Mistral, le champion français de l'IA à la conquête de la Silicon Valley

Incontournable à Paris, Mistral AI testait pour la première fois cette semaine sa popularité dans la Silicon Valley. Reportage.
Arthur Mensch, CEO de Mistral AI, présentait son entreprise à la GTC de Nvidia.
Arthur Mensch, CEO de Mistral AI, présentait son entreprise à la GTC de Nvidia. (Crédits : FM pour La Tribune)

Des centaines de professionnels de l'intelligence artificielle s'amassent dans une grande salle de conférence bondée du McEnery Convention Center de San Jose. Ils sont venus voir un des ovnis de leur industrie. Sur scène, Arthur Mensch présente sa startup, Mistral AI, dans un anglais fluide où son léger accent français ressort. Véritable star de l'écosystème hexagonal, le dirigeant de 31 ans porte un projet ambitieux. Depuis Paris, il entend concurrencer OpenAI (le créateur de ChatGPT), Google ou encore Meta dans le développement des meilleurs modèles d'IA. Sa prise de parole attire d'autant plus l'attention que la jeune pousse française ne s'était pas encore montrée publiquement dans la Silicon Valley.

Pour sa première, Mistral profite d'un présentoir de choix : la GTC, grande messe annuelle de Nvidia, l'incontournable vendeur de processeurs d'IA valorisé à plus de 2.000 milliards de dollars. Un événement très attendu, qualifié de « Woodstock de l'IA » par un analyste de la Bank of America, qui revenait dans un format physique pour la première fois depuis 2019.

À peine descendu de scène, Arthur Mensch se fait escorter par une nuée d'une vingtaine de personnes, avides de créer un premier contact ou d'arracher un conseil. L'entrepreneur passé par Google finira son bain de foule par une session de selfies avec quelques fans, avant de s'excuser pour partir en rendez-vous. « Ils ne sont pas encore aussi connus qu'OpenAI, mais ils sont clairement identifiés dans le premier groupe de concurrents », nous glisse Antonio Di Francesco, un développeur californien qui espérait saluer le dirigeant de Mistral. « Ils intriguent. L'industrie tend vers l'utilisation de modèles d'IA plus petits et plus efficaces, et on peut considérer qu'ils sont pionniers du sujet », complète une employée d'un des géants technologiques américain, venue assister à la présentation.

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Démonstration de force

En septembre 2023, à peine trois mois après sa création, la startup tricolore a publié son premier modèle d'IA, Mistral 7B. Un petit modèle, qui visait non pas à renverser le marché, mais à exposer le potentiel de l'entreprise. Grâce à sa diffusion gratuite en open source, tous les experts de l'IA ont pu le tester et se l'approprier pour leurs propres projets.

Rapidement, ils ont réalisé qu'ils assistaient à une démonstration de force : en un temps record, Mistral avait réussi à créer un nouveau modèle de référence, meilleur que son équivalent chez Meta. Le tout, avec des ressources humaines et matérielles bien moindres. « On en a très vite entendu parler en interne, grâce à leur place dans les classements de performance », raconte un employé français de Nvidia, dont le témoignage trouve écho chez les nombreux visiteurs du petit stand de la startup française.

Le phénomène a même fait le tour du monde. « C'est une entreprise qui inspire au Japon », nous explique Ryo Yamada, correspondant du journal financier Nikkei. « Nous sommes habitués à voir systématiquement les Etats-Unis dominer la tech, et là, d'un coup, une entreprise française arrive à se hisser à leur niveau ! »

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A la conquête du marché mondial

Pour sa première excursion officielle sur le territoire de ses concurrents, Mistral est venu en nombre. Les deux cofondateurs d'Arthur Mensch, Timothée Lacroix et Guillaume Lample, sont de la partie, accompagnés par une poignée des 35 salariés de l'entreprise. En plus de leurs présentations, les dirigeants enchaînent les rendez-vous d'affaires. « OpenAI a passé plus d'un an à éduquer le marché américain. Ils ont expliqué aux entreprises comment fonctionnait l'IA générative et quelle valeur on pouvait en tirer. Grâce à leur travail d'évangélisation, on ne perd pas de temps en explications basiques », constate le CTO de Mistral, Guillaume Lample.

Au début du mois, l'entreprise française a lancé son offre commerciale, articulée autour d'un nouveau modèle d'IA baptisé Mistral Large, capable de rivaliser avec les performances des références du secteur comme le fameux GPT-4 d'OpenAI. Pour marquer le coup, elle a même sorti un équivalent de ChatGPT, intelligemment baptisée « Le Chat ».

Mais cette fois, pas de diffusion en open source. Si les entreprises veulent utiliser Mistral Large, elles doivent mettre la main au portefeuille. Soit en s'adressant directement à la startup, soit en passant par Microsoft Azure. Les États-Unis sont un point de passage obligatoire pour la jeune pousse, et l'accord avec le géant de la tech leur offre une voie royale vers les entreprises.

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Recruter les meilleurs talents

Une fois la GTC terminée, la troupe de Mistral se dirigera vers San Francisco pour organiser un hackathon durant le week-end. La startup française compte y présenter ses modèles aux spécialistes locaux de l'intelligence artificielle, puis leur donner des ressources de calcul pour mener des expériences en direct. Les enjeux de l'événement sont nombreux : populariser leurs modèles, se présenter aux développeurs américains ou encore exposer un éventail de cas d'usages. « Le principal intérêt du hackathon, c'est d'identifier des talents », précise cependant à La Tribune Dimanche Guillaume Lample. « Nous n'avons pas forcément besoin de beaucoup de profils, mais il nous faut trouver les meilleurs»

La coqueluche française n'a pas attendu son passage dans la baie pour s'internationaliser. Cinq employés basés aux Etats-Unis les ont déjà rejoints. « Nous les faisons venir en France trois mois pour notre programme d'intégration, et puis ils repartent », détaille notre interlocuteur. Grâce aux plus de 500 millions d'euros levés depuis sa création, Mistral peut s'aligner sur les conditions salariales extrêmement élevées imposées par la concurrence des géants de la Silicon Valley.

Mais l'argent n'est qu'un levier parmi d'autres pour attirer les talents. L'accès à de la puissance de calcul, la technicité des équipes ou encore la réputation de l'entreprise pèsent aussi dans la balance. Pour être autant considéré que ses concurrents, Mistral a encore quelques ajustements à faire. « Ici, on nous appelle encore le 'French OpenAI, mais nous ne voulons pas de cette image. Même si nos locaux sont à Paris, nous sommes avant tout une entreprise à ambition internationale et nous comptons bien être considérés comme tels. » Message passé.

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