Informatique : les forces du centre français de recherche du géant américain IBM

Situé à Saclay en banlieue parisienne, le laboratoire français d'IBM mène des recherches de pointe autour de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique. Le tout, en veillant à mettre en œuvre des applications concrètes pour les entreprises. Présentation.
Vue du centre de R&D d’IBM, situé à Saclay en Ile-de-France (photo d'illustration)
Vue du centre de R&D d’IBM, situé à Saclay en Ile-de-France (photo d'illustration) (Crédits : DR)

[Article publié le mercredi 03 avril 2024 à 14h02 et modifié le jeudi 4 avril 2024 à 13h13] « Toute la recherche fondamentale que nous produisons ici est ouverte : sur le quantique, par exemple, nous sommes l'une des seules sociétés qui publie ses résultats dans de grandes revues comme Nature ou Science, avec le taux d'erreur, les nouveautés, etc. Même chose sur l'intelligence artificielle : nous publions certains modèles en open source, mais même pour nos modèles propriétaires, comme Granite, nous donnons les paramètres et hyperparamètres utilisés, les sources des données, si bien que si vous êtes un chercheur, vous pouvez reproduire le modèle », affirme Xavier Vasques, vice-président et directeur Technique chez IBM Technology et R&D en France. L'expert travaille pour le centre de R&D d'IBM France, situé à Saclay dans le département de l'Essonne, dans le sud de l'Ile-de-France. Le laboratoire possède aussi deux annexes, à Biot (Alpes-Maritimes) et Pornichet (Pays de la Loire).

Dans leur laboratoire de Saclay, les équipes de recherche du géant de l'informatique BtoB américain y réalisent un mélange de recherche fondamentale et de développement avec des applications économiques concrètes, le tout principalement autour de l'intelligence artificielle. Pionnière dans ce domaine, avec notamment le lancement du célèbre superordinateur IBM Watson en 2011, la firme IBM s'efforce désormais, à l'instar de Google, Meta et bien d'autres, de prendre le train en marche de l'IA générative, lancé à toute vitesse par OpenAI. Dans cette optique, l'entreprise a créé l'an passé la plateforme WatsonX, qui accompagne les entreprises dans l'adoption de l'IA générative.

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WatsonX, le COBOL et la Nasa

« Notre mission principale consiste à créer des produits logiciels qui feront ensuite partie du catalogue IBM et seront distribués partout dans le monde. Nous couvrons toute la chaîne de production jusqu'au support client », précise un autre expert du sujet, Jean-Christophe Durand, directeur du centre R&D d'IBM en France. Parmi les usages de l'IA générative au service des entreprises - outre les cas d'usage habituels comme la détection de fraudes bancaires, l'optimisation de la gestion clients et de la chaîne de valeur - les équipes d'IBM planchent sur des projets plus surprenants, comme la traduction du COBOL. Un vieux langage informatique aujourd'hui indéchiffrable pour la plupart des codeurs, mais qui demeure la pierre angulaire de certaines entreprises.

« Le secteur bancaire, notamment, s'appuie sur de nombreuses applications développées en COBOL, il y a de cela plusieurs décennies. C'est un code aujourd'hui encore très robuste et efficace, mais le nombre de développeurs le maîtrisant est réduit à peau de chagrin. Nous avons ainsi intégré à WatsonX une fonctionnalité qui permet soit de traduire le code COBOL existant pour passer sur du Java, soit d'expliquer ce code pour permettre aux ingénieurs de mieux s'y retrouver », explique Amélie Hocquette, Program Director, IBM Data & AI Software.

Le groupe travaille également avec la Nasa pour faire parler les images prises par les satellites. Xavier Vasques développe : « Nous avons notamment développé un modèle d'IA générative open source entraîné à la fois sur des images de satellite et 300 publications scientifiques autour du changement climatique. Il devient alors possible d'interagir avec le système et de poser des questions du type "On sait qu'il va y avoir une canicule au mois d'août, quel va être l'impact sur ma récolte de blé dans les mois suivants ?". Ou encore, ajoute le cadre, des interrogations comme : « "Quand il y a un feu de forêt dans telle région, quelles sont les zones à évacuer en priorité ?" »

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Cap sur l'IA de confiance

À l'heure où l'IA Act vient d'être définitivement adopté par les autorités européennes, la notion d'IA de confiance est sur toutes les lèvres, et la question est logiquement l'une des priorités des chercheurs du centre français de R&D d'IBM. Avec une spécificité, IBM s'adresse aux entreprises et non au grand public. « Notre monde est donc par essence plus régulé et contraint, ce qui nous oblige à un surcroît de vigilance », note Xavier Vasques.

Dans ce contexte, les équipes de recherche du centre déploient d'importants efforts autour du filtrage des données.

« Si certains parviennent à faire exploser les garde-fous d'un grand modèle linguistique et à obtenir de celui-ci des informations qu'il ne devrait normalement pas lui donner, c'est parce que ces informations existent en première instance. Une manière d'obtenir une IA de confiance consiste donc à filtrer ces données en amont. Par exemple, sur un modèle à six milliards de paramètres que nous avons récemment entraîné sur 6,6 téraoctets de données, nous avons dû en éliminer les deux tiers, car elles contenaient des propos haineux, des biais, des liens vers des sites douteux, etc. »

Les chercheurs d'IBM collaborent notamment avec l'IA Themis, du programme européen Horizon, ainsi qu'avec Mistral, Meta ou encore Hugging Face.

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Les défis de l'ingénierie quantique

Outre l'IA, une partie de la recherche fondamentale produite au centre de R&D d'IBM France est également orientée vers l'informatique quantique, technologie dans laquelle l'entreprise américaine est actuellement l'un des leaders mondiaux. L'an passé, la société a franchi une nouvelle étape avec la publication dans la revue scientifique Nature d'un papier de recherche sur l'utilité quantique, montrant pour première fois que son processeur quantique « Eagle » était capables de battre les machines classiques sur des tâches concrètes, parmi lesquelles le calcul des propriétés de certains matériaux, ou encore l'analyse d'interactions entre particules élémentaires.

Selon Xavier Vasques, IBM a encore progressé depuis : « Le processeur Eagle fonctionnait avec 127 qubits, là où son successeur, Heron, lancé en décembre, en compte 133. Surtout, nous avons quasiment éliminé le "cross talk" : lorsque vous manipulez un qubit, vous envoyez un message sur un atome et perturbez les atomes juste à côté, ce qui crée des erreurs. Au sein du processeur Eagle, les résultats se dégradaient à cause de cela. Avec Heron, nous avons quasiment éliminé ces perturbations, et le taux d'erreur est passé de 0,7% à 0,1%. La vitesse d'exécution des portes, elle, est passée de 500 nanosecondes à 90 nanosecondes. »

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Désormais, pour IBM, le défi consiste à transitionner du monde de la recherche à celui de la production. « On passe maintenant à des problèmes d'ingénierie, qui mêlent de la microélectronique, de la miniaturisation, des câbles, de l'hélium liquide, des systèmes de réfrigération performants... Notre but est de construire un écosystème cohérent dans cette optique : est-ce qu'un champion français de la cryogénie peut mettre sa technologie au service de l'informatique quantique ? C'est le genre de question que nous nous posons aujourd'hui. », conclut le vice-président et directeur Technique chez IBM Technology et R&D en France.

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Commentaire 1
à écrit le 04/04/2024 à 9:44
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