IA générative : Elon Musk à la pêche aux milliards pour faire entrer xAI dans la cour des grands

xAI, l'entreprise d'intelligence artificielle fondée par Elon Musk cherche à lever pas moins de six milliards de dollars. Objectif affiché, concurrencer OpenAI. A travers cette opération, xAI serait ainsi valorisée à plus de 20 milliards de dollars, à peine six mois après sa création. Mais surtout, la startup serait enfin dotée d'une puissance de feu financière alignée sur les champions du secteur, à la hauteur des ambitions du milliardaire.
François Manens
Le milliardaire cherche des financement pour xAI, son entreprise d'intelligence artificielle.
Le milliardaire cherche des financement pour xAI, son entreprise d'intelligence artificielle. (Crédits : GONZALO FUENTES)

Elon Musk peut-il vraiment rivaliser avec OpenAI ? En apparence, il donne l'impression de vouloir s'en donner les moyens. Selon les informations du Financial Times, son entreprise d'intelligence artificielle xAI cherche à lever pas moins de six milliards de dollars. L'homme d'affaires démarcherait lui-même des family offices hongkongais, les fonds souverains du Moyen-Orient, ou encore des investisseurs japonais et sud-coréens. Il n'en serait cependant qu'à un tour d'observation, les négociations restant pour le moment figées à des stades préliminaires.

Alors que des documents légaux déposés dans le Nevada exposent publiquement la volonté de l'entreprise de lever de l'argent, Elon Musk continue pour sa part de nier en boucle. « xAI ne lève pas du capital et n'a eu aucune conversation avec qui que ce soit à ce sujet », a-t-il réagi à l'article du Financial Times.

Cette levée de fonds, coordonnée par Morgan Stanley (déjà impliqué dans le rachat de Twitter) se ferait sur une cible de valorisation de 20 milliards de dollars. Créée il y a à peine six mois et composée de seize employés (dont Elon Musk), l'entreprise a déjà sorti un concurrent de ChatGPT, baptisé Grok. Pour l'heure, son accès reste toutefois réservé aux utilisateurs payants de X (ex-Twitter), et il connaît un succès pour le moins discutable.

L'argent, nerf de la guerre

D'après Bloomberg, xAI avait déjà sécurisé 500 millions de dollars sur sa cible initiale d'un milliard à la mi-janvier. Cette série A aurait été menée par Elon Musk lui-même, même s'il a - là encore - démenti l'information. Elle devrait être prochainement bouclée, selon The Information, alors que l'homme d'affaires s'est déjà lancé à la recherche de partenaires pour une série B encore plus ambitieuse.

Et pour cause, la course de l'intelligence artificielle se fait à grands coups de centaines de millions de dollars, si ce n'est en milliards de dollars. Les spécialistes s'arrachent à prix d'or, et les processeurs nécessaires à l'entraînement des IA les plus complexes coûtent chacun plusieurs dizaines de milliers de dollars. Il suffit de regarder du côté des grandes têtes d'affiche du secteur : OpenAI a récolté plus de 13 milliards d'investissements de la part de Microsoft, tandis que son principal concurrent, Anthropic, a reçu quatre milliards de dollars d'Amazon, puis deux milliards de dollars de Google.

Meta a, quant à lui, annoncé plus de dix milliards de dollars d'investissements pour revenir sur le devant de la scène de l'IA. Même les plus acteurs plus petits comme Inflection, Cohere ou encore Mistral ont réussi à réunir plusieurs centaines de millions de dollars d'investissement.

Lire aussiIntelligence artificielle : Anthropic, Google, Mistral... qui pour détrôner OpenAI en 2024 ?

Les tensions géopolitiques, freins à la levée ?

Le problème ? Peu d'organisations ont les capacités de suivre des tours de table aussi colossaux, qui explosent les records de la tech. C'est la raison pour laquelle deux typologies d'acteurs se trouvent généralement aux manettes de ces levées de fonds : les géants de la tech américaine d'un côté (Microsoft, Google, Amazon, Nvidia, IBM, Oracle...) et les très grands fonds d'investissement américains (Sequoia Capital, Andreesen Horowitz...) de l'autre.

Elon Musk, de son côté, n'engage donc dans une autre voie que ses concurrents. Il tente le pari de l'étranger en lorgnant du côté du Moyen-Orient et de l'Asie de l'Est. Ce pari reste toutefois risqué dans le contexte géopolitique actuel, l'IA étant considérée comme une technologie stratégique aux Etats-Unis. L'année dernière, l'administration Biden a interdit une partie des investissements américains dans l'écosystème de l'IA chinois.

