En France, le second souffle de l'éolien en mer

Après des années de tâtonnement, la machine semble bel et bien lancée : ce jeudi 2 mai, RTE, les Chantiers de l'Atlantique et Hitachi Energy ont annoncé un accord « historique » de 4,5 milliards d'euros pour construire des plateformes électriques destinées à équiper de futurs parcs éoliens en mer. Le même jour, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et son ministre délégué à l’Industrie et à l'Énergie, Roland Lescure, ont confirmé leur volonté d’accélérer la cadence afin de développer massivement cette source d’énergie en France. Mais la filière européenne reste fragile.
Marine Godelier
(Crédits : AFP/LOIC VENANCE)

4,5 milliards d'euros d'investissement pour mettre au point des plateformes électriques destinées à équiper de futurs parcs éoliens, notamment en mer. Voici l'accord « historique » qu'ont annoncé jeudi le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France, RTE, les Chantiers de l'Atlantique et l'industriel Hitachi Energy

« D'une ampleur inédite pour RTE », ce contrat portera sur la construction de plateformes en mer bien plus puissantes que celles construites actuellement, et destinées à équiper les parcs éoliens offshore de Normandie (Centre Manche 1 & 2) et d'Oléron, ont annoncé les trois partenaires à l'occasion d'un déplacement de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, et de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Energie, aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

Courant continu plutôt qu'alternatif

Concrètement, les plateformes en question, fonctionnant à courant continu, seront d'une plus forte puissance et d'une plus grande dimension que celles à courant alternatif qui équipent aujourd'hui les premiers parcs éoliens sur les côtes françaises. En effet, le courant continu permet de transporter le courant en mer sur de très longues distances, et s'avère par là même mieux adapté à la nouvelle génération de parcs offshore, plus puissante et parfois située plus loin du rivage (là où les vents sont plus importants et plus réguliers). Les plateformes serviront donc à stabiliser et élever la tension de l'énergie produite par les éoliennes, de réduire les pertes électriques potentielles et de limiter le nombre de câbles nécessaires pour transmettre l'électricité au réseau public de transport d'électricité.

Celles-ci seront fabriquées à Saint-Nazaire aux Chantiers de l'Atlantique, qui ont déjà mis sur pied une dizaine de plateformes offshore, bien que plus petites, pour la France et l'Europe. L'entreprise de construction maritime devra ainsi doubler sa capacité de production de plateformes, à travers près de 100 millions d'euros d'investissements dans une extension, pour s'équiper notamment de la plus grande alvéole de peinture d'Europe. Il pourra « capitaliser sur ses installations », dont sa cale pouvant soulever jusqu'à 1.400 tonnes, souligne le communiqué commun.

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Tensions sur le raccordement

Pour rappel, RTE s'est vu confier il y a quelques années un monopole pour le raccordement des parcs éoliens offshore, le réseau en mer étant perçu comme un prolongement du réseau terrestre. Ces ouvrages de raccordement sont notamment encadrés dans le cadre des appels d'offres organisés par l'Etat, et également financés par le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe).

Selon son Schéma décennal de développement du réseau publié en février, RTE consacrera pour la seule année 2024 un peu plus de 10% de son budget d'investissement à la réalisation des raccordements pour les parcs éoliens en mer, soit 258,3 millions d'euros sur les 2,28 milliards d'euros de l'enveloppe globale. En février cependant, la Commission de régulation de l'énergie avait pointé de « fortes tensions » sur le marché de l'éolien offshore qui devraient avoir une « incidence » sur les coûts prévisionnels des raccordements.

« Simplification » des procédures

Cet accord intervient alors que le gouvernement prévoit d'accélérer la cadence en la matière, afin d'atteindre son objectif de 18 gigawatt (GW) d'éolien en mer en 2035, puis « au moins » 45 GW en 2050 (soit une cinquantaine de parcs). A ce jour, la capacité installée en France atteint à ce jour environ 1,5 GW, le parc de Saint-Nazaire étant intégralement mis en service depuis 2022 (480 MW), suivi des parcs de Fécamp (497 MW) et de Saint-Brieuc (496 MW) qui injectent sur le réseau et devraient être intégralement mis en service en mai et en juin 2024. « Il y a une compétition, il faut la livrer vite et fort », a ainsi fait valoir jeudi Bruno Le Maire, regrettant « un sacré retard à l'allumage » dans l'Hexagone.

A Saint-Nazaire, l'exécutif a ainsi mis en avant plusieurs pistes d'action pour passer la seconde, notamment la « simplification des procédures de déploiement » de l'éolien en mer. Mercredi 24 avril, celui-ci a ainsi déposé au Parlement un projet de loi de « simplification de la vie économique », comportant une mesure permettant de déroger à des règles de la commande publique. Le but : « simplifier » et « accélérer » la contractualisation par RTE des marchés nécessaires à la réalisation des ouvrages de raccordement des parcs éoliens en mer.

Autre mesure annoncée : l'exécutif publiera un décret permettant de « réduire » la durée de la procédure de mise en concurrence des futurs parcs éoliens, en « simplifiant drastiquement les modalités de pré-qualification » et en écourtant la phase de dialogue concurrentiel et d'instruction des offres par la Commission de régulation de l'énergie, a-t-il fait savoir jeudi. Ce qui devrait permettre de réduire la durée totale des procédures de mise en concurrence à environ 12 mois, contre 2,5 à 3 ans aujourd'hui (en incluant la réalisation des études en mer), promet-on à Bercy.

Par ailleurs, Bruno Le Maire et Roland Lescure se sont engagés à attribuer un giga appel d'offres de 10 GW d'ici à octobre 2026. En outre, une carte des « zones propices à l'éolien en mer » à horizon 10 ans et à horizon 2050 sera publiée en septembre, après les débats achevés fin avril entre collectivités, élus, ONG, pêcheurs et citoyens.

