StartUp for kids : la technologie à l’assaut de l’éducation

Le premier salon des startups de l’éducation ouvre ses portes au public samedi au "42", l’école de programmation fondée à Paris par Xavier Niel. L’occasion pour 30 startups d’exposer leurs solutions innovantes et de convaincre les parents et les enseignants d’utiliser le numérique comme un outil éducatif.
Sylvain Rolland
L'algorithme qui traite les réponses et oriente le fil de l'histoire est au cœur du processus d'apprentissage. C'est même la véritable valeur ajoutée de ces services numériques éducatifs.

"Je ne savais même pas ce qu'était une startup il y a quelques jours !". En déambulant de stand en stand, Nadine Fleischmann, la directrice de l'école primaire Emilie Brandt, à Levallois-Perret, paraît presque aussi émerveillée que les 31 élèves de CM2 qu'elle accompagne. Comme eux, la quinquagénaire découvre un nouveau monde. Celui des tablettes éducatives, de la réalité virtuelle, des bibliothèques numériques, de la projection 3D et des jouets connectés.

A sa gauche, quelques élèves explorent Krokee, une drôle de machine à décalquer qui aide à dessiner avec des hologrammes. A sa droite, un autre petit groupe se plonge dans le monde médiéval de la startup Rêve aux lettres, qui vise à développer le goût de l'écriture en créant une histoire dont l'enfant est le héros. Quelques mètres plus loin, d'autres têtes blondes terminent la découverte de Pistache, une application qui responsabilise l'enfant dans ses tâches quotidiennes à la maison en leur donnant une dimension ludique. La directrice, qui se définit "de la vieille école" car "née bien avant l'éclosion du numérique" est conquise. "Certaines solutions sont vraiment formidables, pleines d'inventivité et très intéressantes pédagogiquement", affirme-t-elle.

Mettre l'accent sur d'autres façons d'apprendre

C'est la mère d'une élève qui a incité Nadine Fleischmann à se rendre, avec une classe, à StartUp for Kids, le premier salon des startups de l'éducation. L'événement se tient ce vendredi et samedi au 42, l'école de programmation de Xavier Niel. Pendant deux jours, trente startups sélectionnées par un jury d'experts y exposent leur solution pour révolutionner l'éducation par le numérique. La première journée est consacrée aux écoles, qui viennent découvrir les nouveaux outils qu'elles utiliseront peut-être demain. La deuxième journée, samedi, est ouverte au grand public. 900 personnes ne sont d'ores et déjà inscrites.

Sharon Sofer, la fondatrice de StartUp for Kids, a mis sur pied ce salon en quatre mois seulement. "Au début, je voulais organiser des ateliers autour de ma startup Scientibox, qui fait découvrir la science de manière ludique aux enfants. L'idée était de mettre l'accent sur de nouvelles façons d'apprendre grâce au numérique", raconte-t-elle. Puis l'idée d'en faire un véritable événement prend forme. "Comme d'autres secteurs, le numérique est amené à bouleverser l'éducation. Mais ces solutions nouvelles, qui se destinent parfois aux professeurs, parfois à l'enfant et à ses parents quand il est à la maison, sont encore très peu connues. Nous sommes vraiment au début du phénomène, il faut faire découvrir les vertus du numérique dans l'éducation et convaincre".

La France en retard

Dans le domaine de l'e-learning ou de l'e-éducation, la France apparaît sensiblement en retard par rapport aux Etats-Unis (1 milliard de fonds levés en 2014) et aux pays du nord de l'Europe. Malgré des succès comme Kartable, rares sont les EdTech qui réussissent à lever plusieurs millions d'euros. Aux Etats-Unis au contraire, ces startups de l'éducation prennent de plus en plus d'ampleur, grâce notamment à des fonds spécialisés comme Learn Capital.

Le retard français vient, en partie, à une réticence du corps enseignant à laisser les nouvelles technologies pénétrer dans l'enceinte sacrée de l'école. Mais aussi au réveil tardif de l'Etat (le plan numérique à l'école de François Hollande vient d'entrer en phase pilote) et à la difficulté de repenser en profondeur les méthodes d'enseignement, les programmes et les modes d'évaluation.

"Le numérique à l'école, c'est un immense point d'interrogation, indique Marie D, prof de physique en lycée. En tant que professeurs, on voit bien que les élèves sont nés avec Internet et on sent qu'il y a des choses à faire qui nous permettraient d'améliorer l'efficacité de l'enseignement et de mieux interagir avec eux, mais encore faut-il trouver comment", explique l'enseignante.

