La crise, un levier pour une innovation plus vertueuse ?

Ce concept promu par Emmanuel Macron alors candidat à la Présidence de la République a fait florès depuis quatre ans. Tout en suscitant parfois scepticisme et ironie, comme l'a rappelé Cédric O en ouverture du Think Tech organisé par La Tribune du 29 mars dernier. Aujourd'hui, la France est devant l'Allemagne en termes de financement des jeunes pousses (mais toujours derrière le Royaume-Uni) et les sommes levées sont devenues considérables. Des startups qui peuvent devenir un des moteurs de la relance économique post pandémie.

« Une startup nation est une nation où chacun pourra se dire qu'il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une », affirmait Emmanuel Macron le 13 avril 2017 juste avant son élection. Deux mois plus tard, devenu Président de la République, il enfonçait le clou :

« Je veux que la France soit une nation qui pense et bouge comme une startup ».

Cette startup nation peut-elle devenir le moteur de la relance qui s'annonce ? Oui selon Fleur Pellerin, ancienne ministre et fondatrice et CEO de Korelya Capital :

« Beaucoup de progrès ont été fait et nous sommes sur la bonne voie. On a réglé une partie du problème de financement "late stage" (les levées de fonds qui ont lieu après l'amorçage) qu'on appelle la "vallée de la mort". Récemment, il y a eu des levées de plus de 100 millions d'euros. Nous avons vraiment rattrapé notre retard par rapport à l'écosystème américain ».

L'ex-ministre déléguée aux PME, à l'Innovation et à l'Économie numérique se félicite aussi d'un nouvel état d'esprit chez les jeunes diplômés qui envisagent de plus en plus de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale :

« Ce changement de culture était la chose la plus difficile à enclencher ».

Les banques se sont mobilisées pour aider ces nouveaux entrepreneurs high-tech.

« Dès 2012, nous avons mis en place cent banquiers dédiés aux startups partout en France », a rappelé Clotilde Quilichini, directrice de la clientèle Entreprises Ile-de-France de BNP Paribas.

Elle apprécie que de plus en plus de diplômés de grandes écoles de commerce décident de monter leur startup, tout en sachant que l'aventure peut se solder par un échec. Une prise de risque banale outre-Atlantique, mais récente en France, où la peur de l'échec a longtemps rebuté les potentiels entrepreneurs.

Les startups créent des emplois

Mais les choses changent : depuis 2019, le droit à l'oubli bancaire permet aux chefs d'entreprise ayant connu deux faillites en moins de cinq ans de ne plus être fichés à la Banque de France.

« Cet aspect de la culture anglo-saxonne, qui postule qu'un échec peut devenir une expérience qui nous rend meilleurs, est en train de se répandre », analyse Clotilde Quilichini.

Pour Olivier Mathiot, « ces jeunes entrepreneurs ont un niveau d'ambition de conquête du monde très élevé, mais avec le souci de laisser une trace positive. Ils vont plus vite à l'international et lèvent plus de fonds. Le niveau de maturité est très fort ».

Ce pionnier du e-commerce qui a créé Price Minister (devenu Rakuten) en 2000, connaît bien l'écosystème startup. Vice-président de France Digitale, investisseur et business angel (Agriconomie, Younited Credit, Zenride, etc.) il est aussi depuis peu directeur général du fonds evergreen 2050 lancé par Marie Ekeland et axé sur les startups à impact.

« Nous avons désormais la certitude que l'écosystème a transformé l'ensemble de la société. Les startups créent-elles des emplois, une question qui se posait il y a dix ans ? Oui. Notre baromètre annuel France Digitale avec EY le prouve. Pour 50 000 euros investis, on crée un emploi. Et ce sont des CDI à 90 % », rappelle-t-il.

Tout en reconnaissant que cette transformation schumpéterienne détruit aussi des postes. Pour lui, ce qui a vraiment changé depuis les années 2010, c'est la crise de sens et le besoin d'une dimension inclusive et environnementale.

Une préoccupation sociétale incarnée par Mathieu Nebra avec son site d'éducation à distance pour tous OpenClassrooms(*) devenu une licorne. En 1999, Mathieu Nebra crée le Site du Zéro, qui marche tellement bien qu'il le transforme en entreprise en 2007, avant même d'avoir terminé ses études (lire son portrait ici).

