Record du bitcoin : "la fragilisation du dollar renforce l'intérêt pour d'autres systèmes"

4 QUESTIONS A. Secoué par le "Corona-krach" en mars, le bitcoin grimpe en flèche depuis huit mois. La doyenne des monnaies électroniques "décentralisées" a même dépassé ce lundi 30 novembre son record de décembre 2017 sur certaines plateformes, atteignant un plus haut de plus de 19.700 dollars. La semaine dernière, le bitcoin avait déjà frôlé son sommet avant de s'effondrer le 26 novembre. Quels sont les facteurs qui jouent sur le cours de la reine des cryptomonnaies ? Manuel Valente, directeur Analyse & Recherche au sein de la société française Coinhouse, répond à La Tribune.
Manuel Valente, directeur Analyse & Recherche au sein de la société française Coinhouse
Manuel Valente, directeur Analyse & Recherche au sein de la société française Coinhouse (Crédits : LT)
Créé en 2008, le bitcoin -avec une capitalisation boursière de plus de 298 milliards d'euros au 30 novembre- est la plus importante des monnaies numériques basées sur un réseau : la "blockchain". Alimentée par des milliers d'ordinateurs dans le monde, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d'informations, fonctionnant sur un réseau de pair à pair, sans organe central de contrôle. Les transactions effectuées entre les utilisateurs du réseau sont regroupées par blocs et chaque bloc est validé par les noeuds du réseau appelés les "mineurs". La possession des bitcoins est matérialisée par une suite de chiffres et de lettres qui constituent une clé virtuelle permettant la dépense des bitcoins qui lui sont associés sur le registre.

LA TRIBUNE - Qu'est-ce qui explique la montée du bitcoin depuis mars, atteignant même un record sur certaines plateformes depuis 2017 à 19.700 dollars lundi 30 novembre, après sa chute liée à la première vague de la crise du Covid-19 ?

MANUEL VALENTE - Tout d'abord, un phénomène de "halving" a eu lieu en mai 2020. Cette opération, qui consiste à diviser en deux l'émission monétaire, a lieu tous les quatre ans. C'est-à-dire que depuis 2016, le protocole informatique créait 12,5 bitcoins toutes les 10 minutes, et depuis mai, il n'y a plus que 6,25 bitcoins émis par des nouveaux blocs toutes les 10 minutes (voir le processus de cryptage, puis de validation des échanges du bitcoin dans notre encadré ci-dessus NDLR). Tous les quatre ans, les cours sont donc tirés vers le haut après ce halving puisque lorsque l'offre diminue, les prix montent. La deuxième raison, c'est l'arrivée des institutionnels sur ce marché. Par exemple l'éditeur de logiciels Microstrategy - côté au Nasdaq - a acheté pour 425 millions de dollars de bitcoin en août. Les entreprises américaines ont pour certaines fait leur « coming out » en disant qu'elles avaient acheté du bitcoin, ce qui créé une dynamique sur le marché. Enfin, la fragilisation du dollar renforce l'intérêt pour d'autres systèmes comme les cryptomonnaies.

Lire aussi : Le dollar poursuit sa baisse, au plus bas depuis 18 mois

Néanmoins le pic d'intérêt des particuliers pour le bitcoin, que l'on a constaté en France lors du premier confinement, est beaucoup moins important pour le deuxième confinement.

Pourtant, il y a eu une accélération ces dernières semaines. L'annonce du service de paiement PayPal, le 21 octobre, du lancement d'un service permettant d'acheter des cryptomonnaies explique-t-elle tout ?

C'est certain que cette annonce de PayPal du lancement d'un service permettant "d'acheter, de conserver et de vendre des cryptomonnaies" est une très bonne nouvelle et a fait grimper le cours depuis plus d'un mois. Mais cela n'explique pas tout. On a constaté depuis plusieurs mois une corrélation entre le S&P 500 (l'indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux Etats-Unis) et le bitcoin. En mars, lorsque les cours de Bourse ont plongé, le bitcoin a suivi, puis la confiance est revenue. Depuis la deuxième vague, les indices sont complètement décorrélés. La Bourse a recommencé à plier puisque les institutionnels voient arriver la crise économique, mais le bitcoin lui continue de monter.

Le 26 novembre, pourtant si près du record, le bitcoin s'est effondré de plus de 10%. Que s'est-il passé ?

Dans la nuit du 25 au 26 (heure française), nous avons appris que Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor aux Etats-Unis pourrait créer une loi venant réguler les portefeuilles électroniques. Officiellement, pour lutter contre les usages illégaux, cette loi obligerait les utilisateurs de cryptomonnaies à identifier nommément les portefeuilles sur lesquels ils souhaitent placer leurs actifs. Autrement dit, ils ne pourraient plus placer leurs fonds sur leur portefeuille de leur choix, comme un ordinateur ou une clé USB par exemple, mais devront transférer les actifs vers d'autres plateformes puisque les plateformes n'accepteront pas de transférer les fonds vers des portefeuilles qu'elles ne contrôlent pas. Si on devait comparer, c'est comme si, dans le système traditionnel, on interdisait le cash puisqu'on ne sait pas où va l'argent. Mais cela serait extrêmement difficile à mettre en place.

A l'heure où la BCE se penche sur la création d'une e-monnaie, une loi de régulation est-elle envisageable en Europe ? Quel serait l'impact ?

Pour l'instant les projets sur lesquels l'Europe travaille, ce sont des projets interbancaires; on est encore loin de ce qui se fait déjà en Chine par exemple où il y a déjà eu plus de 400 millions de transactions sur leur système de cryptomonnaie étatique. Cette monnaie en Chine peut être un danger pour les stablecoins (Ndlrtype de cryptomonnaie dont la valeur est stable, car basée sur celle d'un autre actif) mais pas pour le bitcoin qui lui est très volatil. Au niveau européen, malheureusement aujourd'hui dans l'univers des cryptomonnaies, les deux poids lourds restent les Etats-Unis et la Chine. Pour le moment, le marché européen n'est pas suffisamment important pour que l'une des ses décisions ait un impact au niveau mondial.

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Commentaires 5
à écrit le 11/12/2020 à 12:25
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La mauvaise monnaie chasse la bonne. Enfin!...Hum!

à écrit le 11/12/2020 à 12:24
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La mauvaise monnaie chasse la bonne. Enfin!...Hum!

à écrit le 08/12/2020 à 12:37
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Une technologie opaque, une valorisation qui repose... sur quoi exactement ? quels actifs en contrepartie ? Le Bitcoin ne remplit pas la condition élémentaire qui caractérise la monnaie: être une créance sur l'économie du pays émetteur, ou des pays é...

le 17/12/2020 à 15:01
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"technologie opaque", belle démonstration d'ignorance! Ceux sont sont ceux qui en connaissent le moins qui ont l'avis le plus tranché sur la question. Essayez de vous instruire avant de commenter sur un sujet sur lequel vous y connaissez absolument...

à écrit le 30/11/2020 à 19:26
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Quand on voit le "boxon" sur internet, il n'y a pas de raison que les monnaies électroniques y échappent...au "boxon"!

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