Décarboner l'économie européenne pour éviter la prochaine grande crise bancaire

OPINION. Le souvenir de l'année 2008 et la crise des subprimes dont elle fut le théâtre commence à s'éloigner. Mais on aurait tort de croire que les mesures prises par les gouvernements et les institutions financières dans la dernière grande tempête financière en date aient définitivement réglé la question de la fragilité du système bancaire global. Par Marie Toussaint, eurodéputée écologiste et candidate des écologistes aux élections européennes de 2024 ; Stéphanie Dembak-Dijoux, Directrice-Conseil Institutions financières et candidate Écologiste aux élections européennes et Michael Vincent, économiste.
Marie Toussaint, Stéphanie Dembak-Dijouxet Michael Vincent
Marie Toussaint, Stéphanie Dembak-Dijouxet Michael Vincent (Crédits : DR)

Régulièrement, l'actualité économique nous administre une piqûre de rappel : en mars 2023, les banques américaines SVB et FRB partaient au tapis. En Europe, c'était le Credit Suisse, vénérable institution fondée au XIXe siècle, qui faisait faillite.

Fossiles, les nouveaux subprimes

D'où partira la prochaine tempête financière ? Selon les résultats d'une étude publiée le 13 mars dernier dans la revue Nature, notre incapacité à enrayer la crise climatique déboucherait sur la pire crise financière que le monde ait connue, avec des dommages potentiels évalués à 25.000 milliards de dollars par an jusqu'en 2060. La traduction en termes de faillites bancaires en cascade n'est pas difficile à deviner.

La question bancaire est donc centrale, car l'Europe est aujourd'hui dépendante de ses grandes banques pour le financement de son économie. Or, ces banques financent encore largement les activités néfastes au climat et à l'environnement. Le financement de la transition est un bloc : il ne suffit pas d'augmenter les financements verts, il faut également dépolluer la finance dans son ensemble, autrement dit désinvestir pour ne pas altérer de la main droite les progrès financés par la main gauche.

Dans le mouvement de réencastrement de l'économie dans les limites planétaires que nous devons engager collectivement, les entreprises fossiles dont l'intérêt immédiat rime avec inaction climatique pourraient bien jouer le rôle peu enviable de nouvelles subprimes.

Un secteur bancaire exposé au risque climatique

L'échec de la transition écologique ferait exploser le risque de crises bancaires. Les ONG et les économistes tirent régulièrement la sonnette d'alarme. La Banque Centrale européenne - peu soupçonnable de biais partisan - ne dit pas autre chose : pour les banques, « échouer à planifier sa transition [bas carbone], c'est planifier son échec ».

La BCE révèle en outre que les portefeuilles des banques européennes sont très loin d'être alignés avec objectifs des accords de Paris. Avec à la clé des risques très concrets : 9 banques sur 10 sont exposées à des risques financiers significatifs, principalement à cause d'une forte exposition aux producteurs d'énergies à la traîne sur la sortie du fossile ; 7 banques sur 10 sont aussi exposées à un risque juridique significatif dans la mesure où elles se sont engagées publiquement à respecter les objectifs des accords de Paris, mais que les actes ne suivent pas.

Le danger est que l'inaction des banques débouche sur des défaillances, et que pour éviter l'effet domino, la puissance publique finisse par être contrainte de se lancer dans une opération de sauvetage pour éviter la crise financière de grande ampleur... et donc de sauver des banques et des investisseurs qui soutenaient jusqu'alors des activités climaticides, en contradiction avec l'intérêt général le plus évident. Pour enrayer cette mécanique perverse, il est urgent de nous sevrer de notre dépendance aux actifs « bruns », et donc de sortir de la finance européenne des actifs carbonés, en mettant en place des ratios stricts : toute détention d'un actif brun doit être articulée avec la détention de 6 actifs verts afin d'inverser les équilibres en matière de gestion d'actifs par les banques et acteurs financiers.

Dépolluer la finance

Les outils sont nombreux pour guider les crédits des banques afin de soutenir les projets verts et pénaliser les projets bruns (carbonés ou toxiques) : obligation pour les banques de mettre en place un plan de transition ambitieux et contraignant pour sortir du carboné, taux différenciés, achats d'actifs par la BCE, ratios prudentiels et politique de collatéraux verts pour les banques, facilités de refinancement pour les projets verts... Dépolluer la finance, les citoyennes et citoyens ne demandent que cela : que leurs économies travaillent à la transition écologique, pouvoir investir pour un futur désirable et prospère. Les banques se doivent d'être au rendez-vous, non pas seulement pour l'écologie, mais aussi, plus égoïstement, pour leur survie !

Réencastrer l'économie dans les limites planétaires, et particulièrement en Europe, passe nécessairement par les banques, auxquelles nous avons pour le meilleur et pour le pire délégué la création monétaire et le financement de l'économie. Et si venir au chevet des institutions bancaires est un mal parfois nécessaire pour calmer des marchés qui jouent à se faire peur - cela ne peut plus se faire sans passer par l'intégration d'une trajectoire climatique soutenable.

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Commentaires 2
à écrit le 18/04/2024 à 16:49
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mais le public scientifique bien informé n'ignore pas que le réchauffement climatique que nous subissons provient essentiellement d'une augmentation de l'activité solaire ! Oui, le soleil nous chauffe davantage et on ne peut rien y faire ! De plus, l...

à écrit le 18/04/2024 à 9:50
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Ça ne sert à rien sans éliminer la corruption de notre classe politico-financière qui est de loin la première hémorragie d'argent public en UE faites pour ça me direz-vous certes mais quand même hein, nous en agonisons de leur cupidité maladive. Prin...

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