Impact social plutôt qu'hyper croissance

« J'ai vécu le changement durant les années 2010. Dans mon école, par exemple, je n'ai pas pu m'embaucher moi-même pour mon stage de fin d'études, car, à l'époque, il n'y avait pas de formation d'entrepreneur. Elle est arrivée quelques années plus tard. C'est un marqueur de l'évolution des mentalités », raconte le trentenaire.

Sa réussite en fait un « role model » pour les jeunes générations. Lui se voit plutôt comme  l'exemple qu'on peut réussir sans pour autant courir après la fortune ou l'hyper croissance :

« J'ai envie d'incarner une entreprise qui n'a pas pour objectif de devenir une licorne ou une décacorne mais qui a un impact social et qui s'inscrit dans le long terme. Le besoin de sens est fort dans ma génération et celles qui suivent ».

OpenClassrooms a d'ailleurs choisi le statut d'entreprise à mission et a obtenu le label B Corp.

Une volonté d'inclure des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) saluée par Clotilde Quilichini :

« Ce n'est plus du greenwashing mais une condition indispensable pour pouvoir attirer les jeunes talents ».

La mission que s'est fixée l'Edtech est bien définie : aider un million de personnes à trouver un emploi dans le monde chaque année. Assez loin donc de ce souhait d'Emmanuel Macron en 2015 au CES :

« Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ».

Même si les startups, comme les autres entreprises, doivent gagner de l'argent pour continuer d'exister. OpenClassrooms est prête à accompagner l'arrivée des nouveaux métiers qui vont arriver dans les prochaines années. Déjà, le boom du télétravail modifie les comportements professionnels.

« Chez nous, de plus en plus de gens quittent Paris pour aller travailler à distance », confirme Mathieu Nebra.

En 2050 : une startup nation plus inclusive

La relance s'appuie d'abord sur les efforts de l'État avec son plan de relance et les PGE (plans garantis par l'État) relayés par les banques. BNP Paribas a ainsi accordé 64 000 PGE pour un montant de 18 milliards d'euros.

« En ce moment, nous finalisons le prêt participatif relance, un dispositif de prêts privés aux entreprises garantis par l'État. Il s'agit d'une dette à huit ans avec quatre ans de différé d'amortissement. Nous allons flécher les projets de transition énergétique, digitale et liés à l'international », décrit Clotilde Quilichini. « Pour l'instant, on ne sait pas à qui ressemblera ce rebond de l'économie ».

Certains, comme Laurent Alexandre, annoncent de nouvelles années folles pour le monde post-Covid. C'est aussi l'avis de Mathieu Nebra :

« Je suis convaincu que la relance va arriver. Et les startups vont y participer : une partie non négligeable de nos étudiants, entre 25 et 30%, déclarent vouloir créer leur entreprise ».

Quel sera le visage de cette startup nation en 2050 ? Pour Olivier Mathiot, elle sera à coup sûr plus féminine, plus diverse, plus inclusive, plus sensible à l'environnement. Certaines de ces futures licornes auront sans doute été financées par son fonds evergreen 2050.

--

(*) https://openclassrooms.com/fr/

Lire aussi : Olivier Mathiot : "Il faut orienter la French Tech vers l'impact sociétal et environnemental"

______

ReVOIR LA TABLE RONDE "La startup nation, moteur de la Relance ?"

Le numérique était, avant la crise du Covid-19, le secteur le plus dynamique sur les créations nettes d'emplois, et l'est toujours. Comment amplifier le mouvement pour accélérer la Relance ?

>> LIEN DE LA VIDEO

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 24/05/2021 à 4:02
Signaler
La pellerine devrait venir faire un stage longue duree dans son pays d'origine, elle realiserait alors comment une petite entite travaille et si ses idees sont perennes et novatrices, seront seulement alors financees avec des fonds prives. Aux USA c'...

à écrit le 02/05/2021 à 20:24
Signaler
C'est un peu un farce ou quoi? le déconfinement? L'argent n'est pas la clef, mais elle l'est devenue. Dans la mesure ou il y a up a start, cela suppose que le concept soit rentable et investir sur des clefs en valeurs humaines, ce qui a mon avis e...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.