Télécoms en France : les prix vont augmenter, c'est une bonne chose

La France est toujours le pays le moins cher dans le domaine des télécoms mais un mouvement haussier commence, et c'est une bonne chose. Par Charles Cuvelliez, chargé d'enseignement à l'Ecole Polytechnique de Bruxelles (ULB)

L'étude internationale du régulateur belge des télécommunications pour évaluer les prix chez lui par rapport à ses voisins a montré à nouveau la performance française au niveau des prix (qui se mettent toutefois à monter) et elle est confirmée par le comparatif annuel des prix d'Internet mobile[1] de la Commission Européenne. Mais à l'aube de la 5G et de l'Internet des Objets, des prix trop bas pourraient dissuader un secteur de lancer des applications innovantes si personne n'est prêt à payer pou.r

Le régulateur belge a comparé 6 pays, France, Luxembourg, Pays-Bas, Grande -Bretagne, Belgique et Allemagne. Pour les abonnements mobiles, la France décroche la position du pays le moins cher avec en moyenne 6 EUR/mois à payer (jusqu'à 100 min par mois et 50 MB de données) quand on appelle peu et qu'on utilise peu Internet mobile. L'Allemagne est le plus cher avec 25 EUR/mois en moyenne. Dès qu'on fait usage des données par mobile, la France reste bien placée avec 14 EUR/mois pour 120 minutes d'appel et 200 MB de données. A partir d'1 GB et 300 minutes d'appel, la France remonte à la troisième place derrière les Pays-Bas et l'Allemagne. Le régulateur belge a constaté que les prix en France ont augmenté de 10 % pour une utilisation légère et de 23 % pour une utilisation lourde de son mobile.

Carte prépayée, pas intéressante en France

Pour des cartes SIM destinées uniquement à Internet mobile, la France reste la meilleure: entre 2 GB et 5 GB, cela ne coute que 10 EUR en moyenne en France contre 20 EUR aux Pays-Bas et en Allemagne. Entre 5 GB et 10 GB, le Luxembourg est à peine meilleur que la France qui ne demandera que 21 EUR/mois en moyenne.

Par contre, il ne fait pas bon d'être un utilisateur de carte prépayée en France : excepté pour le profil de gros utilisateur d'appel vocaux (100 minutes/mois) sans données, la France est dans le top 2, à en croire l'étude.

Pour les packs, la France véritable ovni tarifaire

Dès qu'on examine les packs, où la France fait toujours figure d'OVNI tarifaire, le pays truste la position de pays le moins cher. Un dual play téléphone fixe-Internet (débit entre 20 Mb/s et 100 Mb/s) revient en France à 34/37 EUREUR contre 45 EUR en Belgique et même 57 EUR dès qu'on se met à appeler. Sans surprise, le triple play (Internet-TV- téléphonie fixe) consacre la France comme le moins cher avec un prix moyen de 44 EUR contre 57 EUR et 69 EUR par mois pour les Pays-Bas et la Belgique. L'étude note toutefois que la différence entre la France et les autres pays s'estompe. Sur le quadruple play, avec téléphonie mobile incluse, la France est toujours n°1 si on prend un profil d'utilisation de 100 minutes et 500 MB par mois, et un débit d'internet fixe entre 30 et 100 Mb/s.

Autre constat intéressant : au-dessus de 100 Mb/s, la France ne semble pas changer ses prix tandis que les autres pays appliquent une sorte supplément pour une telle vitesse. La France est alors imbattable.

Le marché unique est encore loin

Quant au comparatif de la Commission sur l'internet mobile, elle montre que le marché unique est encore loin; il y a une grande disparité des prix entre Etats membres, surtout pour les niveaux élevés de consommation. C'est un problème car dans 6 mois, le roaming disparait et la tentation sera forte d'importer des cartes SIM de pays pas chers vers des pays chers pour y roamer en permanence. L'usine à gaz qu'a proposée la Commission le 12 décembre dernier pour éviter le roaming permanent montre de la nervosité qui règne à Bruxelles d'ouvrir la boîte de Pandore

Dans son étude, la commission prend 6 profils de consommation entre 500 MB et 20 GB par mois pour un laptop, entre 250 MB et 10 GB pour les tablettes et entre 100 MB et 4 GB pour les smartphones en y incluant de manière progressive, dans ce dernier cas, une certaine quantité d'appels voix et de SMS.

Pour les smartphones, les pays les moins chers sont le Danemark, l'Italie, la Lettonie et la Grande Bretagne comme en 2015 mais l'Autriche et la Suède les ont rejoint. Les pays les plus chers sont la Bulgarie, de la Hongrie et de Malte. Pour les profils tablettes et laptops, le Danemark, l'Autriche et la Suède performent le mieux mais on y trouve aussi la Pologne et l'Estonie.

Un prix peu élevé c'est bien mais c'est mieux si ce prix est une part négligeable de ses revenus. Là aussi, il y a une forte dispersion : en Bulgarie et en Hongrie, plus de 7 % du revenu mensuel est dépensé dans l'internet mobile via smartphones avec des profils de consommation de 1, 2 ou 4 GB. C'est beaucoup. En Autriche et au Danemark, on en est à 1 .5 % . En moyenne, on dépenserait en Europe entre 1.7 % et 3.1 % de son revenu pour l'Internet mobile (entre 0.5 % et 2.5 % pour les tablettes). C'est l'Italie qui combine les meilleures performances en termes de prix peu élevés et une faible part du revenu mensuel qui y est consacré.

