LA TRIBUNE - Qu'est-ce qui explique la montée du bitcoin depuis mars, atteignant même un record sur certaines plateformes depuis 2017 à 19.700 dollars lundi 30 novembre, après sa chute liée à la première vague de la crise du Covid-19 ?
MANUEL VALENTE - Tout d'abord, un phénomène de "halving" a eu lieu en mai 2020. Cette opération, qui consiste à diviser en deux l'émission monétaire, a lieu tous les quatre ans. C'est-à-dire que depuis 2016, le protocole informatique créait 12,5 bitcoins toutes les 10 minutes, et depuis mai, il n'y a plus que 6,25 bitcoins émis par des nouveaux blocs toutes les 10 minutes (voir le processus de cryptage, puis de validation des échanges du bitcoin dans notre encadré ci-dessus NDLR). Tous les quatre ans, les cours sont donc tirés vers le haut après ce halving puisque lorsque l'offre diminue, les prix montent. La deuxième raison, c'est l'arrivée des institutionnels sur ce marché. Par exemple l'éditeur de logiciels Microstrategy - côté au Nasdaq - a acheté pour 425 millions de dollars de bitcoin en août. Les entreprises américaines ont pour certaines fait leur « coming out » en disant qu'elles avaient acheté du bitcoin, ce qui créé une dynamique sur le marché. Enfin, la fragilisation du dollar renforce l'intérêt pour d'autres systèmes comme les cryptomonnaies.
Néanmoins le pic d'intérêt des particuliers pour le bitcoin, que l'on a constaté en France lors du premier confinement, est beaucoup moins important pour le deuxième confinement.
Pourtant, il y a eu une accélération ces dernières semaines. L'annonce du service de paiement PayPal, le 21 octobre, du lancement d'un service permettant d'acheter des cryptomonnaies explique-t-elle tout ?
C'est certain que cette annonce de PayPal du lancement d'un service permettant "d'acheter, de conserver et de vendre des cryptomonnaies" est une très bonne nouvelle et a fait grimper le cours depuis plus d'un mois. Mais cela n'explique pas tout. On a constaté depuis plusieurs mois une corrélation entre le S&P 500 (l'indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux Etats-Unis) et le bitcoin. En mars, lorsque les cours de Bourse ont plongé, le bitcoin a suivi, puis la confiance est revenue. Depuis la deuxième vague, les indices sont complètement décorrélés. La Bourse a recommencé à plier puisque les institutionnels voient arriver la crise économique, mais le bitcoin lui continue de monter.
Le 26 novembre, pourtant si près du record, le bitcoin s'est effondré de plus de 10%. Que s'est-il passé ?
Dans la nuit du 25 au 26 (heure française), nous avons appris que Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor aux Etats-Unis pourrait créer une loi venant réguler les portefeuilles électroniques. Officiellement, pour lutter contre les usages illégaux, cette loi obligerait les utilisateurs de cryptomonnaies à identifier nommément les portefeuilles sur lesquels ils souhaitent placer leurs actifs. Autrement dit, ils ne pourraient plus placer leurs fonds sur leur portefeuille de leur choix, comme un ordinateur ou une clé USB par exemple, mais devront transférer les actifs vers d'autres plateformes puisque les plateformes n'accepteront pas de transférer les fonds vers des portefeuilles qu'elles ne contrôlent pas. Si on devait comparer, c'est comme si, dans le système traditionnel, on interdisait le cash puisqu'on ne sait pas où va l'argent. Mais cela serait extrêmement difficile à mettre en place.
A l'heure où la BCE se penche sur la création d'une e-monnaie, une loi de régulation est-elle envisageable en Europe ? Quel serait l'impact ?
Pour l'instant les projets sur lesquels l'Europe travaille, ce sont des projets interbancaires; on est encore loin de ce qui se fait déjà en Chine par exemple où il y a déjà eu plus de 400 millions de transactions sur leur système de cryptomonnaie étatique. Cette monnaie en Chine peut être un danger pour les stablecoins (Ndlr : type de cryptomonnaie dont la valeur est stable, car basée sur celle d'un autre actif) mais pas pour le bitcoin qui lui est très volatil. Au niveau européen, malheureusement aujourd'hui dans l'univers des cryptomonnaies, les deux poids lourds restent les Etats-Unis et la Chine. Pour le moment, le marché européen n'est pas suffisamment important pour que l'une des ses décisions ait un impact au niveau mondial.
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