Le Royaume-Uni et l’Allemagne s’associent autour de l’informatique quantique

Les deux pays entendent combiner leur excellence universitaire et travailler sur des projets de R&D en commun. Cet accord illustre la volonté du Royaume-Uni de réparer la collaboration scientifique avec les autres pays européens, mise à mal par le Brexit, et plus généralement l'atmosphère de coopération internationale qui prévaut aujourd'hui dans l’informatique quantique.
(Crédits : Thales)

Et une collaboration de plus au service de l'informatique quantique : le Royaume-Uni et l'Allemagne ont signé mi-mars un partenariat autour de cette technologie, afin de renforcer leur recherche respective et de financer des projets communs. Cette annonce illustre la volonté du Royaume-Uni de se rapprocher de plusieurs pays européens sur la recherche de pointe, afin de rétablir une collaboration scientifique qui a souffert du Brexit.

En décembre dernier, le pays a réintégré Horizon Europe, programme de subvention doté d'un budget de 96 milliards d'euros, permettant aux chercheurs britanniques de demander de nouveau des subventions et de participer à des projets dans le cadre de celui-ci. Le Royaume-Uni a également rejoint la composante Copernicus du programme spatial européen, permettant aux chercheurs britanniques d'accéder aux données d'observation de la terre, précieuses notamment pour le suivi des catastrophes naturelles. Le Royaume-Uni voit également plus loin que le Vieux Continent et a récemment tissé un partenariat de recherche scientifique avec l'Arabie saoudite.

Lire aussiCalcul quantique : la France a besoin de capitaux de rupture

Rishi Sunak met le cap sur l'ordinateur quantique

Les principaux instituts scientifiques des deux pays, dont la société Max-Planck pour le développement des sciences, côté allemand, et la Royal Society britannique, seront amenés à collaborer pour identifier les opportunités de R&D les plus pertinentes et déployer des programmes de recherche communs. Un groupe de recherche stratégique sera établi par les deux gouvernements pour faciliter cette coopération.

« La collaboration avec nos collègues britanniques est devenue beaucoup plus complexe après le Brexit et la sortie du Royaume-Uni des programmes européens. Il est donc important de rétablir ces relations, d'autant que le Royaume-Uni possède de nombreux chercheurs de haut vol travaillant sur l'informatique quantique. Travailler ensemble passe notamment par des programmes de recherche cofinancés, ce que devrait permettre ce rapprochement », note Sebastian Blatt, de l'Institut Max Planck d'optique quantique et cofondateur de la jeune pousse quantique Planqc.

Sous l'impulsion du Premier ministre britannique Rishi Sunak, qui met l'accent sur les nouvelles technologies depuis le début de son mandat, le Royaume-Uni s'est doté en mars 2023 d'un plan quantique doté d'un budget de 2,5 milliards de livres, avec pour ambition d'attirer un milliard supplémentaire de la part des investisseurs privés. Le budget voté au printemps comprend 1,6 milliard d'investissement supplémentaire dans un programme visant à limiter les erreurs de calcul des ordinateurs quantiques, l'un des principaux freins à leur développement.

« Rendre l'informatique quantique tolérant aux erreurs est l'une des conditions majeures pour obtenir des usages féconds de ces machines. Cette étape a été franchie dans les années 1960 pour l'informatique traditionnelle et il y a un effort mondial majeur pour la franchir depuis l'an passé » affirme Graeme Malcolm, directeur général et fondateur de M Squared, une jeune pousse du quantique basée à Glasgow, en Écosse.

Lire aussiLe potentiel révolutionnaire de l'informatique quantique constitue une rupture technologique majeure

Deux écosystèmes complémentaires

Le Royaume-Uni possède plusieurs centres d'excellence sur le quantique, dont les universités d'Oxford (près de laquelle a été installé un centre national de l'informatique quantique), Cambridge, Glasgow, ainsi que l'Imperial College London. L'Allemagne, qui a joué un rôle majeur dans l'éclosion de la mécanique quantique, à travers des scientifiques comme Albert Einstein, Erwin Schrödinger et Werner Heisenberg, compte également ses centres d'excellence, en particulier la ville de Munich, avec deux universités proposant des formations de pointe (l'Université technique de Munich et l'Université Louis-et-Maximilien). Autour de la capitale de la Bavière s'est constituée une « vallée du quantique » abritant de nombreuses jeunes pousses, dont Planqc.

Pour Sebastian Blatt, les deux pays sont complémentaires.

« Le Royaume-Uni possède un écosystème de startups très dynamique, dont l'Allemagne a beaucoup à apprendre. De notre côté, nous avons de longue date lancé des programmes institutionnels visant à promouvoir le développement de cette technologie, avec plus de deux milliards d'euros investis au total, et un mécanisme de collaboration avec l'agence spatiale allemande qui permet aux jeunes pousses de travailler rapidement sur des projets concrets. »

Lire aussiCalcul quantique : Qubit Pharmaceuticals réalise une percée majeure pour accélérer la découverte de médicaments

Un écosystème collaboratif

Sur le marché bourgeonnant de l'informatique quantique, l'heure est à la collaboration par-delà les frontières. Nous annoncions ainsi récemment une association entre la jeune pousse française Pasqal et une université sud-coréenne. Un esprit de collaboration qui s'explique notamment par la rareté des talents dans ce domaine, selon Sebastian Blatt. « On compte actuellement environ un millier de spécialistes de l'informatique quantique dans le monde, un pool de talents réduit qui rend nécessaire la coopération pour avancer », note le chercheur.

En outre, le secteur n'est pas encore suffisamment mature pour que les acteurs empiètent les uns sur les autres, d'après Shai Machnes, fondateur de la jeune pousse israélo-allemande Qruise. « Pour l'instant, les ordinateurs quantiques en sont encore à un stade très précoce et intéressent principalement les ingénieurs et les physiciens. Ils sont encore suffisamment éloignés de la commercialisation pour que les entreprises profitent davantage de la collaboration que de la crainte de se faire voler leur technologie par la concurrence. » Cela pourrait toutefois changer rapidement, les ordinateurs quantiques progressant plus vite que prévu et certains prévoyant leur utilisation massive pour la fin de la décennie...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 27/03/2024 à 8:03
Signaler
Il vaut mieux ne pas laisser l'Allemagne seule de manière générale qui on le comprend bien a besoin d'un partenaire pour aborder le thème de l'intelligence.

à écrit le 26/03/2024 à 15:50
Signaler
Brexit mais ils continuent à bénéficier des programmes de l’UE ! L’impératrice von der Layen est généreuse, avec nos sous... d’autant que cela reste entre anglais et allemands.

le 26/03/2024 à 19:42
Signaler
ils bénéficient encore de quels programmes UE ? Vu que vous les connaissez ça serait intéressant de nous éclairer. ("et la sortie du Royaume-Uni des programmes européens") Erasmus c'est terminé (les étrangers voulant étudier en GB paient plein pot, ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.