"La Bourse doit permettre aux innovations de rester dans une Europe souveraine" (Anthony Attia, Euronext)

La France et l’Europe peuvent-elles encore tenir le rang dans la course mondiale aux technologies ? Et peuvent-elles ainsi gagner leur souveraineté ? La réponse passe notamment par la finance et Euronext entend bien jouer son rôle pour accompagner la croissance des pépites de la tech du Vieux continent. Mais il reste du chemin à parcourir avant d’y voir des valorisations telles que sur le Nasdaq. C’est ce qui ressort d’une table ronde qui s’est déroulée au premier Think Tech Summit, organisé le 29 mars par La Tribune au Grand Rex à Paris.
Un autre instrument pourrait lui aussi accélérer le financement des pépites de la tech en croissance : le Special purpose acquisition company (Spac).

Elles avaient tout pour réussir, mais elles ont perdu la première bataille, celle des grandes plateformes. À l'aube de ces années 2020, la France et l'Europe peuvent-elles encore rattraper leur retard face aux États-Unis et si oui, avec quelles technologies ? Plusieurs projets de pointe pourraient y contribuer. Celui du futur processeur européen, d'abord, dans le cadre de l'European Processor Initiative (EPI), pilotée par Atos.

« Le calcul haute performance est fondamental dans beaucoup de secteurs, que ce soit la santé, le climat, l'industrie, ou la défense et la sécurité. Atos est leader européen en la matière », affirme Sophie Proust, CTO Monde d'Atos. Dans le domaine du logiciel, ensuite, l'Europe est également présente, assure-t-elle, tout comme dans celui des données. Tout l'enjeu est de pouvoir les échanger de manière sécurisée... Une problématique qui est au cœur du projet de cloud européen Gaia-X, dont Atos est l'un des membres fondateurs. « C'est la maîtrise de toutes ces technologies qui va nous permettre de garantir la souveraineté », estime la responsable du spécialiste tricolore de la transformation digitale.

« En tant qu'expert comptable, je dois garantir à mes clients que les données que j'ai à disposition ne s'évaporent pas. Dans la guerre économique qui arrive, ce serait bien que Gaia-X aille au bout et que nous ayons un véritable cloud souverain européen pour garantir les données françaises », appuie de son côté Lionel Canesi, président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables qui a publié en janvier ses « 50 propositions pour la relance rapide de l'économie ».

Pour lui, la souveraineté et la relance passent par la consommation des technologies, françaises et européennes, pour préserver l'emploi. « La souveraineté, c'est l'emploi », créé au niveau local plutôt qu'offshore, acquiesce de son côté Kévin Polizzi, directeur général de Jaguar Network -un opérateur de services télécoms et de cloud présent à Marseille, Nantes, Lyon ou encore à Paris, qui a fait le choix d'un partenaire industriel hexagonal il y a deux ans en faisant entrer dans son capital le groupe Iliad, et dont la technologie se trouve aujourd'hui embarquée dans la nouvelle freebox destinée aux professionnels.

En 2020, 52 entreprises tech accueillies sur Euronext

Surtout, dans cette compétition mondiale, où les cerveaux -et leur fuite- font partie des enjeux clés, le nerf de la guerre reste l'argent... « Certes, nous partons avec du retard par rapport aux Gafa, mais ce n'est pas pour cela que les prochaines technologies et innovations ne pourront pas rester dans une Europe souveraine. C'est un peu le rôle qu'on donne à la Bourse », avance Anthony Attia, directeur général groupe des marchés primaires et du post-marché Euronext Paris.

L'état des lieux de notre écosystème de financement ? « En France, nous avons beaucoup de chance car avec les différents projets autour de Bpifrance, nous sommes très bien placés en Europe pour amorcer, initier et incuber » les startups, considère ce responsable de la principale place boursière de la zone euro. Après l'amorçage, place aux fonds de venture capital et de private equity. « L'année dernière, malgré la crise Covid, avec l'accélération de la digitalisation, il y a eu un record de 40 milliards d'euros de capital investis sur la tech européenne par les fonds de VC et de private equity », un chiffre en progression comparé aux années précédentes. En outre, « on a vu des méga-rounds, autrement dit des tours de financement de 100 à 250 millions d'euros », souligne-t-il.

Si la levée est une étape cruciale dans le parcours d'une startup, l'exit (sortie du capital) l'est aussi. Permettant aux fonds de faire du profit et de réallouer l'argent auprès de nouvelles entreprises, il peut être réalisé soit par une introduction en Bourse, soit par un rachat industriel. Or, « les 'trade sales' qui sont faits par Google, Amazon, etc. sont certainement bons pour le déploiement de la technologie, mais c'est la fuite de l'innovation et de la propriété intellectuelle », analyse Anthony Attia. « Chez Euronext, nous sommes donc là pour nous assurer que les exits se passent notamment en Bourse, quand les sociétés sont prêtes et qu'elles ont atteint la bonne taille ».

