Faire du commerce avec la Chine sans transferts de technologies : mission impossible ?

Céder aux sirènes hurlantes du plus grand marché du monde doit se faire avec toutes les précautions d'usage. Ce, pour éviter les transferts de technologies et de savoir-faire stratégiques et donc, in fine, la contrefaçon, la concurrence déloyale et le déséquilibre des relations commerciales.
A droite, un sac Louis Vuitton contrefait, Copyright Reuters

 "Ouvrir un magasin est facile, le garder ouvert est tout un art", selon un proverbe chinois mis en avant dans l?étude de l?assureur-crédit Atradius sur Les succès de vos relations commerciales avec la Chine. Aujourd?hui, environ 1500 entreprises françaises sont implantées en Chine, et leur chiffre d?affaires est trois à quatre fois plus important que celui des exportations françaises en Chine.

Un écart de conduite est si vite arrivé

Ne pas lever le voile sur ses secrets de fabrication relève du bon sens. Et pourtant. Sortir de son code de conduite est si vite arrivé pendant une négociation, un repas, une partie de golf avec ses futurs partenaires : un écart de langage, la présentation d?une pièce essentielle à la fabrication d?un produit, la diffusion d?une information technique sur un composant ou une formule, et c?est déjà trop tard?
"La Chine a considérablement renforcé son cadre législatif ainsi que la protection de la propriété intellectuelle, mais dans la pratique, les droits en la matière y sont encore violés. Selon des analystes du marché, près de 20 % des produits de consommation vendus sur le marché chinois sont des contrefaçons. Tout envoi de marchandises en Chine implique un risque de reproduction illégale dans le pays", lit-on dans le rapport d?Atradius.

Moyens de pression et d?influence

Quelles sont alors les erreurs à ne pas commettre ? Ubifrance, qui accompagne chaque année environ 1200 entreprises dans le développement de leurs affaires avec la Chine, observe une certaine naïveté des sociétés, parfois grisées par le potentiel de ce marché : "La notion d?eldorado chinois aveugle un peu les entreprises. Le marché chinois est très complexe d?un point de vue culturel. Lorsque vous arrivez en Chine, vous êtes aveugles, muets et sourds", constate Isabelle Fernandez, directrice d?Ubifrance Chine.
Les moyens de pression et d?influence ne manquent pas, et l?énervement ou une confiance aveugle dans le partenaire chinois ne doivent pas conduire l?entreprise à se mettre à table. D?autant plus que le dirigeant français sera incité à faire la démonstration de ses avantages compétitifs, sur la demande de son futur partenaire chinois, qui souhaitera rapidement savoir si l?offre correspond à son besoin.

Une contrefaçon qui ne dit pas son nom

Me Paul Ranjard, responsable du bureau Unifab de Pékin, attire l?attention dans un rapport sur ce phénomène moins connu : "il existe des moyens plus subtils, comme, par exemple, conditionner la délivrance d?une autorisation de mise sur le marché d?un nouveau produit à une série de questions techniques, non seulement sur la composition mais aussi sur les méthodes de fabrication, avec par voie de conséquence des réponses qui équivalent à un véritable transfert de technologie, laquelle technologie est immédiatement diffusée dans la concurrence chinoise. Cet aspect de la contrefaçon, dont on parle peu, est, à notre avis, beaucoup plus dangereux que la contrefaçon de marques, dont on parle beaucoup. Ici il est directement question du coeur de l?entreprise, de ses secrets".
La relation au temps est extrêmement différente entre les deux pays et peut amener les entreprises françaises, habituées à conclure un contrat à l?issue de quelques réunions, à perdre patience. "Les chinois n?ont pas la même notion du temps que nous, et ils en jouent. Par exemple, ils peuvent vouloir prolonger les négociations le 24 décembre. De plus, il faut être vigilant, car le lien d?affaires existe tout le temps, il n?y a pas de césure entre vie personnelle et professionnelle", précise Isabelle Fernandez.