Cette contre-indication, étendue à Hongkong où l'influence chinoise pèse de plus en plus, pourrait entraver la stratégie du milliardaire en cas de représailles économiques de la Chine. Les tensions diplomatiques sont d'autant plus exacerbées dans l'IA qu'elles atteignent de nouveaux sommets dans le monde étroitement lié des semi-conducteurs, où les Etats-Unis multiplient les restrictions pour priver la Chine des meilleures puces.

Quant aux fonds souverains du Moyen-Orient, ils sont souvent associés à des positions très conservatrices sur les sujets de société et sur les sujets relatifs aux droits de l'Homme, parfois incompatibles avec les valeurs occidentales. Or, une telle division sur le fonds pourrait créer des tensions quant aux propos tenus par les IA de xAI, bien que Grok soit présenté comme une alternative aux IA jugés trop « wokistes », c'est-à-dire progressiste sur les sujets liés aux minorités.

La mission de l'entreprise placée avant l'intérêt des actionnaires

L'intérêt d'Elon Musk pour xAi est assez clair : le laboratoire de chercheurs devrait abreuver ses entreprises, à commencer par X (ex-Twitter) et Tesla, en innovation d'IA. Pour autant, l'homme d'affaires ne souhaite pas en faire une machine à cash, malgré les investissements colossaux placés dans la startup, dont une partie significative vient de sa poche.

En décembre, xAI a ainsi réorganisé sa structure en « for-profit benefit corporation », un statut particulier au droit américain qui n'existe pas en France. Dans le détail, l'entreprise reste ainsi à but lucratif, mais elle doit prioriser la mission de l'entreprise - créer des IA qui bénéficient à l'humanité, dans le cas de xAI - avant l'intérêt financier des actionnaires.

Ce statut doit, en théorie, empêcher les dérives de la technologie, contre lesquelles Elon Musk met régulièrement en garde. Concrètement, xAI s'engage à se soumettre à un audit extérieur chaque année pour vérifier si son engagement est respecté, et il doit publier un rapport pour démontrer les effets positifs de ses actions auprès du grand public.

La startup d'Elon Musk s'est ainsi dotée d'un statut proche de celui d'Anthropic, et de celui de OpenAI à sa création en 2015. Pour prévenir d'éventuelle dérives, ce dernier s'était lancé avec un statut d'entreprise à but non lucratif, avant d'ouvrir quatre ans plus tard une sous-structure à but lucratif, consécutive au premier investissement de Microsoft. Un changement particulièrement critiqué par Elon Musk, qui faisait partie des cofondateurs d'OpenAI, mais qui avait claqué la porte de l'entreprise quelques mois auparavant après une querelle de pouvoir. Cette particularité statutaire a joué un rôle important dans le feuilleton autour de son directeur général Sam Altman en novembre.

Le conseil d'administration avait alors décidé de le licencier à la surprise générale, vraisemblablement, car il trouvait sa stratégie de développement trop précipitée et contraire à un développement raisonné de l'IA. Les motivations exactes du conseil n'ont pas été clairement exprimées, mais une chose est sûre : il est allé à l'encontre de l'avis des actionnaires, à commencer par Microsoft, très satisfait des travaux de Sam Altman. Au bout de cinq jours de rebondissements, et sous la menace d'un départ massif des employés, le conseil d'administration a réembauché Altman et démissionné dans la foulée.

Avec son nouveau statut, xAI veut éviter un tel scénario et Elon Musk répète à qui veut entendre à quel point il est attaché à ce que l'entreprise œuvre pour le bien commun. Mais faut-il encore que la startup prouve qu'elle peut se distinguer dans une course à l'IA qu'elle démarre avec du retard.

François Manens

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Commentaires 3
à écrit le 30/01/2024 à 23:59
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Ce qu'ils devraient rechercher chez X, c'est l'intelligence humaine. Mais, ça pourra aller mieux, après qu'une overdose...

à écrit le 30/01/2024 à 13:51
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Et les milliards de la conduite autonome ou artificielle ils ont servi à quoi ? Pognon de dingue jeté par les fenêtres pour des outils que personne, PERSONNE, ne réclame !

à écrit le 30/01/2024 à 11:35
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Non à la pêche aux milliards pour capter l'argent public, les américains feraient bien de se méfier de leur ploutocratie si elle part autant vers la dérive du détournement des financements publics qu'en UE. Dans un contexte international tendu c'est ...

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