Une battle de rap entre le bitcoin et la banque centrale américaine (feat. Bruno Le Maire)

LA CHRONIQUE « POUVOIR.S » - Plutôt vertical ou horizontal ? Législatif ou participatif ? Antique ou technologique ? Individuel ou collectif ? Une chronique d'actualités pour épingler tous les pouvoirs; ceux qui se transforment et les nouveaux qui tentent de voir le jour dans des sociétés occidentales en quête de renouvellement démocratique.
Jeanne Dussueil
(Crédits : Reuters)

Pour inaugurer une nouvelle rubrique - sobrement intitulée « Pouvoirs », au pluriel -, à une époque où les raz-de-marées technologiques d'aujourd'hui terrassent régulièrement les certitudes d'hier, rien de mieux qu'un clip de rap 'made in Silicon Valley' publié cette semaine sur YouTube. Produit par Reid Hoffman, le co-fondateur du réseau Linkedin, l'oeuvre musicale et humoristique met en scène une confrontation improbable entre deux visionnaires de l'économie.

D'un côté, en costume d'époque et punchlines de rappeur, Alexandre Hamilton, le père de la première banque des États-Unis, fraîchement indépendants du joug britannique et figure du fédéralisme à l'américaine. De l'autre, Satoshi Nakamoto, l'architecte (anonyme) de la crypto-monnaie bitcoin qui publia le livre blanc de cette nouvelle technologie d'échange basée sur la blockchain en 2009, un an après la crise financière. Leurs "beats" s'enchainent sur fond d' : « argent centralisé des banques VS argent géré par l'individu libéré ».

Du beat-coin

En 5 jours, le clip flirtait avec les 600.000 vues devenant déjà un hit sur les terres du Seigneur Google.

Or, la même semaine, en France, nous produisions un autre moment youtubesque. Mardi 10 septembre, devant la commission du Sénat chargée d'enquêter sur la souveraineté numérique de la France, Bruno le Maire remontait, tel un gladiateur, dans l'arène des GAFA. Notre ministre de l'Économie, en live sur Public Sénat et en replay sur Twitter, défend corps et âme la souveraineté des États et leur protection monétaire, mettant ainsi en garde le géant Facebook et ses crypto-fantassins de la Libra-rmée.

Lire aussi : Bruno Le Maire favorable à une monnaie numérique publique

Face à la nouvelle crypto-parabole de Mark Zuckerberg, l'ancien professeur de Lettres modernes prévient, au nom des Français : « Nous ne pouvons pas accepter qu'une entreprise privée se dote des instruments de la souveraineté d'un État. Je propose que nous engagions une réflexion sur la création d'une monnaie numérique publique ». Mousquet au poing, voix de la finance sans cryptage, Bruno Le Maire est notre Alexandre Hamilton des temps modernes face aux envahisseurs.

Sa story ministérielle plafonnait alors à un peu plus de 7.400 vues, près de cent fois moins que le duo de rappeurs qui, soyons honnête, ratisse le temps d'attention disponible sur l'immense Web anglophone.

Le pouvoir de battre monnaie au nom des citoyens

Il n'empêche; au même moment, sur le volet crypto-monnaie, un élu de la République se télescope avec un clip venu de la la token-culture sauce hollywoodienne, rappelant une autre mise en scène rap, celle faisant se déhancher l'économiste Friedrich Hayek face à John Maynard Keynes (6,8 millions de vues).

Sauf que cette fois-ci, les débats sont un peu plus corsés : il ne s'agit plus seulement d'opposer redistribution keynésienne via des politiques d'endettements, au marché libre avec la sacro-sainte propriété privée. Désormais, il faut protéger un pouvoir détenu par les Etats et menacé par la technologie décentralisatrice de la blockchain ; celui de battre monnaie.

Facebook avec le Libra, Yahoo! avec la plateforme Taotao, Amazon et des rumeurs autour d'une crypto-monnaie en propre, Google et ses recherches "crypto-friendly".... même la Chine communiste a annoncé cet été, en réponse au Libra, qu'elle allait lancer son "crypto-yuan". Aussi, pour les régulateurs, pire qu'un air de rap, c'est un refrain lancinant - qu'on ne comprend pas bien en raison de la complexité du texte -, mais dont on n'arrive plus à se libérer, tel un "Pook-Pookie" d'Aya Yakamura (« Bébé fait du sale, allô allô allô. Million d'dollars, bébé tu vaux ça... » fin de citation).

D'ailleurs, les gouvernements ont beau multiplier les mises en garde, les GAFA gardent la maîtrise du tempo. Face aux cris d'orfraie sur la volatilité des crypto-actifs et sur leur incapacité à faire partie du quotidien des citoyens, Reid Hoffman oppose :

En tant qu'investisseur et technophile, je m'intéresse aux cypto-monnaies pour trois raisons : comme un actif, comme une monnaie d'échange et comme une plateforme pour des nouveaux services financiers et applications », explique dans un billet Medium celui qui s'est offert pour ce clip engagé le rappeur américain Gift of Gab, deux Youtubeurs stars (EpicLloyd et Timothy DeLaGhetto).

Lire aussi : Pour la BCE, le Libra de Facebook pourrait nuire à l'euro

Le pouvoir de la communauté

« Bitcoin fête son dixième anniversaire cette année et avec lui les valeurs des crypto-monnaies dans leur ensemble qui progressent à nouveau après une période de déclin (selon plusieurs experts, le bitcoin est "entrée en résistance", avec un cours qui reprend sa progression au-delà des 9.100 euros NDLR)  », entonne encore le parrain qui a siégé aux conseils d'administration de modestes entités tels le fonds d'investissement Greylock Venture, Microsoft, Airbnb, Aurora, ou les jeux sociaux Zynga.

A ses abonnés, Reid Hoffman leur donne le pouvoir de voter et de partager un avis sur Twitter.

« A qui donneriez-vous la victoire de cette battle de rap ?», interroge-t-il sur les deux protagonistes auxquels on pourrait donc rajouter tel un featuring musical Bruno Le Maire et Mark Zuckerberg. Ils ont voté à 72% pour Satoshi, contre 28% pour Hamilton, comme l'a noté Cryptoslate. Et Vous ?

  • Alexandre Hamilton (la banque)
  • Satoshi Nakamoto (bitcoin, les crypto-monnaies)
  • Bruno Le Maire, (ministre français de l'Économie)
  • Mark Zuckerberg, (Libra de Facebook)

Bonus Pouvoirs (de chanter) » : les paroles du clip «Hamilton VS Satoshi »

Hamilton :


Before we begin, everyone do me a favor
And read a little thing I wrote called the Federalist Papers
I explain how a nation's unlikely to survive
Without a strong central government to keep it alive
When I launched the central bank, Jefferson called me ill
Now you have my face to thank on every ten dollar-bill
When America was cash-strapped, I pushed past that
Now some sicko makes crypto and our nation backtracks?

...

Jeanne Dussueil

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Commentaire 1
à écrit le 12/09/2019 à 9:11
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"Le pouvoir de battre monnaie au nom des citoyens" C'est faux il ne faut pas rêver MZ cherche d'abord et avant tout à gagner beaucoup d'argent mais l'impasse qu'a généré l'oligarchie financière mondiale en s'accaparant tous les revenus du monde p...

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