Se prémunir contre les risques et rester en alerte

Aujourd?hui, il faut aborder le marché chinois avec finesse, réflexion, conscience des différences culturelles et des risques, mais le spectre du transfert de technologies ou de savoir-faire ne doit pas pour autant constituer un prétexte pour ne pas faire d?affaires avec ce pays. "Cet argument ne doit pas empêcher les entreprises d?avoir une stratégie en Chine. Il faut simplement se prémunir contre ce risque avant de s?y engager et rester constamment en alerte", estime Isabelle Fernandez.
Avant toute chose, il convient de vérifier si les droits de propriété intellectuelle attachés à la technologie concernée peuvent être protégés en Chine, puis de déposer son logo ou son site Internet par exemple.
Il est également indispensable de signer un véritable contrat encadrant l?utilisation de la technologie avec des accords de licence. "Les fournisseurs doivent veiller à enregistrer localement leurs droits de propriété intellectuelle avant toute exportation. Ils bénéficieront ainsi de la protection de la propriété intellectuelle aux termes du système appliqué en Chine et augmenteront sensiblement leurs chances en cas d?actions à l?encontre des contrevenants", précise Atradius.
Il est évidement conseillé de ne pas donner accès à toute sa chaîne de production et de conserver le c?ur du réacteur de son entreprise hors de Chine.

Négocier les clauses du contrat pied à pied

Les clauses du contrat doivent être négociées pied à pied et rien ne doit être laissé au hasard.
Ubifrance recommande entre autres de préférer une délivrance de licence d?exploitation des technologies, plutôt qu?un transfert de brevets.
Et parmi les clauses les plus sensibles, citons celle qui est liée à l?encadrement de la propriété des améliorations de la technologie qui peuvent être effectuées par le partenaire chinois.
Une autre clause doit délimiter le champ, voire interdire, le "retro-engineering", qui n?est pas considéré en Chine comme une atteinte aux secrets commerciaux.
Enfin, les clauses relatives à la rupture du contrat ne doivent pas être négligées. L?entreprise française devra y inclure le rappel des dessins, des moules, des plans ou encore du matériel de production.
Par ailleurs, la sensibilisation de ses propres salariés comme des salariés chinois qui seront amenés à travailler pour l?entreprise, fait elle aussi partie intégrante d?une stratégie d?export ou d?implantation réussie. Des accords de confidentialité doivent notamment être signés par les collaborateurs chinois et des clauses de non-concurrence intégrées aux contrats de travail.

  

Arkema, Bic : chineront, chineront pas ?

L'un pourrait bien céder aux sirènes chinoises, l'autre en dénonce le bruit. Les deux jouent en tous cas sur la peur du géant chinois et sur le chantage d'un investissement en Chine plutôt qu'en France pour servir leurs intérêts.
Ce vendredi 16 novembre, après l'échec de négociations entre patronat et syndicats au sein de son usine de production située à Pierre-Bénite dans le Rhône, le chimiste français Arkema menace d'aller investir en Chine ou aux Etats-Unis. "Pour nous, ce serait plus rapide et rentable de construire cette unité en Chine ou aux Etats-Unis", a déclaré une porte-parole du groupe.
De son côté, Bic hausse le ton face aux chinoiseries. Le groupe français milite pour une législation plus sévère de l'Union européenne sur l'importation des briquets chinois, à l'heure où la Commission européenne doit se prononcer d'ici la mi-décembre sur le renouvellement ou non de la taxe antidumping sur les briquets bas de gamme. Interrogé par Le Figaro, Bruno Bich, président du conseil d'administration de Bic affirme que "Depuis vingt ans, cette taxe n'est pas appliquée car elle est contournée par certains fabricants et des centaines de millions de briquets chinois entrent en Europe sans la payer". Il ajoute que son plan d'investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros sur trois ans destiné à l'usine de Redon en France serait revu, voire transféré en Amérique, si la taxe n'était pas renouvelée.

 

>>> A visiter : le confidentiel mais non moins original et pédagogique Musée de la contrefaçon, créé en 1951 par l'Unifab, rue de la Faisanderie à Paris. Les objets authentiques et contrefaits, présentés en vis-à-vis, reflètent les progrès des contrefacteurs dans l'art de l'imitation, à tel point que le visiteur aura parfois du mal à distinguer le vrai du faux...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 34
à écrit le 19/11/2012 à 11:54
Signaler
excellent votre blog !

