Xavier Niel n'aime rien faire comme tout le monde. Avec l'arrivée de la 5G, le milliardaire, fondateur et propriétaire de l'opérateur Free, a vraisemblablement décidé de faire honneur à son surnom de « trublion des télécoms ». La presse a longtemps collé cette étiquette à l'inventeur de la box dans l'Internet fixe, qui a ensuite fait son nid sur le marché du mobile en cassant les prix. Aujourd'hui, Free est le seul opérateur à n'avoir pas encore allumé la 5G dans l'Hexagone. Mais il est possible d'avoir une idée de ce qu'il prépare. La semaine dernière, l'Agence nationale des fréquences (ANFR) a indiqué que Free a demandé des autorisations pour allumer environ 12.000 de ses sites existants en 5G. Ce qui est énorme, puisque Orange, SFR et Bouygues Telecom ont effectué des demandes pour environ 6.000 sites à eux trois !
Au lancement de la 5G, Free pourrait donc couvrir une part de la population incroyablement plus importante que celle de ses concurrents, lesquels proposent, pour l'essentiel, aujourd'hui cette technologie dans les plus grandes agglomérations. Les dernières cartes de l'ANFR, dévoilées lors d'un forum sur la 5G organisé ce mardi par La Tribune et RM Conseil, en témoignent :
Comment un tel miracle est-il possible ? Free compte allumer, comme ses rivaux, des antennes dans la nouvelle bande de fréquences dite « cœur » de la 5G, celle des 3,5 GHz. Selon l'ANFR, les quatre opérateurs ont demandé des autorisations pour près de 1.100 sites. Mais alors qu'Orange, SFR et Bouygues Telecom misent tous, en parallèle, sur la bande des 2.100 MHz pour proposer la 5G (via 5.000 sites au total), l'opérateur de Xavier Niel, lui, compte massivement recourir à ses fréquences basses, dans la bande des 700 MHz, jusqu'alors utilisée pour la 4G. Sur ce front, l'ANFR a reçu 11.700 demandes d'autorisations de Free ! Ces milliers d'antennes couvrent une très grande partie du pays, comme le montrent d'autres cartes de l'ANFR:
Lors de notre forum sur la 5G, Gilles Brégant, le directeur général de l'ANFR, a jugé que l'arrivée relativement récente de Free sur le marché du mobile constitue sans doute un avantage. « Iliad [la maison-mère de Free, NDLR] a un réseau qui est récent puisque c'est le dernier opérateur arrivé sur le marché français, a-t-il rappelé. Il est vraisemblable que les émetteurs 4G qu'il a installés depuis quelques mois, ou quelques années, disposent d'une capacité 5G. Il compte probablement activer cette option. »
En face, la concurrence s'agace. Sans citer nommément Free, Orange et SFR ont déjà alerté sur la possibilité qu'un opérateur déploie une sorte de « fausse 5G », en utilisant largement des fréquences basses, pour revendiquer, d'un point de vue marketing, une couverture plus grande du territoire auprès du grand public. Il faut dire que si les fréquences 700 MHz utilisées par Free ont l'avantage de porter loin, elles n'offrent pas des débits aussi performants que les fréquences 2.100 MHz et 3,5 GHz.
Dans nos colonnes, Grégory Rabuel, le DG de SFR, a récemment tiré la sonnette d'alarme. « Certains concurrents vont probablement recourir largement aux bandes de fréquences 700 MHz, 1800 MHz et 2100 MHz pour la 5G, affirmait-il. Cela leur permettra d'afficher un logo 5G sur le smartphone, de publier des cartes de couverture très importantes, mais avec une qualité de service égale ou inférieure à celle de la 4G. Cela peut être déceptif pour les clients qui auront acheté un nouveau téléphone, souscrit à de nouvelles offres, mais ne bénéficieront au final que d'une '5G dégradée'. » Tous les opérateurs attendent maintenant, avec une certaine anxiété, que Xavier Niel dévoile enfin son jeu. Contacté par La Tribune, Free n'a pas encore donné suite à nos sollicitations.
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