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Une guerre des prix intenable ?

Enfin, le gouvernement a confirmé ce jour la désignation prochaine du lauréat de l'appel d'offres de 250 mégawatts (MW) pour un parc éolien flottant en Bretagne, à un prix « très très en-dessous » du prix plafond de 140 euros par mégawattheure (MWh).

« Le lauréat a été désigné. Je donnerai son nom dans les prochains jours, une fois que la garantie bancaire sera constituée », a précisé Bruno Le Maire.

Selon une information des Echos, le premier lauréat choisi début février par la Commission de régulation de l'énergie s'est désisté, n'ayant pas remis les garanties financières attendues pour être désigné lauréat dans les quinze jours impartis.

« A l'issue de l'instruction, une première société lauréate avait été désignée comme lauréat pressenti, mais cette dernière a par la suite décidé de ne pas remettre la garantie bancaire nécessaire. Conformément aux dispositions du cahier des charges et du code de l'énergie, cette société s'est vu retirer son statut de lauréat pressenti et une seconde entreprise a été désignée lauréate. Sa nomination interviendra au dépôt de garantie bancaire. En parallèle, le gouvernement va enclencher une procédure de sanction contre la première société », confirme à La Tribune une source ministérielle.

« Soit cette entreprise a visé un prix trop bas, finalement intenable, soit on lui a suggéré de ne pas constituer sa garantie », note un expert du secteur. Une chose est sûre : l'inflation des coûts de construction et des coûts de financement continue de peser sur les constructeurs et les énergéticiens, qui se livrent à une impitoyable guerre des prix.

Et pour cause : les appels d'offres lancés par l'Etat pour sélectionner un opérateur plutôt qu'un autre valorisent en premier lieu le critère prix, qui pèse aujourd'hui pour 70% dans l'équation ! Et ce, afin d'obtenir les coûts de production de l'énergie les moins élevés possibles. Pour remporter la mise, mieux vaut donc proposer un tarif extrêmement bas. Résultat : les turbiniers subissent une forte pression de leurs clients, les développeurs (EDF, TotalEnergies, Engie, Eolfi, Iberdrola, etc), qui sont à la recherche du prix le plus bas possible. Et ce, alors même qu'ils doivent composer avec la hausse des coûts des transports, des matériaux, mais aussi des métaux nécessaires à la construction des turbines...et par ricochet, de celle des taux d'emprunt, en raison de la crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine.

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Marine Godelier

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Commentaires 12
à écrit le 03/05/2024 à 13:22
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Pour une éolienne, un double souffle c'est bien. Produira 2x plus le moulin à vent . Ce sera toujours mieux que le brassage de vent de Jordan Bardella 🤣

à écrit le 03/05/2024 à 8:17
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On va attendre avant de crier victoire, ça peut comme d'habitude être des travaux confiés aux réseaux de copains incompétents qui vont tout massacrer. Parce qu'une bonne idée de départ nos néolibéraux en font rapidement une catastrophe. Le néolibéral...

le 03/05/2024 à 14:34
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votre concept de neoliberalisme est errone; le neoliberalisme est tout le contraire. On supprime l Etat et surtout les impots qui vont avec ,pour que les entreprises aient plus de tresorie et puissent investir plus dans leur outil de travail et creer...

le 03/05/2024 à 15:41
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il y a plus de chance de naufrager une bonne idee en la confiant a l etat et ses copains qu au privé. Regardez le claud a la francaise lance a grand coup de cybale par sarkozy (avec France Teleocm et Dassault systeme. ca n a jamais marché)

le 04/05/2024 à 8:09
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"le neoliberalisme est tout le contraire. On supprime l Etat" Non c'est le libéralisme dans lequel on supprime l'état, libéralisme qu iexiste depuis plusieurs siècles maintenant mais dont nous n'avons jamais vu la couleur parce que les riches en ont ...

le 04/05/2024 à 8:10
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"il y a plus de chance de naufrager une bonne idee en la confiant a l etat et ses copains qu au privé." Et pourquoi ? Ce sont tous les mêmes, l'argent public arrosant les deux, les détournements concernant les deux. C'est le même business les gars ré...

le 04/05/2024 à 9:31
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Dans les années 60/70 le public pesait 15% des emplois et produisait 25% de la richesse nationale, actuellement c'est cacahouète. Bon, à l'époque il existait des patrons et des décideurs avisés..

le 04/05/2024 à 18:06
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En discutant avec un ami bosseur et compétent mais qui quitte les entreprises, des PME, parce que la hiérarchie y est à chaque fois défaillante, au bout de deux ans en général je comprends mieux l'idée de la financiarisation de l'économie, un patronn...

à écrit le 02/05/2024 à 23:34
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La France doit rattraper son retard à l'égard de l'Angleterre, le Danemark et l'Allemagne. Même en mer, le coût de l'éolien est une fraction de la nucléaire et bien plus simple et surtout sûr – pas de pollution radioactive horrifique et écocidale. Et...

le 03/05/2024 à 2:34
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nouvelle dramatique voulez vous dire : nos pêcheurs se plaignent déjà du manque de poisson :que dire quand ces immenses machines seront installées ? Vous paierez le poisson un prix de fou !!

le 03/05/2024 à 8:06
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@bertrand, il faut se documenter un peu, après plus de 10 ans de recul sur les parcs éoliens en mer, on peut affirmer aujourd'hui deux choses 1/ la phase de construction est effectivement une période qui peut être néfaste aux espèces marines du site ...

le 03/05/2024 à 8:55
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Vous parlez du risque nucléaire et je souscris mais derrière chaque production d'électricité qui est la transformation d'une énergie primaire il existe une face cachée.

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