à écrit le 19/11/2012 à 5:11
Signaler
Ne soyons pas naïfs : malgré toutes les précautions possibles et imaginables, les risques de contrefaçon, de copiage et autres viols de brevets et de propriété intellectuelle existeront toujours et ne pourront être évités si l'on a affaire à des part...

à écrit le 18/11/2012 à 19:36
Signaler
J'attends les conséquences de l'assemblage des Airbus A320, vendu à la chine, sur le territoire chinois. EADS aurai dû prendre conseil auprès de Moulinex auparavant. Même si le produit sera copié tôt ou tard, autant rendre cela couteux au contrefact...

à écrit le 18/11/2012 à 14:45
Signaler
La technologie se répand d'elle même qu'on le veuille ou non. Innover en permanence et avoir toujours une longueur d'avance sur le concurrent reste ce qui fera la différence. Une lutte acharné et continue. Une fois le mâle alpha battu, il se retire e...

à écrit le 18/11/2012 à 11:34
Signaler
Les entreprises occidentales sont dopées à l'argent facile, rapidement gagné. Rien ne se construit plus dans la durée. Pour gagner un marché aujourd'hui, on est prêt à en perdre 10 demain en aidant la concurrence à se mettre en place. Voila comment i...

à écrit le 18/11/2012 à 8:45
Signaler
"ne pas lever la voile sur les secrets de fabrication...." pendant des siècles la Chine avait "le secret de la fabrication de la porcelaine", et alors?

le 18/11/2012 à 10:23
Signaler
Eux on réussi a garder le secret des centaines d'années , nous on leur donne les nôtres ou on se les fait piquer en quelques jours .

le 18/11/2012 à 11:34
Signaler
Bien sur, car on n' avait pas besoin, quelle est le "savoir faire" français, qu'aucun autre pays ne pourrait faire?

le 18/11/2012 à 14:41
Signaler
Il faut voir du coté du médicament. Une très large partie de toutes découvertes scientifique sont faite dans des laboratoires français.

le 18/11/2012 à 18:33
Signaler
Si vous parlez de Sanofi, c'est une entreprise européenne il y a Hoechst dedans, qui n'était pas français mais allemand! Jusqu'au jour où un certain ministre Sarkozy a pu baratiner le vieux commissaire Prodi et Bruxelles donne l'accord que Sanofi ava...

à écrit le 18/11/2012 à 3:26
Signaler
Moi, je suis allé à Beijing 3 fois. Alors là-bas vous avez le Silk Market n'est ce pas, c'est à dire un building absolument énorme sur 7 ou 8 étages et absolument bourré de contrefaçon. C'est bien simple, des centaines de touristes arrivent chaque jo...

le 18/11/2012 à 8:40
Signaler
Faudrait alors rendre la poudre, l'encre, la soie, le papier monnaie, le papier, l'imprimerie, ... aux Chinois ?

le 18/11/2012 à 10:16
Signaler
@brevet, le domaine public c'est 20 ans , ça serait déjà bien de le respecter avant de vouloir passer à 2000 ans.

le 19/11/2012 à 3:21
Signaler
@portquoi: comme toujours, on ne reconnaît que ce qui nous intéresse...ce qui quelque part justifie que les Chinois voient aussi midi à leur porte :-)

le 19/11/2012 à 22:13
Signaler
Il ya des règles ou il n'y a pas de règles ? Si il n'y a pas de règles pourquoi ne pas voler directement ?

le 20/11/2012 à 14:18
Signaler
Quel règle? français ou chinois?

à écrit le 18/11/2012 à 0:31
Signaler
Le marché chinois me fait penser aux introductions en bourse . On vous fait miroiter des résultats extraordinaires dans le futur sauf qu'en réalité , vous payez plein pot pour pas grand chose ... et au final rares sont les gagnants 10 ans plus tard ....

à écrit le 18/11/2012 à 0:28
Signaler
La plupart des patrons actuels sont des financiers à courte vue . Ils ont les yeux rivés sur le cours de l'action de leur entreprise car les 3/4 de leurs revenus proviennent de la vente des stocks options donc si ils peuvent délocaliser en chine avec...

