L'Arcom, le nouveau super-régulateur français aux chantiers gargantuesques

Après des années de discussions, le CSA, gendarme de l'audiovisuel, et l'Hadopi, l'autorité de lutte contre le piratage, vont fusionner. Le fruit de leur union s'appelle l'Arcom, et prendra ses fonctions le 1er janvier 2022. En plus des missions historiques de ses prédécesseurs, le nouveau régulateur devra s'atteler à la surveillance des plateformes de streaming et des réseaux sociaux, à la lutte contre le streaming illégal, ou encore au respect de l'âge minimal d'entrée sur les sites pornographiques. Des chantiers gargantuesques, même pour un méga-régulateur.
(Crédits : Philippe Wojazer)

Nouveau shérif pour les contenus numériques français. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), prendra ses fonctions le 1er janvier 2022. Issu de la fusion entre le CSA et l'Hadopi, le super-régulateur poursuivra les missions respectives de ses deux prédécesseurs : la régulation de l'audiovisuel et la lutte contre le piratage des contenus numériques, mais avec des pouvoirs renforcés. A sa tête, on retrouvera l'actuel président du CSA, Roch-Olivier Maistre, dont le mandat court jusqu'à 2025.

Gendarme des contenus vidéo, et plus seulement de l'audiovisuel

Cette évolution de la régulation, discutée depuis 2019, trouve son origine dans la montée en puissance des plateformes de contenus vidéo comme Netflix, YouTube ou encore Disney+ d'une part, et celle des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter ou TikTok d'autre part. Signe des temps, le candidat à l'élection présidentielle Eric Zemmour a par exemple lancé officiellement sa campagne sur YouTube, tandis que d'autres, comme son futur opposant Jean-Luc Mélenchon, en ont fait un important canal de communication depuis plusieurs années.

"Cette transformation s'est accompagnée de phénomènes importants comme le développement du piratage, des fausses informations, du phénomène de la haine en ligne... Il fallait donc que le régulateur épouse son temps et le monde tel qu'il est aujourd'hui", expose Roch-Olivier Maistre à l'AFP.

Concrètement, en plus de reprendre la mission historique du CSA de faire respecter la pluralité des opinions dans l'audiovisuel et la radio, l'Arcom intègre à son périmètre de régulation les plateformes de vidéo par abonnement, les réseaux sociaux, et plus généralement celle de tous les sites en ligne comptabilisant au moins 5 millions de visites uniques par mois.

Pour aller plus loin que le CSA, l'Arcom contrôlera par exemple les moyens mis en place par les plateformes en ligne pour lutter contre la manipulation de l'information ou la diffusion de contenus haineux mais aussi pour protéger les plus jeunes. Les géants du web comme Facebook sont régulièrement épinglés pour leur gestion désastreuse de ces sujets, et il sera intéressant de voire comment réagira le régulateur français. Mais il aura aussi d'autres chantiers d'envergure à surveiller, comme faire respecter l'interdiction de l'accès des mineurs aux sites pornographiques, une nouvelle mission fixée par la loi cet été.

Passage à la vitesse supérieure contre le streaming illégal

Début décembre, avant de disparaître dans l'Arcom, l'Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) avait fait un dernier bilan de son activitéCréée en grande pompe en 2009, l'institution avait pour mission d'entraver la hausse du piratage des contenus numériques (films, jeux, logiciels...). A l'époque, les échanges illégaux de pair-à-pair, c'est-à-dire entre internautes, battaient leur plein. Mais cette pratique a depuis perdu en popularité. D'après l'Hadopi, seuls 3 millions d'internautes français continueraient à télécharger illégalement, alors qu'ils étaient 8,3 millions il y a 10 ans. Deux raisons principales à cette diminution : les mesures de répression dont l'action d'Hadopi et la fermeture de certaines plateformes d'échanges pirates, mais aussi l'arrivée de Netflix et ses concurrents, qui offrent un accès à des centaines de films et séries pour une dizaine d'euros par mois.

