Dolly Daou, designer, de la ville à l’assiette

Australienne d’origine libanaise, diplômée en architecture d’intérieur, Dolly Daou dirige le Food Lab Design de l’École de design Nantes Atlantique. Un lieu qu’elle veut ouvert sur l’entreprise et à l’international pour mieux appréhender les enjeux des transitions alimentaires.
Entre design, philosophie et urbanisme, Dolly Daou interroge nos pratiques et pose la question de la transition alimentaire.
Entre design, philosophie et urbanisme, Dolly Daou interroge nos pratiques et pose la question de la transition alimentaire. (Crédits : Frédéric Thual)

Mon projet préféré, c'est celui-là. Parce qu'il montre comment l'évolution des comportements alimentaires, la disparition des commerces de bouche et la transition protéique vont entraîner la perte de savoirfaire ancestraux et comment on peut les sauvegarder », pointe Dolly Daou, directrice du Food Design Lab, créé en 2009 par l'École de design Nantes Atlantique. Ici, se forment chaque année, 24 étudiants pour répondre aux enjeux des nouvelles pratiques alimentaires.

Au programme, deux axes majeurs  : le recyclage des déchets et la transition protéique. Les uns étudient la substitution de capsules de café, des jeux pour éveiller les sens des enfants en leur apprenant à reconnaître goûts et saveurs ou la transformation d'arêtes de poisson en gâteaux apéritifs... les autres cherchent à valoriser le zooplancton, les lentilles d'eau ou les écrevisses de Louisiane. Dolly Daou, elle, est arrivée en juin 2018. Avec une mission : « Comment nourrir la planète en 2050 ? ». Et elle ajoute :« ... et maintenant ?»

Trouver des voies complémentaires

« On peut vouloir manger végétarien ou faire du circuit court. Encore faut-il connaître les effets sur le corps, l'impact sur les outils de production, le système alimentaire. Il faut se poser les vraies questions. Si tout le monde se mettait à consommer des insectes, en un siècle ils auraient complètement disparu. Il ne s'agit donc pas de supprimer la viande mais de trouver des voies complémentaires, de changer les modes de vie pour aller vers une transition alimentaire qui influence les questions écologiques  », explique l'enseignante-chercheuse, née au Liban, expatriée en Jordanie pour échapper à la guerre, émigrée en Australie, revenue au Liban pour achever son mémoire de Doctorat « Comment la vie perd son esprit après la guerre » portant sur les reconstructions de Berlin, Beyrouth, Mostar et Sarajevo.

Diplômée d'un doctorat en philosophie, architecture intérieure et design urbain à l'université d'Adélaïde, en Australie, elle sillonne durant dix-sept ans la planète et les universités de Nouvelle-Zélande, Hong Kong, Dubaï, Abou Dhabi, Bahreïn, Paris et New York et déroule la philosophie du design dans des projets de recherches multidisciplinaires, des démarches d'assurance qualité dans l'éducation, le leadership...

Humer les cultures du monde

Le rapport avec l'alimentation ? « Comme l'alimentation, qui répond à des besoins biologiques, l'urbanisme et l'habitat influencent nos modes de vies. » C'est ce qui la frappe en débarquant de Dubaï à Nantes. « La ville s'est construite autour de la biscuiterie Lefèvre Utile. Les raffineries de sucre, les manufactures, les logements se sont installés autour de l'usine. Le petit LU, lui-même est très designé », explique-t-elle lors de sa première conférence organisée au château des ducs de Bretagne.

« Regardez, à Shanghai, dans certaines maisons de l'ancien quartier français, les Chinois ont supprimé les cuisines parce qu'ils ne s'en servent pas. Ici, en France, les traditions culinaires sont très enracinées. Les heures et le temps des repas sont marqués, les menus toujours composés d'une entrée, d'un plat, d'un dessert. D'où je viens, la pause repas n'existe pas. Nos comportements influencent la transition alimentaire et les expériences sensorielles sont différentes d'un pays à l'autre », affirme-t-elle, séduite par l'approche entrepreneuriale et internationale de l'école nantaise de design où se multiplient les partenariats avec les acteurs économiques.

« Il est essentiel que les étudiants finalisent leur projet d'études en entreprise à l'étranger. Ça leur ouvre les yeux. Et alors on pourra changer les usages », souligne Dolly Daou. Selon elle, les véritables évolutions interviendront avec les millenials. Pour cette génération, plus sensible à la cause animale et aux changements climatiques, celle qui se rêvait d'être avocate plaide pour ouvrir une chaire destinée à leur montrer « comment, à l'instar de la révolution industrielle, la révolution digitale et la transition alimentaire vont transformer leur mode de vie ».

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PROFIL

1972 : Naissance à Beyrouth (Liban) 
1996-2000 : Bachelor de design intérieur (Australie)
2007-2012 : Doctorat de philosophie, architecture et design urbain, université d'Adélaïde (Australie)
2011 : Coordinateur du master de design à l'université de Swinburne (Australie)
2014 : Experte assurance qualité pour l'éducation au design en Australie
2017 : Directrice de l'association des professionnels du design intérieur (APID), Dubaï 2018 :  Directrice du Food Design Lab de l'Edna (École de design Nantes Atlantique) P

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