L'écosystème de la French Tech tangue, le marché de l'e-commerce patine, mais le champion français Mirakl continue infailliblement sa croissance. Voilà désormais trois ans que le spécialiste de l'édition de marketplace (des sites d'e-commerce qui proposent les produits de différents vendeurs, ndlr) présente ses résultats annuels, comme pour se préparer à cet exercice obligatoire pour les entreprises cotées en Bourse.
En 2023, malgré les turbulences, Mirakl a poursuivi sa transformation de startup à grand groupe, alors que d'autres champions de la French Tech, comme Ledger ou Back Market ont dû revoir leur feuille de route. L'entreprise d'e-commerce affirme ainsi avoir atteint la rentabilité sur produit historique, le logiciel Mirakl Platform.
Autrement dit, si elle arrêtait d'innover et d'explorer de nouveaux canaux de croissance, elle parviendrait à dégager des bénéfices. Mais comme elle continue d'investir pour devenir plus qu'un géant de niche, elle n'est pas à l'équilibre. L'entreprise veut « continuer à disrupter pour éviter de se faire disrupter », fait valoir Adrien Nussenbaum, qui se partage avec son cofondateur la casquette de directeur général de Mirakl.
L'hypercroissance toujours au rendez-vous
Pour joindre les paroles aux actes, l'entreprise a contracté l'été dernier un crédit revolving de 100 millions de dollars. Objectif, accélérer sa croissance externe. Ou concrètement, de pouvoir acquérir des entreprises stratégiques lorsque l'occasion se présentera. La dernière levée de fonds de Mirakl (473 millions d'euros, un record à l'époque) date de 2021, avant la crise du financement des startups.
Si l'entreprise met l'accent sur sa croissance externe, elle maintient en parallèle son hyper-croissance interne. Par rapport à l'an dernier, son chiffre d'affaires annuel récurrent (la mesure de référence pour les éditeurs de logiciels SaaS, ndlr) a augmenté de 20% à 160 millions de dollars et son nombre de clients de 12% (à plus de 450 millions). Mieux, le volume d'affaires de ses clients, c'est-à-dire le volume d'argent dépensé sur les marketplaces éditées par Mirakl- a explosé de 50% à 8,6 milliards de dollars. Le tout alors « que la croissance de l'e-commerce est au mieux stagnante », rappelle Adrien Nussenbaum.
Pour démontrer que cette augmentation drastique du volume ne correspond pas seulement à l'augmentation du nombre de clients, Mirakl met en avant un nouvel indicateur : 30 de ses clients - sur plus de 450 - génèrent chacun plus de 100 millions de dollars revenus sur leurs marketplace. « Nous créons des géants », se félicite le PDG de l'entreprise, qui ajoute chaque année de nouveaux noms célèbres à son portefeuille de clients.
Une suite Mirakl pour devenir un géant de l'e-commerce
Sur ces cinq dernières années, Mirakl a progressivement posé les bases d'une stratégie d'écosystème logiciel autour de son produit historique, l'éditeur de marketplace. La première bille, Mirakl Connect, a été lancée en 2019 : il s'agit d'une base de vendeurs tiers, que les clients de la startup peuvent décider de brancher facilement à leur marketplace. On y retrouve en 2023 des marques de renom comme Balmain, Burberry, Zadig et Voltaire ou dans un autre style, Whirpool.
Pour ces derniers, Connect est un moyen facile et peu onéreux de trouver de nouveaux canaux de vente pour leurs produits. Pour les gestionnaires de marketplace, c'est un moyen de remplir rapidement leur catalogue avec des produits référencés de plus de 13.000 vendeurs à la fiabilité déjà contrôlée.
Mais c'est vraiment en 2022 que Mirakl a accéléré sa stratégie de développement horizontal avec la présentation de Payout, un logiciel de simplification des paiements aux vendeurs tiers, avant de racheter, puis d'intégrer Target2Sell. Pour rappel, ce dernier est un outil d'IA destiné à mieux personnaliser les résultats de recherche des acheteurs sur la marketplace. Puis l'an dernier, elle a lancé un logiciel de gestion de catalogue, qui permet notamment d'enrichir les pages de description des produits afin d'augmenter leur taux de conversion.
L'objectif de cette suite composée de six logiciels ? Garder un coup d'avance sur la concurrence pour que sa place de numéro ne soit pas remise en cause. « Nous étions une entreprise mono-produit, nous sommes désormais une entreprise multi-produits », promeut Adrien Nussenbaum.
La publicité et l'IA, nouveaux leviers de croissance
Parmi tous ses plus ou moins nouveaux logiciels, Mirakl mise tout particulièrement sur Mirakl Ads, son outil de gestion des campagnes de publicité. « En 2023, plus de 25 milliards de dollars ont été dépensés en publicité sur Amazon. C'est un marché qui s'élève à 140 milliards de dollars en 2024 », énumère Octavie Gosselin, vice-présidente de Mirakl, en charge du nouveau produit.
La publicité en ligne s'est imposée ces dernières années avec le cloud comme le principal levier de croissance et de rentabilité d'Amazon. Ce dernier creuse son trou dans un marché ultra-dominé par Google et Meta, avec sa domination sur le sous-secteur du retail media, où les marges s'élèvent à plus de 70%. Avec plus de deux milliards de visiteurs par mois sur les plateformes qu'il édite, Mirakl espère aussi faire prendre leur part du gâteau à ses clients. Il leur offre donc un nouveau moyen de monétiser leur audience, et récupère dans l'affaire des nouveaux revenus récurrents. Pour l'instant, ses outils permettent de sponsoriser les produits, et d'ici la fin du premier trimestre d'insérer publicités vidéo.
Alors que le champion de la French Tech aborde un virage de son modèle, il a déjà convaincu 65 de ses plus de 450 clients de tester sa nouvelle suite logicielle. En parallèle, il prévoit de doubler ses investissements dans l'intelligence artificielle (un effort dont il refuse de donner le montant précis) pour améliorer ses produits, et même lancer de nouvelles fonctionnalités d'IA générative au cours de l'année, en s'appuyant notamment sur les modèle de OpenAI et ceux du Français Mistral AI.
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