Pour lutter contre le téléchargement illégal, Hadopi avait construit sa stratégie sur le concept de "réponse graduée", avec une séries d'avertissements avant d'aboutir à la sanction. A son lancement, elle prévoyait d'adresser 10.000 emails d'avertissement et 1.000 décisions de suspensions par jour. Le résultat sera tout autre : l'Hadopi a envoyé 13 millions d'avertissements en 11 ans, et seuls 517 cas ont abouti à une sanction au pénal -une amende prononcée par la justice, d'un montant moyen de moins de 300 euros pour les affaires traitées entre 2020 et 2021.

L'Arcom adoptera "une nouvelle approche" (déjà demandée par Hadopi) pour contrer les plateformes de streaming illégales, en plus de reprendre le principe de la réponse graduée. Forte de pouvoirs renforcés, l'Autorité "élaborera des listes des sites illicites en liaison avec les ayants droits", qui pourront "saisir la justice pour faire interdire (ces sites) auprès des fournisseurs d'accès internet", explique Roch-Olivier Maistre.

Les principales cibles de ce virage stratégique seront les sites de streaming sportifs illégaux, qui diffusent les grands événements sans en avoir les droits, dans l'objectif de générer des revenus publicitaires. Ils sont devenus particulièrement populaires avec l'éclatement des droits audiovisuels, et notamment ceux du football, sur de nombreuses chaînes payantes. Désormais, les ayants droits -grandes fédérations sportives et diffuseurs audiovisuels- pourront de leur côté "saisir la justice en urgence pour faire bloquer les sites qui diffuseraient de manière illégale les manifestations sportives".

Concrètement, l'Arcom pourra s'adresser aux fournisseurs d'accès internet (Orange, Bouygues, SFR, Free...), aux moteurs de recherches (Google, Bing, Qwant...) et à d'autres acteurs des différentes strates d'internet pour appliquer le blocage du contenu.

Plus qu'une juxtaposition ?

Roch-Olivier Maistre prévient déjà : il veut "éviter d'avoir une simple juxtaposition de l'ancien CSA et l'ancien Hadopi au sein de la nouvelle structure", qui comprend 355 agents, et disposera d'un budget de 46,6 milliions d'euros, soit l'addition des ressources de ses deux parents. En conséquence, le président va réorganisér les directions pour trouver des synergies, et dès 2023, il demandera un renfort des moyens.

Les sept membres du collège du CSA continueront à siéger à l'Arcom, rejoints par deux membres venus du pouvoir judiciaire : Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, et Denis Rapone, conseiller d'Etat. Ils suivront plus particulièrement les questions de lutte contre le piratage.

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Commentaires 7
à écrit le 02/01/2022 à 6:19
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0+0 = 0 ! C'est cela l'efficacité de la vison Macronienne de la fusion des 2 acteurs impuissants devant les GAFAM et les opérateurs de Télécom dont ses principaux soutiens politiques affichés: Niel (free, Le Monde) Bouygues (Bouygues Telecom; Groupe ...

à écrit le 30/12/2021 à 19:31
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Seul la vérité peut écarté le mensonge et non pas un autre mensonge! Il semble que "le bouche a oreille" aura bien plus de crédibilité!

à écrit le 30/12/2021 à 19:30
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Seul la vérité peut écarté le mensonge et non pas un autre mensonge! Il semble que l"e bouche a oreille" aura bien plus de crédibilité!

à écrit le 30/12/2021 à 11:38
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Quand ce type d'officine pointera les mensonges gouvernementaux, on saura qu'ils sont vraiment utiles.

à écrit le 30/12/2021 à 8:08
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CSA et Hadopi ne sont que des officines gouvernementales : a l'indignation trés sélective et discriminatoire pour le premier et parfaitement inutile pour le second ! Le seul intérèt ? : caser quelques copains sur l'argent de...

à écrit le 29/12/2021 à 19:15
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Cette manie de l'autobaise, de l'autoflagellation .Comme cette manie de faire des taxes et des subventions . Laissons respirer les français par ces temps anxiogène. Arrêtons cette escalade de la surveillance à outrance soi-disant pour notre bien .O...

à écrit le 29/12/2021 à 17:20
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Heu... on postule où pour bosser là dedans svp !? ^^

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