Contentieux social : Veolia de nouveau débouté face à Suez

Le président du tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent pour examiner une demande présentée par le leader français de l'eau et des déchets. Une décision qui laisse ouverte la polémique sur la durée de la suspension des droits de vote de Veolia dans Suez prononcée par la justice en 2020.
Giulietta Gamberini
Veolia soutient que cette suspension de ses droits doit cesser au plus tard le 5 février, alors que Suez parle du 31 mai. L'enjeu est crucial, puisque la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, est prévue en mai.
Veolia soutient que cette suspension de ses droits doit cesser au plus tard le 5 février, alors que Suez parle du 31 mai. L'enjeu est crucial, puisque la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, est prévue en mai. (Crédits : STEPHANE MAHE)

Dans le contentieux social qui l'oppose à Suez et à ses instances représentatives du personnel, Veolia vient de subir un nouveau revers. Par une ordonnance rendue vendredi 15 janvier, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, s'est en effet déclaré incompétent pour examiner une demande présentée par le leader français de l'eau et des déchets. Veolia espérait que ce juge modifie un arrêt prononcé le 19 novembre par la Cour d'appel de Paris qui, en confirmant une décision du tribunal judiciaire de Paris du 9 octobre, suspend ses droits de vote issu de l'achat, le 5 octobre, des parts d'Engie dans Suez (29,9%), tant que l'information et la consultation des instances représentatives de Suez prévues par la loi n'auront pas eu lieu.

Lire: Suez/Veolia: les enjeux du contentieux social devant la cour d'appel de Paris

Depuis cet arrêt, la loi fixe en effet un délai de trois mois pour la procédure d'information et consultation, et le groupe affirme avoir transmis à Suez les éléments nécessaires dès le 5 novembre. Les avocats des instances représentatives de Suez considèrent en revanche qu'un tel délai ne peut courir avant que ces derniers considèrent avoir reçu une information suffisante. Le 8 décembre, la Cour d'appel de Paris avait rejeté une requête en interprétation sur ce point de Veolia. Le 30 novembre, Suez et ses cinq principaux syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) ont en outre conclu un accord collectif "de méthode" relatif à cette procédure d'information-consultation, fixant sa date de fin au 31 mai: un "élément nouveau" qui devait permettre selon Veolia au tribunal judiciaire de Paris de revenir sur l'affaire malgré les précédentes décisions.

Deux autres rendez-vous judiciaires en février et mars

L'ordonnance prononcée vendredi laisse donc intacte la polémique sur la question de la durée de la suspension des droits de Veolia. Dans un communiqué publié dans la foulée, Veolia insiste:

"La procédure d'information-consultation des CSE (comités sociaux et économiques, ndlr) de Suez (...) s'achève le 5 février 2021 au plus tard et Veolia recouvrera l'ensemble de ses droits à cette même date".

Dans un autre communiqué, Suez réplique:

"La consultation des CSE de SUEZ, suivant les modalités de l'accord de méthode qui organise quatre phases de travail jusqu'au 31 mai 2021, se poursuit donc".

L'enjeu est crucial, puisque la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, est prévue en mai.

La question pourrait toutefois être tranchée lors de deux autres rendez-vous judiciaires. Contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 novembre, Veolia s'est en effet aussi pourvu en cassation: une décision est attendue le 24 mars. Veolia a en outre décidé d'agir devant le tribunal judiciaire de Nanterre - siège de Suez - afin de contester sur le fond l'existence de son devoir d'information et de consultation des instances représentatives du personnel de Suez qui motive les mesures provisoires et conservatoires (la suspension des effets de la cession) prononcées par le juge des référés. Une décision est attendue le 3 février.

Lire aussi: 2021, année hautement judiciaire pour Suez et Veolia

Un "data room" ouvert par Veolia

Entretemps, le 7 janvier, les CSE de Suez ont pour leur part assigné Veolia, ainsi que Suez et Engie, en procédure accélérée devant le tribunal judiciaire de Nanterre, afin d'obtenir "les informations nécessaires à la constitution, par les instances, d'avis éclairés et motivés concernant le projet Veolia".

"Les 11 documents actuellement en possession des comités sont largement insuffisants, notamment au vu de l'ampleur et des impacts du projet", estime en effet l'intersyndicale de Suez.

Veolia affirme pour sa part avoir déjà transmis dès la mi-octobre "à la direction de Suez l'ensemble des informations et documents nécessaires à cette information-consultation", notamment tout ce qu'il a soumis en août à ses propres instances représentatives du personnel. Le groupe a aussi ouvert auprès de ses avocats un "data room", avec "une base documentaire élargie, et un accès individuel, privilégié et sécurisé à des informations qui revêtent en temps normal un caractère confidentiel lié au secret des affaires", " à disposition des experts des instances représentatives du personnel de Suez".

"Le groupe Veolia observe qu'au 15 janvier 2021, ces documents n'ont toujours pas été consultés par les experts des instances représentatives du personnel de Suez", déclare-t-il.

Le 7 janvier, Veolia a aussi adressé au conseil d'administration de Suez, et publié sur Internet, sa proposition d'offre publique d'achat pour les 70,1% du capital de sa cible qu'il ne détient pas encore.

Quelque 663 questions

Selon Franck Reinhold von Essen, secrétaire du comité d'entreprise européen de Suez, la procédure d'information-consultation prévue par l'"accord de méthode" a bien commencé chez la cible, et les 99 CSE consultés ont déjà formulé quelque 663 questions qu'ils considèrent encore sans réponse, portant sur des aspects tels que la cartographie des activités de Veolia par pays, l'existence de situations monopolistiques risquant de découler de la fusion hors de la France, les critères de choix des potentiels acquéreurs d'actifs à céder etc. Les 11 documents transmis par Veolia à Suez se fondent en outre sur le prix initialement proposé à Engie, de 15,50 euros par action, alors que le prix finalement payé et aussi fixé dans la proposition d'OPA est de 18 euros, observe-t-il: "les synergies prévues ne peuvent alors pas être les mêmes", estime le syndicaliste.

Les conditions fixées par Veolia pour la consultation de sa data room compliquent en outre l'exercice de la mission des experts des instances consultatives du personnel de Suez, juge Franck Reinhold von Essen. Il affirme que les instances représentatives de Suez ont invité le PDG de Veolia, Antoine Frérot, ainsi que quatre autre de ses dirigeants, à répondre à leurs question le 28 janvier.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 18/01/2021 à 8:32
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Ah tiens j'ai reçu ma facture d'eau de chez ceux qui veulent acheter à tout prix Suez, j'ai encore vu ma consommation baisser et ma facture augmenter, deuxième année de suite quand même hein... Ce serait bien déjà de bien faire son travail les gr...

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