », et contribuer au renouvellement et au suivi de la forêt. Fin juin dernier, Neosylva estimait atteindre le millier d'hectares gérés et vise, avec cette nouvelle levée de fonds les 3.000 hectares de parcelles d'ici à 2025. « Il y aura d'autres levées de fonds à venir, avec des montants croissants au fur et à mesure de notre développement. On s'adapte au rythme de la forêt avec un flux de trésorerie foncièrement négatif pendant au moins encore une bonne vingtaine d'années avant de trouver l'équilibre», indique Jean-Guénolé Cornet, conscient de la tâche à accomplir et satisfait d'avoir une nouvelle fois convaincu la majorité de ses soutiens, pour certains présents au capital de l'entreprise. Une fidélité nécessaire.

La capacité à fédérer des financements

Car, si le coût d'un plan de gestion forestière est assez connu, de l'ordre de 2.500 à 3.000 euros pour une forêt de pins dans les Landes ou entre 8.000 et 10.000 euros pour un espace de feuillus beaucoup plus complexe, l'originalité du modèle économique mis en œuvre met à mal les réflexes primaires des financiers. « La créativité du modèle a été de créer un objet d'investissement dont la rentabilité est calée sur le rythme de la forêt», rappelle Jean-Guénolé Cornet. Autrement dit, lorsqu'un arbre est planté, il ne deviendra exploitable que dans 50 ou 100 ans. Au terme de cette croissance, on peut alors espérer recevoir l'essentiel des revenus liés à la vente de bois. Cependant, bien que l'arbre ne soit « liquide » qu'à la fin de sa vie, l'actionnaire de Neosylva, qui acquiert une action, pourra la revendre dans un délai de dix, vingt ans ou trente ans. Non pas au prix négocié au moment de la mise en place du plan de gestion forestier, mais au prix de l'arbre vingt ans après. Et comme un arbre vaut beaucoup plus s'il a vingt ans qu'au moment de la mise en œuvre du plan forestier, un savant calcul est élaboré selon « la valeur d'avenir rapportée au temps présent », avec un système de décote intégrant la qualité du bois, les risques de mortalités, etc. «Mais s'ils sont bien gérés, les arbres prennent chaque année de la valeur», rassure Jean-Guénolé Cornet. « Notre apport, c'est la capacité à fédérer des financements auprès des propriétaires de forêts et des opérateurs techniques. Mais la plupart des financiers ont du mal à considérer des investissements à si long terme qui ne bénéficieront qu'aux générations futures», remarque-t-il.

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L'effet du bouche à oreille

Cinq ans après, Jean-Guénolé Cornet estime, cependant, le bilan plutôt positif. Nous étions partis avec trois hypothèses importantes. À savoir, les petits propriétaires de forêts en impasse de gestion accepteraient-ils de se priver eux-mêmes, mais aussi, leurs enfants et petits enfants, c'est-à-dire bien au-delà de leur espérance de vie, de céder une part de leur propriété à Noesylva ? Si cette décision, une sorte de servitude, met du temps à mûrir, Neosylsa, qui concentre une centaine de propriétaires, estime bénéficier d'un bon bouche à oreille. « 5O% des nouveaux entrants viennent sur prescription », observe Jean-Guenolé Cornet. Ensuite, il fallait que les actionnaires acceptent de bloquer leur capital pendant dix ans et de ne toucher aucun dividende avant vingt ou trente ans. « Néosylva s'impose au niveau national comme un levier puissant du financement du renouvellement forestier en alliant capitaux publics et capitaux privés. », témoigne Charles Flipo, Président du fonds Everwood.

L'enjeu : accompagner la montée en puissance des pros de la forêt

Enfin, il fallait être en mesure de structurer Neosylava pour accompagner la montée en puissance et les économies d'échelle à réaliser. « Une chose est de gérer 1.000 hectares, il en est une autre d'orchestrer 10 fois 1.000 hectares. Ça implique de contracter avec un interlocuteur local, déjà engagé dans ce secteur. On peut tabler sur 2% à 3% de rentabilité par an, mais si l'on met en face 2% à 3% de frais de gestion, ça ne marche plus», dit-il.

D'où la création d'antennes locales disséminées sur le territoire national. Parti de Nantes, Neosylva en comptera bientôt neuf (Est, Nord, Sud-Ouest...) avec des implantations programmées en Auvergne et Rhône-Alpes d'ici la fin de l'année. « L'idée est d'avoir une personne pour superviser dix départements », indique le fondateur de Neosylva, qui reconnaît être face à un gros enjeu de montée en puissance des professionnels, souvent constitués d'entreprises familiales ou unipersonnelles qu'il faut aider à faire grossir. Car, pour Neosylva l'enjeu ne se limite pas au sauvetage des feuillus mais aussi à la sauvegarde de la filière bois. C'est tout l'intérêt de la démarche de la startup dont l'intervention peut paraître modeste au regard des 17 millions d'hectares de la forêt française « Mais notre objectif de 100.000 hectares est à mettre en perspective avec les 20% de la forêt française qui produit 80% du bois à haute valeur ajoutée». Et 100.000 hectares, c'est dix fois Paris et des milliards d'investissement...

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Commentaires 4
à écrit le 08/07/2023 à 8:49
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Malheureusement rien ne sera sauvé . Tout empire . Aucunes loi ni autres dispositions prises pour inverser la tendance. Les pyromanes de sont pas assez punis Les promoteurs continuent à faire du profit , certains élus en sont complices Les gros...

à écrit le 08/07/2023 à 8:47
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Malheureusement rien ne sera sauvé . Tout empire . Aucunes loi ni autres dispositions prises pour inverser la tendance. Les pyromanes de sont pas assez punis Les promoteurs continuent à faire du profit , certains élus en sont complices Les gros...

à écrit le 07/07/2023 à 8:58
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Une bonne initiative mais je ne savais pas que l’on avait fermé l’ONF...

à écrit le 07/07/2023 à 7:57
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Voilà un effet du réchauffement climatique criant et visible certainement décuplé par la pollution générale c'est la mort de nos arbres. Chaque année nous sommes nombreux à constater la mort de plus en plus d'arbres par ci par là phénomène que nous n...

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