Chez Veolia, Engie et Meridiam, des saisies en cours sur l'acquisition de Suez

Des huissiers et des experts informatiques ont pour mission de saisir "tout élément d'information de nature à corroborer les suspicions" de Suez, pour qui Veolia, Engie et Meridiam pourraient s'être concertés à ses dépens.
Giulietta Gamberini
Les éléments saisis seront séquestrés et ensuite dépouillés de manière contradictoire.
Les éléments saisis seront séquestrés et ensuite dépouillés de manière contradictoire. (Crédits : STEPHANE MAHE)

Article mis à jour à 19:46

Nouveau chapitre dans la bataille économique et, désormais, judiciaire qui oppose Suez et Veolia. Des saisies, menées par des huissiers et des experts informatiques, étaient en cours ce matin dans les bureaux de Veolia, Engie et Meridiam, dans le cadre de trois ordonnances rendues, à la demande de Suez, par le tribunal de commerce de Nanterre. L'information, révélée par L'Agefi, a été confirmée par Suez.

Des soupçons sur les conditions de l'opération

Les pièces obtenues pourraient permettre à Suez de lancer, auprès de ce même tribunal, plusieurs actions sur le fond. L'entreprise nourrit en effet des suspicions sur les conditions dans lesquelles Veolia a acheté à Engie, le 5 octobre, 29,9% de son capital. Elle s'appuie notamment sur la rapidité avec laquelle cette première partie du projet de fusion de Veolia -qui compte par la suite lancer une OPA sur le reste du capital de Suez- a été menée, ainsi que sur l'"absence de tout processus compétitif", qui n'étaient à ses yeux ni prévu ni avantageux pour Engie.

Malgré les dénégations des deux groupes, Suez soupçonne donc qu'un accord entre Engie et Veolia soit intervenu en amont de l'annonce, le 30 août, du projet de Veolia, voire avant même l'annonce de la décision d'Engie, le 31 juillet, de vendre sa participation dans Suez. Suez évoque également l'existence d'un accord dès le mois de juillet entre Veolia et le fonds Meridiam, auquel le premier a promis de vendre, afin de respecter la législation antitrust, les activités de Suez Eau France.

Des recherches avec des mots clés fixés par le tribunal

Ces deux axes de suspicion ont été jugés suffisamment légitimes par le président du tribunal de commerce de Nanterre, assisté par deux magistrats, pour justifier ensuite une action sur le fond. Avec les risques de préjudices découlant de la fusion mis en avant par Suez, ils expliquent pourquoi il a autorisé les saisines menées aujourd'hui, précisent les avocats de Suez, maîtres Bruno Cavalié et Jean Veil.

Ces saisines, visant à garantir le droit à la preuve, se fondent sur l'utilisation, plutôt "banale" dans ce genre d'affaires, de la procédure d'instruction autorisée par l'article 145 du code de procédure civile. Elle doit permettre de saisir "tout élément d'information de nature à corroborer les suspicions" de Suez, mais dans le cadre d'un processus bien défini par la loi et les ordonnances.

Les huissiers et les informaticiens pourront ainsi accéder aux serveurs informatiques des trois entreprises, mais seulement afin de relever les éléments reliés à des mots clés fixés -sur proposition de Suez- par le tribunal.

Un référé en rétractation contre l'ordonnance est possible

Les éléments saisis seront séquestrés et ensuite dépouillés de manière contradictoire, le juge pouvant être saisi pour trancher tout différend, expliquent les avocats de Suez. Les éléments protégés par le secret des affaires et extérieurs au dossier seront notamment retirés. La procédure pourrait prendre "plusieurs semaines ou plusieurs mois", selon le volume des documents saisis. Entretemps, Veolia, Engie et Meridiam peuvent demander un référé en rétractation contre l'ordonnance. Une possibilité face à laquelle les avocats de Suez ne se disent toutefois pas "très inquiets", en raison du caractère "soigneux" et "particulièrement motivé" des ordonnances rendues.

Interrogés sur l'opportunité de saisir également des documents détenus par les banques d'affaires ayant conseillé Veolia, voire par le ministère de l'Économie, les avocats de Suez ont répondu avoir "obtenu tout ce qui a été demandé".

Veolia dit n'avoir "rien à cacher"

Interrogé par La Tribune, Veolia a a souligné n'avoir "rien à cacher", en rappelant que la direction de Suez était au courant avant l'annonce du 31 juillet des intentions d'Engie de céder ses parts.

"Ces allégations ne feront que mener Suez dans une impasse", estime Veolia.

"Tenter de se justifier aujourd'hui pour n'avoir pas pris les annonces d'Engie au sérieux pendant un an, en prétextant que Veolia a oeuvré en amont de cette annonce, ne change rien au fait que pendant 4 semaines au mois d'août, certains ont élaboré un projet d'OPA qui permet à Suez de rester français et européen, d'autres sont partis en congés.

Nous sommes aujourd'hui quasiment 4 mois après l'annonce de la mise en vente de Suez par Engie. Et force est de constater que 4 mois n'ont toujours pas suffi au Président et au DG de Suez pour produire le début du commencement d'une proposition alternative à celle de Veolia", ajoute Veolia.

Egalement contacté par La Tribune, Engie n'a pour sa part pas souhaité réagir. Meridiam a confirmé à La Tribune que les saisies avaient bien et lieu et assuré les avoir "facilitées", en fournissant les informations demandées.

Deux autres contentieux

Cette procédure vient s'ajouter aux deux autres affaires judiciaires opposant Suez et Veolia. Un contentieux social s'est soldé le 19 novembre par un arrêt de la cour d'appel de Paris confirmant la suspension des droits d'actionnaires de Veolia le temps d'informer et consulter les salariés de Suez sur le projet de fusion. Veolia a, pour sa part, obtenu que le président du tribunal de commerce de Nanterre prononce, le 18 novembre,  une ordonnance exécutoire interdisant à Suez de rendre irrévocable une fondation de droit néerlandais créée pour empêcher toute vente de Suez Eau France. Le groupe a aussi promis d'agir en justice afin d'en faire prononcer la nullité.

| Lire: Pourquoi la fondation créée par Suez reste le casse-tête principal de Veolia

Giulietta Gamberini

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 27/11/2020 à 8:40
Signaler
L'oligarchie se déchire pour les bonnes grosses rentes bien juteuses, normal en tant de crise.

à écrit le 26/11/2020 à 17:20
Signaler
Il n'y aurait aucun problème si le Service de l'eau était confié à une Société Nationale. Idem pour l'Electricité, le Gaz... Quand les vautours se déchirent pour une carcasse, c'est qu'il reste encore beaucoup à gratter sur la carcasse. La carcasse ...

à écrit le 26/11/2020 à 16:16
Signaler
Il n'y a pas besoin de faire d’enquête quand on vend quelque chose on se rencontre pour négocier.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.