Qwant vendu pour une bouchée de pain à Synfonium (Octave Klaba)

D'après nos informations, le moteur de recherche français, ancienne gloire de la French Tech extrêmement soutenue par l'État, est racheté pour à peine 14 millions d'euros par Synfonium, le nouveau groupe des fondateurs d'OVHCloud Octave et Miroslaw Klaba. Sa valorisation a été fixée à 53,8 millions d'euros, mais l'acquéreur a soustrait du prix d'achat les 39,8 millions d'euros de dettes de l'entreprise.
Sylvain Rolland
Octave Klaba, le cofondateur d'OVHCloud et de Synfonium, nouveau groupe lancé dans le numérique souverain, qui rachète Qwant.
Octave Klaba, le cofondateur d'OVHCloud et de Synfonium, nouveau groupe lancé dans le numérique souverain, qui rachète Qwant. (Crédits : DR)

Une bonne affaire pour Octave Klaba. D'après nos informations, le nouveau groupe Synfonium, créé par les fondateurs d'OVHCloud (Octave et son frère Miroslaw Klaba), va débourser seulement 14 millions d'euros pour acquérir 100% de Qwant, le moteur de recherche français qui respecte la vie privée des internautes. La valorisation de Qwant a été fixée à 53,8 millions d'euros, mais le nouvel acquéreur a déduit du prix d'achat les 39,8 millions d'euros de dettes nettes de l'entreprise, qui font partie du patrimoine cédé, et que Synfonium devra donc honorer. Le groupe était entré en négociations exclusives en avril, et a annoncé l'acquisition le 28 juin. Celle-ci sera finalisée d'ici à fin juillet.

D'après une source proche du dossier, la valorisation correspond essentiellement aux actifs technologiques de l'entreprise, c'est-à-dire son index maison du web, qui permet au moteur de recherche de répondre lui-même à 60% des requêtes des utilisateurs. Les 40% restants sont assurés par Bing, l'index de Microsoft.

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Beaucoup d'argent perdu pour les investisseurs

En 2022, Qwant, 40 salariés environ, était passé -une nouvelle fois- à deux doigts de la liquidation judiciaire, d'après le site L'Informé. Il s'en était sorti in extremis uniquement grâce à un rééchelonnement de sa dette entre 2024 et 2029 auprès de la Banque européenne d'investissement. Depuis sa création fin 2011, Qwant a levé plus de 51 millions d'euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, Axel Springer, la Banque européenne d'investissement ou encore Huawei (ce dernier sous la forme d'un prêt convertible de 8 millions d'euros en 2021). Sans compter les diverses subventions, françaises ou européennes, accordées pour le développement de projets qui n'ont, pour l'essentiel, jamais vu le jour ou ont été arrêtés.

A ce titre, sa vente pour 14 millions d'euros, après plus d'une décennie de déconvenues, constitue un cuisant échec pour ses investisseurs, qui pensaient tenir en Qwant un « Google français de la recherche en ligne », « alternative souveraine et éthique » à la toute-puissance des géants américains.

Or, son charismatique cofondateur et directeur général historique, Eric Léandri, débarqué en 2020, n'a jamais réussi à tenir ces belles promesses. Avec moins d'1% de parts de marché en 2021, contre 91% pour Google, Qwant a toujours été un poids plume de la recherche en ligne. Pire, l'entreprise a caché, lors de ses premières années, sa dépendance à Bing, le moteur de recherche de Google, le temps de créer son propre moteur d'indexation du web, qui nécessite beaucoup de temps et de capitaux. De fait, Qwant n'a jamais été une alternative souveraine à Google, juste un moteur de recherche alternatif. L'entreprise tire l'essentiel de ses revenus -93% en 2021- de la publicité grâce à son partenariat avec Microsoft, propriétaire de Bing. Sa seule différence avec Google est de ne pas exploiter les données personnelles de ses utilisateurs pour afficher des publicités et traquer leur navigation.

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Remise en question et assainissement depuis 2021

Depuis la reprise en main de l'entreprise, en 2021, par le duo Corinne Lejbowicz et Raphaël Auphan, Qwant a repensé de fond en comble son positionnement de marché -tout miser sur la recherche en ligne et le lancement, en 2022, d'un navigateur respectueux de la vie privée-, sa communication -sous le signe de la sobriété et de l'humilité- et ses finances -les nombreuses filiales de Qwant telles que Qwant Pay ont été dissoutes, et la dette réduite et renégociée.

« Qwant ne va pas faire tomber Google, tranchait d'entrée de jeu Corinne Lejbowicz auprès de La TribuneC'est simplement un moteur de recherche alternatif de qualité, qui garantit le respect de la vie privée. C'est déjà beaucoup, il y a un vrai marché pour cela, et nous voulons le faire le mieux possible », ajoutait-t-elle, soucieuse de « garder les pieds sur Terre ».

Malgré l'épée de Damoclès de la dette, qui a failli avoir la peau de l'entreprise en 2022, la méthode Lejbowicz-Auphan a remis l'entreprise sur la bonne voie : le chiffre d'affaires grimpait à 11,9 millions d'euros en 2021, après 7 millions en 2020 et 5,8 millions en 2019, soit le double en deux ans. L'utilisation, elle, stagne toujours autour de 6 millions d'utilisateurs par mois dans le monde, qui réalisent environ 200 millions de recherches.

Synfonium va-t-il enfin débloquer le potentiel de Qwant ?

