Il ne faut pas parler d’âge à Lenny Martinez

Révélation du début de saison, le grimpeur de 20 ans est prêt à marcher dans les pas des surdoués dont la valeur n’attend pas le nombre des années.
Le Français Lenny Martinez, vainqueur de la 61e édition du Trofeo Laigueglia (Italie), le 28 février.
Le Français Lenny Martinez, vainqueur de la 61e édition du Trofeo Laigueglia (Italie), le 28 février. (Crédits : © LTD / Icon Sport - Photo by Icon Sport)

Anecdotique ou prophétique ?

Lenny Martinez, deuxième au Gran Camino fin février, a partagé le podium avec le Danois Jonas Vingegaard, qui l'a devancé, et le Colombien Egan Bernal. Deux vainqueurs du Tour de France. « Je ne me sens pas encore à ma place entre ces deux très grands champions, confie le Cannois. Mais si ça se reproduit dans le futur, il va falloir s'y habituer. » Tout Lenny Martinez est là : humble mais pas trop. Puisque le potentiel est là, pas question de jouer au faux modeste.

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Le cyclisme français se renouvelle en profondeur. Thibaut Pinot a choisi de rester pour de bon auprès de Kim, sa chèvre adorée ; Romain Bardet finit en pente douce ; Julian Alaphilippe lutte contre les chutes, les critiques de son patron et le déclin. Si « ça fait drôle de voir Julian moins fort d'un coup » et qu'il veut croire que ce n'est « pas fini » pour ses aînés, Lenny Martinez accepte l'idée d'un début de passage de témoin. C'est particulièrement vrai au sein de l'équipe Groupama-FDJ, que son patron Marc Madiot entend « réinventer » avec Romain Grégoire et lui, 21 et 20 ans.

Les deux compères ont raflé les victoires chez les jeunes et n'ont guère attendu pour noircir les premières lignes à leur palmarès professionnel. Pour Lenny Martinez, la première de la saison a été inattendue, à la Classic Var, car le Norvégien Tobias Johannessen avait levé les bras trop tôt. En revanche, il a fini seul au Trofeo Laigueglia. Puis a confirmé aux Strade Bianche, épreuve de calibre supérieur (8e). « C'était marrant de courir dans cet environnement et de se battre pour un top 10 alors que cette course ne me correspond pas à 100 % », tient à rappeler le deuxième Français au général (derrière Benoît Cosnefroy, 6e).

La bonif Google Maps

Au niveau régional, il attaquait « tout le temps ». Il a toujours sa giclette dans les bosses et son accélération dans les 200 derniers mètres, mais il sait aussi « rester au chaud ». « Il est souvent beau à voir dans un final où, sans être toujours le plus fort, il a déjà gagné en étant très malin », raconte son entraîneur Benoît Vaugrenard. Il a aussi une analyse pointue de la course et des adversaires. Au Tour du Valromey en 2021, il avait repéré sur Google Maps un sprint bonification mal balisé sur la route et ainsi devancé la concurrence d'une seconde. « C'est un rusé, il capte toutes les informations », se souvient Julien Thollet, sélectionneur de l'équipe de France juniors.

Il y a le travail, et il y a l'atavisme. Lenny est le cinquième cycliste professionnel de la famille Martinez. Le grand-père, Mariano, a remporté deux étapes du Tour de France et le maillot de meilleur grimpeur en 1978 ; son frère Martin a gagné une étape de la Vuelta. Le père de Lenny, Miguel, a été champion olympique de cross-country à Sydney en 2000. « J'ai son petit gabarit [1,68 mètre, 52 kilos], note-t-il, mais le caractère relâché de mon oncle Yannick, qu'on surnomme "la force tranquille". » Et qui a passé six saisons dans le peloton professionnel.

2 jours passés avec le maillot rouge sur la Vuelta 2023. C'est aussi son nombre de victoires depuis le début d'année.

Curieusement, le jeune grimpeur assure que les siens « n'ont pas de grosses attentes » et sont « plutôt étonnés » de ses résultats de l'hiver. Ce qui, à y bien réfléchir, ne lui déplaît pas : « Je n'aurais pas envie qu'ils pensent que je vais à coup sûr faire un podium lors des prochaines courses. Le vélo, ça peut se passer très bien mais aussi très mal. » Les derniers jours du Tour d'Espagne lui en ont donné un aperçu : il a achevé sa première course de trois semaines à la 24e place après avoir porté pendant deux étapes le maillot rouge de leader chipé au Belge Remco Evenepoel.

Leur audace, Martinez et ceux de sa génération la doivent justement au « petit cannibale » belge. « Tout a changé depuis qu'Evenepoel a gagné la Clásica San Sebastián à 19 ans, théorise Benoît Vaugrenard. Les jeunes sont décomplexés et veulent gagner tout de suite. À mon époque, les cadets se promenaient entre copains alors qu'aujourd'hui ils ont toutes les bases de la préparation, ce qui fait directement ressortir les pépites du lot. »

Dans le cyclisme français, réputé conservateur, « on a longtemps pensé à ne pas cramer les espoirs alors qu'on voyait des footballeurs de 17 ans jouer les premiers rôles en Ligue 1 », poursuit l'ancien champion de France du contre-la-montre (2007).

Il n'y a donc pas qu'à Kylian Mbappé qu'il ne faut pas parler d'âge ? « C'est un peu ça », s'amuse Lenny Martinez, en lice à partir de demain au Tour de Catalogne. Avant les courses, au briefing des équipes, il a ouï dire que des directeurs sportifs lançaient : « Attention à Martinez, c'est un client ! » Ça lui plaît d'autant plus qu'il s'imagine « encore beaucoup plus fort » dans quelques années.

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