Inciter à consommer plus

Plus on consomme, plus le prix augmente mais on en a plus pour son argent : le coût par GB quand on passe au forfait supérieur diminue de 20 à 45 %. On incite les utilisateurs à passer à la tranche supérieure mais, constate aussi la Commission, si la consommation ne correspond pas aux forfaits de son opérateur, le gain au prix/GB est moins marqué.

La bonne nouvelle est qu'entre 2015 et 2016, les prix ont diminué pour tous les profils dans l'Union européenne. C'est pour le profil avec 2 GB, 180 min et 350 SMS que le prix moyen a le plus diminué : de 14 %. Mais les pays qui étaient vraiment les moins chers n'ont pas continué leur baisse en 2016. C'est le cas de la France. Autre constat intéressant, plus la pénétration est importante, plus les prix sont faibles.

Et la France ?

Le pays reste toujours, pour la Commission, un champion: quel que soit le profil, les prix moyens français sont moins chers de l'ordre de 22% pour les tablettes, 32 % pour les laptops et 33 % pour les smartphones. Par contre, ces prix des pays les moins chers ont augmenté de 8 % entre 2015 et 2016, à une exception près pour les smartphones alors qu'ailleurs, en Europe, les prix ont décru de 7 %. Les prix français ont augmenté de 5 % (pour les laptops) et de 14 % (pour les tablettes). Là aussi, c'est un évolution en sens contraire à l'Europe où les prix ont diminué de 3 %. Free propose toujours, pour les smartphones, l'offre la moins chère mais les différences de prix avec ses concurrents restent limitées, dit la Commission sauf pour le profil à 4GB. Inversement, pour les offres avec 512 MB et 1 GB d'utilisation, Free n'est plus que n°3 et n°2 mais reste très proche du moins cher. SFR était à la date de la photographie le plus intéressant pour les utilisateurs intensifs qui ont besoin d'au moins 10 GB. C'est pour les offres à 2 GB de données mobiles qu'Orange est le plus attractif.

Mauvaises performances en bourse

La guerre des prix n'est qu'un facteur dans la piètre performance en bourse en 2016 du secteur : -16 % pour l'indice du STOXX Europe 600 télécoms : la consolidation du secteur a été douchée un peu partout en Europe par une attitude intransigeante de la Commission (O2 et Hutchison en Grande-Bretagne) quand ce n'est pas au niveau national (Bouygues et Orange sous l'influence de E. Macron), la fin du roaming en juin 2017 diminue un peu plus les revenus, ce qui est très visible lorsqu'il n'y a pas de croissance. C'est injuste : les télécoms ont des clients qu'ils connaissent bien, ont des actifs et la digitalisation de la société sont un relais de croissance qu'Orange a compris avec le lancement d'Orange Bank. Tout ceci est mauvais pour les investissements dans la 5G et dans l'Internet des objets, la meilleure couverture des zones blanches plaide pour la deuxième option. En tout cas, en jouant sur les prix, les opérateurs seront forcément frileux pour lancer de nouveaux services innovants si le niveau tarifaire ne leur permettra pas de les monétiser.

Pour en savoir plus :

Mobile Broadband prices, Prices as of February 2016, FINAL REPORT, A study prepared for the European Commission DG Communications Networks, Content & Technology

Étude comparative du niveau des prix des produits de télécommunications en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, au Luxembourg et au Royaume-Uni [Tarifs du mois d'août 2016], IBPT, Décembre 2016

[1] Date de la photographie des prix: février 2016

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Commentaires 7
à écrit le 09/01/2017 à 16:17
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on croit rêver ! c'est vraiment pas sérieux !

à écrit le 09/01/2017 à 13:51
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Toutes ces hausses sont les bienvenues:elles contribuent a l'inflation qui rabote discrètement notre dette

à écrit le 09/01/2017 à 12:19
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ah ben zut alors, quand la France est plus chère il faut baisser les prix, et quand elle est compétitive il faut qu'elle s'aligne aussi... De même on pourrait peut-être aligner les loyers français sur les allemands, tant qu'on y est, l'argent dégagé...

à écrit le 09/01/2017 à 12:18
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Nos salaires et retraites, stagnants, ne permettent pas de payer et/ou consommer plus. Tous ces pseudo-experts sont-ils au courant de la vraie vie de millions de gens ?

à écrit le 09/01/2017 à 11:53
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Sans Free (et les autorités politiques qui ont permis son arrivée comme 4è opérateur), les trois autres se goinfreraient encore sur le dos des utilisateurs.

le 09/01/2017 à 12:29
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Exactement. Free a 'libéré' le marché du mobile (et de l'ADSL internet avant ça)

à écrit le 09/01/2017 à 11:46
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Augmentation des prix, diminution de la demande. Oui économiquement il vaut mieux payer les produits plus chers pour que toute la filière en profite, sauf la finance, vu qu'elle défiscalise ses milliards ailleurs elle n'apporte aucune richesse da...

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