Bonne nouvelle, « nous avons développé des compartiments technologiques très florissants qui arrivent à capturer tant des PME que des licornes ou des décacornes (ndrl : startups valorisées à plus de 10 milliards d'euros). En 2020, nous avons accueilli 52 entreprises tech sur Euronext, dont dix à Paris. La croissance de ces entreprises a été financée à hauteur de 3 milliards d'euros », indique le directeur général groupe des marchés primaires et du post-marché Euronext Paris.

Le Spac pour garder les entreprises en Europe

Reste que ces performances sont encore loin derrière celles du Nasdaq, qui a enregistré l'an dernier une envolée des montants des IPO. « Il y a encore beaucoup de travail à faire pour attirer des investissements et pour s'assurer non seulement que les fonds VC et les fonds de pré-IPO soient au rendez-vous, mais aussi des investisseurs institutionnels, qui traditionnellement ont un appétit moindre en Europe qu'aux États-Unis, pour accompagner la croissance des entreprises », avance Anthony Attia.

Un autre instrument pourrait lui aussi accélérer le financement des pépites de la tech en croissance : le Special purpose acquisition company (Spac). Ces sociétés dédiées uniquement à des acquisitions ont le vent en poupe - non plus seulement outre-Atlantique, où elles existent depuis longtemps, mais aussi désormais sur le Vieux continent.

« Le Spac est un fonds qui lève des investissements sur la réputation de ses sponsors et sur un projet d'acquisition. Le fonds devra en général retourner les investissements de ceux qui y ont participé s'il n'exécute pas sa stratégie au bout de deux ans par exemple. Ce sont des ponts entre les marchés privés et boursiers », précise-t-il.

« C'est une bonne innovation. Nous arrivons à attirer, notamment sur Euronext Amsterdam, l'essentiel des projets Spac en Europe ». Et de conclure : « Le Spac est un véhicule financier qui fait partie de l'arsenal pour garder nos entreprises en Europe ». Autant d'outils dans la palette financière pour aider à faire accoucher des géants européens... et ainsi mieux peser sur la scène technologique mondiale de demain.

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ReVOIR LA TABLE RONDE

Dans un contexte de course mondiale aux technologies, quelle est la place de la France et de l'Europe ?

Quels atouts et faiblesses, comment accélérer notamment sur les principaux enjeux technologiques de la décennie à venir qui sont l'intelligence artificielle, les deeptech, la blockhain et les technologies quantiques ?

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Commentaires 10
à écrit le 10/06/2021 à 16:50
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Pour les français, seuls les projets avec les français sont européens. Un projet ou société avec d'autres pays européens sans la France n'est jamais considérés en France comme européens et pouvant contribuer a cette fumeuse souveraineté européenne. ...

à écrit le 07/04/2021 à 14:53
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La souveraineté "Européene" est un non-sens lexical ! Il y a la souveraineté Allemande, Polonaise, Hongroise, Hollandaise etc Y'a que les élites Françaises sans aucun sens historique et biberonnés à l'idéologie Européene made in US ! Affligeant de...

le 07/04/2021 à 16:13
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les "élites françaises " n'ont rien d'européennes, car il est un constat que la langue et la connaissance des pays et de la culture n'existe pas ! Parler un anglais d'école de commerce ne peut faire d'un individu conceptuellement européen. Lors...

à écrit le 07/04/2021 à 13:40
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ah ah ah !!! comme si la bourse avait un rapport avec les pays !!!! si ce n'est permettre de jouer ou spéculer, quant au fait de croire que l'innovation partirai de la bourse, bon c'est une histoire drôle? du fait même d'avoir eu le mobile en eur...

à écrit le 07/04/2021 à 10:49
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"La technologie" dont on nous rebat les oreilles, c'est le numérique. Si elle a quelques avantages utiles, la liste des inconvénients est largement supérieure. Le principal souci est que cette technologie n'est pas sûre, piratable, manipulable et le ...

à écrit le 07/04/2021 à 10:45
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C'est quoi le but de l'innovation? C'est de tout garder pour soi ou d'en répandre les bienfaits? A moins de vouloir construire un soit-disant souverainisme au niveau de l'empire européen a l'aide de multinationale! Ce qui sera toujours contradictoire...

à écrit le 07/04/2021 à 9:56
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A mettre en perspective avec l'autre article qui démontre que les américains nous mettent encore une raclée. L'UERSS ou le bavardage incessant de gens faibles et compromis. DOmmage que le mensonge ne soit pas intégré au PIB européen nous aurions enfi...

à écrit le 07/04/2021 à 9:31
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En France, il faut des capitaux,donc des fonds de pension que nos gouvernants refusent pour des raisons obscures depuis 30 ans.

à écrit le 07/04/2021 à 9:06
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il faut etre fou pour creer une entreprise en france, sacrfier sa vie a la developper, et voire des politiciens verreux tout te couler en 5mn, en expliquant en plus que t'en n'as pas fait assez tu prends la fiscalite, la loi florange la loi dailymot...

à écrit le 07/04/2021 à 8:38
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"C'est la maîtrise de toutes ces technologies" leur indigénisation vous voulez dire ? Restera posées les questions, le pourquoi ! Pourquoi les AO, le transistor, le thyristor, les circuits intégrés, les langages informatiques, l'ordinateur, ...

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