L'intelligence artificielle générative débarque enfin sur Google

La Google I/O, grande messe annuelle du géant de la tech, s'est tenue mercredi soir. L'entreprise a profité de l'occasion pour présenter ses plans pour intégrer l'intelligence artificielle générative à son moteur de recherche. Google répond ainsi directement à l'offensive de Microsoft, et se remet à niveau dans la course à l'IA qui se profile. Explications.
François Manens
Google intègre l'IA générative à son moteur de recherche.
Google intègre l'IA générative à son moteur de recherche. (Crédits : Pawel Kopczynski)

Google est en alerte rouge depuis la sortie de ChatGPT fin 2022. Le géant incontesté des moteurs de recherche (avec plus de 90% de parts de marché) redoute que les nouvelles intelligences artificielles génératives permettent à la concurrence d'attaquer son cœur d'activité. Cette crainte a pris forme en février lorsque Microsoft, accompagné de son partenaire OpenAI, a armé son moteur de recherche Bing d'un chatbot nommé Copilot, similaire à ChatGPT, dans le but de gratter des parts de marché.

La réponse de Google était donc attendue, après un premier rendez-vous manqué en février. C'était hier soir, à l'occasion de la conférence annuelle I/O organisée par l'entreprise. Google y a dévoilé sa vision du moteur de recherche de demain, équipé d'une IA générative capable de répondre à des demandes complexes impossibles à traiter aujourd'hui.

L'IA générative directement intégré à la recherche

Alors que Bing intègre l'IA générative dans un module à part, Google préfère quant à lui l'insérer directement dans sa barre de recherche historique. Concrètement, lorsque l'utilisateur entre une requête, le moteur va comme à son habitude générer une série de liens vers des sites, accompagnée de petits extraits de leur contenu, et des publicités. Mais en plus, dans les cas jugés pertinents, un grand encadré de texte rédigé par l'IA générative va apparaître tout en haut de page. « Dans les démonstrations que j'ai vu, c'est souvent extrêmement impressionnant. Cela change l'expérience d'utilisation, surtout sur mobile, ou l'encadré de l'IA écrase souvent toute la première page de résultats », témoigne un journaliste de The Verge.

Pour générer ses réponses, le nouvel outil pioche des informations en temps réel sur plusieurs sources -dont il indique les liens- puis les synthétise. Si l'utilisateur le souhaite, il peut ensuite lui poser une question additionnelle qui prendra en compte la première. Côté technique, le module est construit sur PaLM 2, le modèle de Google censé concurrencer en termes de performance GPT-4 d'OpenAI, l'étalon du secteur.

En revanche, contrairement à ChatGPT ou Copilot, l'IA générative de Google évite d'afficher une personnalité ou de se présenter comme un assistant. Autrement dit, elle se passe d'effets de présentation qui ont fait en partie le succès de ChatGPT. Ce choix permet à Google de concentrer l'attention sur le moteur de recherche, qui est le centre de son expertise, plutôt que sur un outil nouveau, qu'il maîtrise forcément moins.

Prudence avant tout

Pour l'instant, le nouveau module de recherche porte le nom de Search Generative Experience (SGE). Il n'est accessible qu'avec l'application Search Labs, et seulement aux Etats-Unis. L'entreprise a déjà adopté une approche similaire avec Bard, son concurrent de ChatGPT, présenté en février. Dans un premier temps accessible uniquement sur liste d'attente aux Etats-Unis, le chatbot est depuis cette nuit déployé dans 180 pays (dont la France ne fait pas partie).

Plus généralement, SGE est paré de mesures de précaution : l'encadré affiche toujours un avertissement -« l'IA générative est expérimentale » ou « l'IA générative peut être imprécise ou offensante »- comme pour tenter de désengager la responsabilité de l'entreprise sur les résultats affichés. Wired, qui a également pu tester l'outil, précise que le SGE ne s'active pas sur les sujets sensibles comme l'opinion politique, le médical ou encore les conseils financiers. Les résultats de recherche normaux s'affichent alors. Cette prudence systématique, qui contraste avec le rythme effréné de déploiement de produits chez Microsoft, reflète le dilemme auquel Google fait face.

D'un côté, l'entreprise ne peut pas risquer de passer à côté de la potentielle révolution de l'IA générative et elle doit donc agir rapidement. Mais de l'autre côté, elle ne peut pas se permettre d'essuyer autant de pots cassés que Bing (moins de 3% de parts de marché), qui a dû effectuer plusieurs mises à jour en urgence dans les jours qui ont suivi les premiers tests publics de Bing Chat. Le fait d'intégrer l'IA directement dans la barre de recherche lui fait porter un risque réputationnel supplémentaire si l'outil commence à répondre par des informations fausses -ou des hallucinations selon le terme consacré-, ce qui est un des défauts connus des IA génératives. Or, si Google affiche une perte de fiabilité, les utilisateurs auront une raison supplémentaire de tester la concurrence.

Le vrai début de Google version AI first

Comme s'en amuse un montage diffusé par The Verge, le CEO Sundar Pichai a répété 19 fois le terme IA dans sa dizaine de minutes de discours d'introduction du Google I/O. Pionnier du secteur, l'entreprise a été surprise par la vitesse de déploiement du tandem Microsoft/OpenAI, mais elle s'organise désormais pour rattraper son retard à l'allumage.

Entre déploiement de la Search Generative Experience, les améliorations de PaLM et celles de Bard, Google a marqué le coup. Il a aussi officialisé le déploiement proche de Duality AI, un assistant intégré à toute sa suite de bureautique, qui répond directement à l'offre Copilot de Microsoft sur 365 (Word, PowerPoint, Excel), en plus d'intégrer des nouvelles fonctionnalités de génération de texte à Gmail. Bref : Google est enfin bien lancé dans la course à l'IA, et confirme son statut de concurrent de poids pour Microsoft.

François Manens

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