Donner une dimension éducative au jeu

Les 30 startups présentes au salon StartUp for Kids pensent avoir la solution. La plupart d'entre elles redoublent d'inventivité pour créer des produits qui répondent à deux impératifs : la simplicité d'utilisation et l'aspect ludique, pour apprendre presque sans s'en rendre compte. Ainsi, Marbotic développe des objets connectés en bois, mais associés à des applications éducatives sur tablette. L'objectif : initier les enfants aux additions et aux soustractions "en les amusant". Même concept pour Pilipop et Buddy, qui proposent d'apprendre l'anglais et de programmer un robot "en s'amusant". De son côté, Salvum forme au secourisme de manière "ludo-pédagogique" : on y apprend les gestes qui sauvent "tout en s'amusant !"

Pour les créateurs de ces startups, le numérique permet d'ajouter à la pédagogie une dimension ludique inédite. Ou à donner au jeu des vertus éducatives peu exploitées jusqu'alors. "Dès que les enfants voient une tablette, leur attention est immédiatement captée. C'est un levier pédagogique extrêmement puissant", remarque Hélène Dupont, la fondatrice de la startup d'initiation à l'actualité Le Square de l'info. Plus l'outil se révèle divertissant et multiplie les interactions avec l'enfant, plus ses vertus éducatives semblent importantes. Ancienne journaliste à LCI, Hélène Dupont a conçu Le Square de l'info spécialement pour "la génération YouTube". Pour sensibiliser les 7-13 ans à l'actualité, elle propose des textes courts et percutants et de nombreuses vidéos, parfois directement exportées du réseau social.

"La vraie valeur ajoutée, c'est le big data !"

Paradoxalement, de nombreuses startups présentes au salon utilisent le numérique pour revaloriser, aux yeux des enfants, des activités "physiques", comme l'écriture manuelle, le dessin ou la musique.

L'une des plus intéressantes est la startup Rêve aux Lettres. Un beau jour, l'enfant reçoit dans sa boîte aux lettres un courrier à son nom, qui l'informe qu'il a été déclaré roi ou reine d'un royaume imaginaire, dont il reçoit une carte et des objets. Les personnages de ce conte lui posent des questions et lui demandent de prendre des décisions pour son royaume, l'incitant à écrire et à stimuler son imagination.

La correspondance dure trois lettres (39,90€) ou 12 lettres (120€), selon la volonté et le porte-monnaie des parents. En fonction des réponses de l'enfant, un algorithme spécial, conçu en interne, écrit la suite de l'histoire et pose de nouvelles questions, appelant à de nouvelles interactions. Deux auteurs réceptionnent le courrier et personnalisent les lettres.

"Sans s'en rendre compte, l'enfant est happé dans une histoire autour d'un thème médiéval ou animalier, il aura appris de nouveaux mots, enrichi sa culture générale et développé ses capacités d'expression et de formulation de la pensée", résume Mélanie Mangold, la chargée de communication de la startup.

L'algorithme qui traite les réponses et oriente le fil de l'histoire est au cœur du processus d'apprentissage. C'est même la véritable valeur ajoutée de ces services numériques éducatifs. Laetitia Grail, ancienne prof de maths, a consacré trois années à la R&D de MyBlee, une application destinée à faire progresser les enfants en maths.

La startup a conçu un système innovant d'apprentissage individualisé adapté au niveau de l'enfant, mais aussi à la vitesse de travail. Un logiciel de reconnaissance d'écriture manuscrite permet de détecter si l'enfant dessine correctement les figures géométriques ou s'il place le curseur de la règle au bon endroit. Enfin, la "correction adaptative" repère exactement l'endroit où il se trompe, ce qui permet à l'algorithme d'insister sur les notions mal comprises et d'apporter des précisions au fil de l'eau.

"Techniquement, c'est un énorme boulot et un investissement d'1,5 million d'euros. Mais c'est ça la valeur ajoutée des outils numérique : le big data ! Mesurer l'évolution, repérer rapidement les notions à approfondir, personnaliser l'expérience éducative", explique Laetitia Grail.

Disponible dans plusieurs pays dont en Amérique du Nord, MyBlee compte 50.000 utilisateurs actifs. Parmi eux, des familles qui l'utilisent pour réviser les notions abordées en classe, mais aussi des professeurs qui en font un véritable outil pédagogique. Au Canada par exemple, un enseignant fait faire à ses élèves 15 minutes de MyBlee tous les matins.

StartUp for Kids : à L'école 42, 96 boulevard Bessières, 75017 Paris.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 25/11/2015 à 12:44
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Bonjour, Merci pour ce bel article, juste une remarque à propos de QroKee, si c'est possible de changer l'orthographe en remplaçant le Krokee par QroKee ! Merci, Sébastien de l'équipe QroKee.

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