Fusions-acquisitions : vers un nouveau cycle de hausse ?

Après avoir perdu les deux tiers environ de sa valeur depuis 2008, le marché mondial des fusions-acquisitions a dépassé la barre des 3.000 milliards de dollars en 2014. Du jamais vu depuis 2007.
Christine Lejoux
Le rapprochement entre Lafarge et Holcim illustre le retour des grandes opérations sur le marché des fusions-acquisitions.

Il y a encore deux ans, la déprime régnait parmi les banquiers d'affaires, chargés de conseiller les entreprises dans leurs opérations de croissance externe. Et pour cause : dans le sillage de la crise financière et de la récession économique, le marché mondial des fusions-acquisitions avait perdu les deux tiers environ de sa valeur, entre 2008 et 2013. Mais, en cette fin d'année 2014, l'heure est de nouveau à l'optimisme, pour les banques d'affaires. Pour la première fois depuis 2007, c'est-à-dire avant l'éclatement de la crise des "subprimes" (crédits hypothécaires américains risqués), le marché mondial des fusions-acquisitions a dépassé cette année la barre des 3.000 milliards de dollars. A 3.340 milliards de dollars au 17 décembre, il enregistre un bond de 47% par rapport à la même période de l'an dernier, selon les données de Thomson Reuters.

Une envolée à laquelle toutes les grandes zones géographiques ont contribué, y compris l'Europe, où le marché des fusions-acquisitions a grimpé de 51%, à 816 milliards de dollars, du jamais vu depuis 2008. Et la France n'a pas démérité, puisqu'elle représente 20% environ du montant des transactions en Europe, un record depuis 2007.

"En France, l'année 2014 a été un très bon crû, avec de grandes opérations de rapprochement industrielles et des opérations en cash plus opportunistes", confirme Hubert Preschez, responsable du Corporate Finance France à la Société générale.

Le retour des grandes opérations stratégiques

C'est justement le retour tant attendu de ces grandes opérations - à visée industrielle et supérieures à 5 milliards de dollars - qui a soutenu le marché mondial des M&A (mergers and acquisitions), cette année. Comme le rachat de Time Warner Cable par Comcast, un "deal" à 45 milliards de dollars, qui doit permettre au nouvel ensemble de s'arroger 30% du marché américain de la télévision payante. Mais point n'est besoin d'aller jusqu'aux Etats-Unis pour trouver des exemples de ces opérations dites "transformantes" par les banquiers : le rapprochement du Français Lafarge et du Suisse Holcim, qui doit être finalisé l'an prochain, donnera naissance au premier cimentier mondial, avec des ventes annuelles de l'ordre de 40 milliards de dollars.

De même, le rachat de SRF par Altice (Numericable), pour 17 milliards d'euros (20,7 milliards de dollars), s'inscrit dans la nécessité, pour les opérateurs de télécommunications, de préparer la convergence fixe-mobile. Et si les dirigeants d'entreprise ont retrouvé l'audace de procéder à de grandes opérations de croissance externe, c'est d'abord grâce à la bonne tenue de la Bourse, qui a permis aux acquéreurs et aux cédants de s'accorder assez facilement sur les valorisations des sociétés. A quoi se sont ajoutées des conditions de financement éminemment favorables, avec des taux d'emprunt au plus bas.

L'optimisme est de mise pour 2015

Mais quid de 2015, voire des prochaines années ? Le marché des M&A, caractérisé par des cycles de six à huit ans, est-il à l'aube d'un nouveau cycle de hausse ?

"Je suis optimiste pour 2015 et 2016. Le marché continuera d'être porté par de grandes opérations, en particulier dans le secteur européen des télécommunications, engagé dans une course à la taille et dans une rationalisation de ses coûts",estime Stéphane Bensoussan, coresponsable des fusions-acquisitions en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique chez HSBC.

"Il est trop tôt pour dire si nous sommes au début d'un nouveau cycle de hausse sur le marché des fusions-acquisitions, mais 2015 devrait être une année très dynamique en Europe, avec un nombre d'opérations supérieur à celui de 2014. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans cette géographie, dans des industries qui ont besoin d'être restructurées, comme celles de la défense, de la pharmacie, des télécommunications et de l'énergie", renchérit Hubert Preschez.

Les incertitudes liées à la chute du prix du pétrole

La poursuite d'opérations de grande envergure semble d'autant plus probable qu'en rebattant les cartes au sein d'un secteur, ces méga-deals conduisent d'autres acteurs à s'interroger sur la nécessité de passer, eux aussi, à l'offensive.

"Ce type d'opération a souvent un effet psychologique sur les conseils d'administration d'autres grands groupes, qui accélèrent alors leur réflexion en matière de croissance externe", confirme Stéphane Bensoussan.

Des réflexions qui pourraient être d'autant plus intenses que certains grands groupes font face à une évolution de leur gouvernance. C'est le cas d'Alstom, où le PDG Patrick Kron devrait bientôt passer la main à Henri Poupart-Lafarge, patron du pôle transport du groupe français.

"Les récents changements de dirigeants au sein de sociétés du CAC 40 vont être une très bonne chose pour les fusions et acquisitions car de nouvelles feuilles de route stratégiques devraient voir le jour", acquiesce Hubert Preschez.

Reste que la chute du prix du pétrole et son corollaire - la volatilité sur les marchés financiers et l'aversion au risque - pourraient venir jouer les trouble-fête sur le marché des fusions-acquisitions. "La baisse du prix du pétrole n'est pas forcément une mauvaise chose, mais il faut qu'il y ait un consensus à moyen et long terme sur son évolution, sans quoi il sera difficile de valoriser les entreprises", reconnaît Hubert Preschez.

"Si la confiance perdure dans le maintien du prix du pétrole et des taux à des niveaux très bas, cela sera favorable au marché des M&A, avec de possibles ventes d'actifs par des fonds de LBO [acquisition par endettement ; Ndlr] et des entreprises peu endettées susceptibles de passer à l'offensive", confirme Stéphane Bensoussan.

Christine Lejoux

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