La Digitale Académie : une université à la campagne qui fait école

La Digitale Académie de Montereau-Fault-Yonne, à l'est de Fontainebleau, 19.000 habitants à peine, propose depuis 2017 à ses étudiants l'accès à près de 3.000 formations à distance débouchant sur un diplôme universitaire. Alors qu'une troisième promotion est dans les tuyaux pour septembre prochain, d'autres lieux vont reproduire le concept.
François Manens
Le Premier ministre, Edouard Philippe, en visite dans les locaux de la Digitale Académie de Montereau-Fault-Yonne, en juillet 2017.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, en visite dans les locaux de la Digitale Académie de Montereau-Fault-Yonne, en juillet 2017. (Crédits : DR)

« On essaye de ne pas les lâcher tant qu'ils n'ont pas un diplôme. » Telle est la philosophie de Soazic Gros, la directrice de la Digitale Académie, basée à Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne. Cette année, 43 étudiants suivent un cursus d'études supérieures à distance dans cette petite ville de 18.871 habitants. Soutenue par la Région Île-de-France depuis 2018, l'initiative, qui permet d'amener l'université à la campagne, séduit et fait des émules. Dès la prochaine rentrée, des établissements similaires verront le jour, sous le même label mais portés par des acteurs locaux, dans le Val-d'Oise, les Yvelines, la Drôme, le Cher, et même au Niger. La Digitale Académie de Montereau-Fault-Yonne occupe seulement 450 m², dans lesquels les élèves suivent des formations à distance proposées par le Cned (Centre national d'enseignement à distance) ou la Fied (Fédération interuniversitaire de l'enseignement à distance). Ils ont ainsi accès à près de 3.000 formations, dont 500 licences et 17 BTS.

En plus de 35 postes informatiques et d'une cafétéria, les étudiants bénéficient d'un accompagnement personnalisé. L'établissement emploie à plein-temps une chargée d'études dénommée « coach principale ». Elle peut s'appuyer sur des personnes en service civique, chacune chargée d'encadrer une dizaine d'étudiants. Ces « coachs » viennent d'obtenir leur BTS ou leur licence. « Ils doivent servir de modèle de réussite aux étudiants, et partager leurs bonnes pratiques », explique Soazic Gros. Ils s'assurent de la présence des élèves (16 heures minimum par semaine, 25 heures pour les BTS), et les accompagnent dans leurs démarches administratives et problèmes liés aux études.

Un coût de 25 euros seulement

« On ne fait pas de pédagogie, qui est prise en charge par les établissements d'enseignement. En revanche, nous apportons un soutien méthodologique, et un véritable accompagnement. C'est ce qui nous distingue d'un tiers-lieu », précise Soazic Gros. L'accompagnement porte ses fruits. L'an dernier, 70 % des étudiants ont validé leur année, et seulement 4 % décrochent avant les examens. Des chiffres bien supérieurs à ceux des universités françaises. L'aide à l'organisation est essentielle, notamment pour que les étudiants puissent se rendre physiquement à leurs examens. Par exemple, une des étudiantes de la Digitale Académie suit une licence de biologie à l'université d'Aix-Marseille. L'ensemble de ses partiels et de ses travaux pratiques ont été regroupés sur trois semaines, à la fin de l'année. Il a donc fallu l'aider pour son départ dans le sud de la France, afin qu'elle puisse y assister en personne.

Si le coût de l'accompagnement à la Digital Académie se limite à 25 euros pour les habitants de la commune, les élèves doivent tout de même payer leur formation, et les déplacements liés aux examens. « Nous sélectionnons des formations qui coûtent moins de 1 000 euros, mais elles restent à la charge des étudiants. S'engager à les payer est une preuve de motivation », développe Soazig Gros. Pour y parvenir, les élèves sont éligibles aux bourses et aux autres services du Crous, et leur emploi du temps peut être aménagé pour être compatible avec un job étudiant.

Compenser les problèmes de mobilité

L'idée de la Digitale Académie vient d'un constat : la petite ville de Montereau-Fault-Yonne peine à envoyer ses diplômés du bac en études supérieures. En 2016, sur les 330 bacheliers du lycée André-Malraux, 148 élèves n'avaient pas poursuivi leurs études. Il faut dire que l'université la plus proche se situe à Marne-la-Vallée, à plus de deux heures de transports en commun. Et les élèves issus de milieux modestes ne peuvent pas toujours y déménager ou s'offrir la mobilité nécessaire. Face à cette situation, le maire et député d'alors, Yves Jégo (UDI), construit avec son équipe le projet de la Digitale Académie, derrière le slogan « Si les élèves ne peuvent pas aller à l'université, l'université viendra à eux. »

Lire aussi : École numérique, bonne ou mauvaise idée ?

Le modèle des Moocs (massive open online courses) est rapidement mis de côté, car ils ne permettent d'obtenir que des certifications, et non des diplômes. « Nous avons insisté pour que les étudiants aient accès à des diplômes. En revanche, nous encourageons les étudiants à consulter les Moocs, notamment pour l'orientation ou la préparation à des examens de langue comme le TOEFL [test d'anglais langue étrangère, ndlr] », justifie la directrice de la Digitale Académie. Soazic Gros n'a pour l'instant pas eu à refuser de candidature dans son établissement. Mais il continue tout de même de grossir : pour recevoir 70 étudiants à la prochaine rentrée, les collectivités territoriales ont investi pour ajouter 120 m2 aux locaux existants.

Vers un partenariat avec les entreprises locales

« Les deux tiers des élèves vont vouloir rester sur le territoire. Et apparemment, il y a un manque de travailleurs diplômés ayant un bac + 2... », glisse Soazic Gros. Pour l'instant aucun partenariat n'est en place avec les entreprises locales, mais avec l'ampleur que prend l'initiative, l'idée commence à germer. « À terme nous aimerions intégrer cette initiative avec les besoins de notre bassin d'emploi », envisage Faten Hidri, vice-présidente de la Région Île-de-France, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Travailler avec les chambres de commerce et d'industrie, le réseau d'orientation établi par la région ou d'autres acteurs locaux... L'avocate de profession n'écarte aucune piste.

Faten Hidri voit les Digitales Académies comme une solution pour palier aux classes surchargées de sa région. « L'an dernier, 4000 Franciliens n'ont eu aucun de leurs choix accepté sur Parcoursup. Et parmi eux, la moitié voulait une formation courte », déplore-t-elle. Avec la Digitale Académie, ces élèves pourraient avoir accès aux formations des universités de toute la France, sans avoir besoin d'investir dans un déménagement. L'an prochain, ils devraient être presque 200 étudiants sur l'ensemble du réseau.

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LE CHIFFRE

70%. Le pourcentage d'étudiants de la Digitale Académie ayant validé leur année en 2018. A comparer au 40% de nouveaux bacheliers qui valident leur première année de licence.

François Manens

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