Elon Musk traîne OpenAI en justice pour avoir privilégié l'argent à l'intérêt général

Elon Musk a déposé plainte contre OpenAI et ses dirigeants. Il reproche à l'éditeur de ChatGPT d’avoir trahi sa promesse originelle de créer des intelligences artificielles pour le bien de l’humanité pour privilégier le profit. Au-delà de demandes irréalistes, comme faire cesser la commercialisation de ChatGPT, le milliardaire met OpenAI face à ses contradictions. Même s’il est loin d'être le mieux placé pour le faire…
François Manens
Elon Musk exige ni plus ni moins que OpenAI arrête de commercialiser ses intelligences artificielles.
Elon Musk exige ni plus ni moins que OpenAI arrête de commercialiser ses intelligences artificielles. (Crédits : POOL)

Intarissable dans ses critiques contre OpenAI, Elon Musk a joint les paroles aux actes. Jeudi, il a déposé une plainte contre le créateur de ChatGPT, son directeur général Sam Altman et d'autres cadres comme le président Greg Brockman. Il les accuse d'avoir rompu des engagements contractuels pris lors de la création de l'organisation en 2015. Musk était l'un des douze fondateurs de OpenAI aux côtés de Altman et Brockman, en plus d'en être le principal contributeur financier avant de se faire écarter en 2018.

Avec la plainte, Elon Musk demande ni plus ni moins que OpenAI redevienne une entreprise open source, c'est-à-dire qui publie ses travaux en source ouverte, comme elle le faisait avant 2019. Microsoft avait alors investi un milliard de dollars dans la structure, qui ouvrait dans le même temps une sous-structure à but lucratif. Comme le relève Court House News, Elon Musk requiert également qu'une ordonnance judiciaire soit émise contre OpenAI, Sam Altman et Greg Brockman, afin qu'ils ne puissent plus commercialiser les intelligences artificielles de l'entreprise...

OpenAI attaqué sur son changement de modèle

« Les détails internes de GPT-4 [le plus puissant modèle d'IA d'OpenAI, ndlr] ne sont connus que de OpenAI et Microsoft. GPT-4 est donc l'opposé d'une "open AI" », peut-on lire dans la plainte. Et de compléter plus loin : « [GPT-4] est fermé pour des raisons commerciales : Microsoft est bien parti pour faire fortune en vendant GPT-4 au public, ce qui ne serait pas possible si OpenAI -comme il est contraint de le faire- rendait la technologie accessible gratuitement au public. »

Elon Musk reproche à OpenAI de ne plus privilégier « le bien-commun de l'humanité », comme il s'était engagé à le faire à sa création, et d'à la place maximiser ses profits et par ricochet ceux de son partenaire privilégié Microsoft, « littéralement la plus grosse entreprise du monde », peste le milliardaire dans sa plainte.

Pour appuyer son propos, il cite les conséquences l'affaire Sam Altman à la tête de OpenAI en novembre 2023, qui a mené à la démission du conseil d'administration en place depuis sa création. L'épisode a renforcé la vision d'Altman tournée vers le déploiement régulier de produits et appuyée par Microsoft, qui siégera d'ailleurs dans le prochain conseil d'administration.

Six ans de ressentiment contre OpenAI

Pour comprendre l'animosité chronique d'Elon Musk contre l'organisation qu'il a cofondé, il faut remonter à 2018. L'homme d'affaires quitte alors le conseil d'administration d'OpenAI, officiellement pour éviter tout potentiel conflit d'intérêts avec ses activités chez Tesla. En réalité, Elon Musk aurait proposé, au début de la même année, de prendre le contrôle d'OpenAI, car il estimait que l'organisation concurrente, DeepMind (racheté par Google en 2014), prenait trop d'avance. Sauf que Sam Altman (co-fondateur et CEO d'OpenAI depuis sa création) et les autres actionnaires ont refusé, ce qui a entraîné le départ de l'entrepreneur, et l'annulation d'une partie des dons promis de la part de ce dernier.

Un an plus tard, OpenAI recevait un premier investissement de Microsoft et ouvrait une structure à but lucratif. Depuis la sortie de ChatGPT fin 2022, la startup est même devenue le fer de lance de l'arrivée des intelligences artificielles génératives dans l'industrie. Face à cette situation, Elon Musk se positionne comme un critique de son ancienne organisation. « OpenAI est devenue une entreprise fermée, qui vise un profit maximal et qui est contrôlée dans les faits par Microsoft. Ce n'est pas ce que je souhaitais », déclarait-il début 2023.

Outre l'aspect financier, il accuse également ChatGPT de relayer uniquement une idéologie « woke » et « de gauche », c'est-à-dire qui mettrait trop en avant la diversité et le « politiquement correct ». Après les critiques, il a lancé en juillet 2023 son propre concurrent d'OpenAI, baptisé xAI, qui a sorti quelques temps plus tard Grok, un ChatGPT censé être caustique et ne pas tomber dans les supposés travers de l'outil d'OpenAI. Avec un succès pour le moment plus que discutable, tant sur le fond que sur la forme...

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

En parallèle de sa tentative grandiloquente de stopper OpenAI, Elon Musk est à la pêche aux milliards de dollars pour faire entrer xAI dans la cour des grands. Son laboratoire de chercheurs a pour mission d'abreuver ses entreprises, à commencer par X (ex-Twitter) et Tesla, en fonctionnalités d'intelligence artificielle. Pour autant, l'homme d'affaires ne souhaite pas en faire une machine à cash, malgré les investissements colossaux placés dans la startup, dont une partie significative vient de sa poche.

En décembre, xAI a ainsi réorganisé sa structure en « for-profit benefit corporation », un statut particulier au droit américain qui n'existe pas en France, proche de celui d'OpenAI à sa création (mais pas identique). Dans le détail, l'entreprise reste à but lucratif, mais elle doit prioriser la mission de l'entreprise -créer des IA qui bénéficient à l'humanité, dans le cas de xAI- avant l'intérêt financier des actionnaires.

L'entreprise s'engage ainsi à se soumettre à un audit extérieur chaque année pour vérifier si son engagement est respecté, et elle doit publier un rapport pour démontrer les effets positifs de ses actions auprès du grand public. Avec ce choix structurel, le milliardaire s'aligne donc sur ses principes. En revanche, ne comptez pas sur xAI pour publier ses travaux en open source. Alors qu'il fait de la fermeture des modèles un critère essentiel de la supposée trahison de OpenAI, Elon Musk a écarté cette possibilité pour sa propre entreprise...

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 02/03/2024 à 8:25
Signaler
Ce mec est piloté par la finance américaine donc pour savoir ce qu'il a en tête ce n'est pas possible.

à écrit le 01/03/2024 à 14:55
Signaler
Bonjour, quel surprise, certains privilégie l'intérêt personnel au lieu de l'intérêt collectif... d'ailleurs ce monsieur est un exemple, ils a licencié 50% des employés de X et a mieux installés une machine a fric... Bien sur ils ne faut pas le di...

à écrit le 01/03/2024 à 14:55
Signaler
OpenAI et ses dirigeants sont sans doute restés boulonnés aux mantras du saint-patron des économistes mainstream qui, en septembre 1970, publiait dans The New York Times Magazine un texte qui suscita beaucoup d’opposition à l’époque, mais qui dès lor...

à écrit le 01/03/2024 à 14:02
Signaler
Elon a raison. Le fric, y'a que ca de vrai.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.