Le rachat par Synfonium semble, par bien des aspects, une bonne nouvelle pour Qwant. Car Octave Klaba et son frère Miroslaw, cofondateurs du champion français du cloud OVHCloud, nourrissent de grandes ambitions pour le moteur de recherche français, qui s'inscrit désormais dans une véritable stratégie industrielle.

Synfonium, qui réunit dans la même structure Qwant et Shadow -PC dématérialisé dans le cloud, autre fleuron déchu de la French Tech racheté en 2021 alors qu'il était au bord de la faillite-, souhaite créer un « écosystème numérique souverain » pour les entreprises et le grand public. Son ambition : fournir tous les outils numériques indispensables au quotidien, de l'infrastructure cloud avec OVHCloud, jusqu'aux services logiciels avec Shadow (ordinateur dématérialisé, stockage de données à distance, et bientôt la visioconférence, la messagerie ou encore les outils de productivité type Office), et donc les services web avec Qwant, sous la forme du moteur de recherche et du navigateur respectueux de la vie privée.

Synfonium laisse entendre qu'il donnera les moyens à Qwant d'achever son moteur d'index du web, pour ne plus dépendre du tout de Bing.

« Nous pensons que l'Europe dispose d'un grand nombre de solutions logicielles innovantes qui bénéficieraient grandement d'une plateforme conçue pour leur distribution et leur interaction optimisée. Synfonium est destiné à servir d'hôte et d'accélérateur pour ces technologies, en commençant par celles de Shadow et de Qwant », déclarait en avril Octave Klaba.

Pour associer les moyens aux ambitions, Octave et Miroslaw Klaba se sont associés avec le bras armé de l'Etat dans le financement de l'économie, la Caisse des dépôts (Banque des territoires). Synfonium est ainsi détenu à 75% par les frères Klaba et à 25% par la vénérable institution publique, qui compte parmi ses filiales et participations Bpifrance, Icade, Transdev, la Compagnie des Alpes ou encore le Groupe La Poste.

Sylvain Rolland

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Commentaires 16
à écrit le 03/07/2023 à 23:57
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Après les déconvenues de Qwant et tout le bad buzz qui a suivi, ce rachat est probablement une bonne nouvelle. A condition qu'OVH en fasse quelque chose.

à écrit le 03/07/2023 à 1:09
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dettes liees gabegies +copinages d intello connus !

à écrit le 02/07/2023 à 20:04
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bouchee de pain pour un truc qui n a jamais marché ? a mon avis c est deja bien d avoir trouve quelqu un pret a payer pour ce truc

à écrit le 01/07/2023 à 16:56
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Titre inadéquat : le prix c 53 millions ... pas 14. Les dettes de 39 millions, il faudra les rembourser un jour. Et donc ce n'est pas une bouchée de pain.

à écrit le 01/07/2023 à 16:55
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Titre inadéquat : le prix c 53 millions ... pas 14. Les dettes de 39 millions, il faudra les rembourser un jour. Et donc ce n'est pas une bouchée de pain.

à écrit le 01/07/2023 à 14:30
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Bing, c'est Microsoft, pas Alphabet (Google). Merci de corriger. Pour le reste, rien de tout cela n'est étonnant. Comme les 150 millions versés pour le développement de l'IA en France, on n'a pas spécialement la volonté ni les moyens de contrecarrer ...

à écrit le 01/07/2023 à 9:18
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"Bing, moteur de recherche de Google"... ce n'est pas très sérieux :)

à écrit le 30/06/2023 à 23:52
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Il y a certaines décisions qui sont difficiles à prendre que même si on vous explique il sera difficile de comprendre

à écrit le 30/06/2023 à 22:08
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c'est un plaisir de consulter, avec qwant, un site sans être envahi par les pubs. essayez, vous serez séduits.

à écrit le 30/06/2023 à 18:57
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C'est un coup à la Twitter, version française. Va t'il libérer le moteur de toutes les contraintes wokes européenne, retrouver des forums avec des modérations non liberticides. A force de lisser, de contrôler, d'interdire, on ne trouvait plus rien su...

le 30/06/2023 à 23:10
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Ah parce que vous avez du temps à perdre sur les forums comme les ados? Moi pas cadre de 40 ans, 1 épouse, 2 enfants , 1 chien , 1 maison 400m2 de jardin .. bien suffisant pas l’envie et le temps de blablater une vie qui n est pas la mienne lol

le 03/07/2023 à 8:05
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@Gicquel, vous avez oublié de mentionner la Renault Espace...

à écrit le 30/06/2023 à 18:36
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Le pb c'est ' pour quoi faire', duckduckgo ou qwant c'est bien sauf qu'ils ne peuvent pas rivaliser avec les gros, on a appris à l'école pourquoi donc sauf à sortir un moteur qui fera à Google ce que Google a fait à inkotmi Yahoo, on ne voit pas (...

à écrit le 30/06/2023 à 17:52
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Je me demande quelle mouche a piqué cet acheteur pour dépenser 56 millions d'euros pour un moteur de recherche qui ne trouve rien🤣

à écrit le 30/06/2023 à 17:46
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Il est bien se moteur, va t-il falloir en chercher un autre.. Ça devient difficile ce numérique il parait que les agents des impôts sont en surchauffe actuellement..

à écrit le 30/06/2023 à 16:21
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Quand on connaît les mauvaises habitudes du repreneur, on peut craindre l'accélération exponentielle de la "globishisation" de Qwant avec un raz-de-marée de termes anglo-serviles...

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