à écrit le 18/11/2012 à 0:21
Signaler
Les Chinois respectent autant les "contrats" , la propriété intellectuelle ou industrielle que les droits de l'homme. Ce sont donc d'excellents partenaires commerciaux.

à écrit le 17/11/2012 à 22:20
Signaler
A lire la presse, on pourrait plutôt dire : Faire du commerce avec la Chine , même avec transferts de technologies = mission impossible !

à écrit le 17/11/2012 à 22:01
Signaler
Pour faire du commerce en Chine et plus généralement en Asie quelques règles de base : 1/ La corruption sous toutes ses formes peuvent et doivent être pratiquées. De la bouteille de vin à 50? en passant par le 4x4 à 50k? ou le versement sur un compte...

à écrit le 17/11/2012 à 19:47
Signaler
Tu t'en fous , quand tu es au pouvoir dans une boite tu as 50 - 60 balais, le but c'est d'avoir a moyen terme d'excellents résultats en fabricant en Chine et en "vendant" aux salariés qu'un jour ils auront pseudo accès a ce fabuleux marché Chinois. ...

à écrit le 17/11/2012 à 18:34
Signaler
Pendant des années, ils ont privé l'Afrique de cette technologie ce qui explique son niveau de développement actuel, mais avec la Chine et son milliard et demi de bouches, vous as aveugles? Aujourd?hui les pays africains commercent avec les chinois p...

le 18/11/2012 à 3:58
Signaler
pourquoi la chine va en Afrique ??? pour l'amour des africains ?????? naif

le 18/11/2012 à 11:23
Signaler
La Chin est le nouveau colonisateur de l'Afrique, pour ses terres arables et ressources naturelles. C'est tout.

à écrit le 17/11/2012 à 15:49
Signaler
Il est tentant de sous traiter en Chine car c'est pas cher. Bien sûr qu'il faut garder le pouvoir sur le soustraitant. C'est facile en France, où les PME sont maintenues faibles. C'est impossible aux US, ou bien encore en Chine où la propriété indust...

à écrit le 17/11/2012 à 14:20
Signaler
"***Il est évidement conseillé de ne pas donner accès à toute sa chaîne de production et de conserver le c?ur du réacteur de son entreprise hors de Chine. """ C'est déjà la réponse de ce que les entreprise risque en Chine. Moi qui vie en Chine quand ...

à écrit le 17/11/2012 à 13:44
Signaler
Grâce a l eldorado chinois, plus un vêtement. N est fabriqué. En europe Grâce. A la belle vision court terme un petit groupe d importateur s en met plein les fouilles quand l idustrie Européenne est en train de mourir. Continuons de leur filer nos ...

à écrit le 17/11/2012 à 13:22
Signaler
ce sentiment de "signer des clauses de confidentialité" quand on veut produire en Chine me fait sourire, au vu d'un Etat si impliqué dans l'espionnage industriel, la contre façon. C'est, comme le dise emi et PME, du pur commerce à court terme.

le 17/11/2012 à 23:13
Signaler
Ils respectent autant les "contrats" que les droits de l'homme.

le 18/11/2012 à 3:44
Signaler
Visite les prisons françaises si tu veux voir les droits de l'homme.

à écrit le 17/11/2012 à 12:45
Signaler
Le marché Chinois est un marché de dupes pour les Occidentaux qui avisent de court terme se mettent eux-même dans les pattes du méchant loup. L'Etat Chinois est lui-même impliqué dans la contrfaçon alors essayez d'aller porter plainte en Chine contre...

à écrit le 17/11/2012 à 12:08
Signaler
La Chine est comme l'Hydre de la mythologie grecque. Patiemment, les chinois tissent leur toile. Alors que nous, les occidentaux, avons une vision très courte et voulons un profit rapide, les chinois prennent leur temps. Petit à petit, ils investisse...

le 17/11/2012 à 16:20
Signaler
La chine a bien raison, c'est aux occidentaux d'avoir la même vision long termiste

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.