Cela semblait inévitable : la purge de Twitter par Elon Musk touche aussi Twitter France. Damien Viel, le directeur général de la branche française depuis juillet 2015, a annoncé dimanche soir quitter ses fonctions. « C'est fini », a-t-il tweeté. « Quelle aventure ! Quelle équipe ! Quelles rencontres ! Merci à tous pour ces 7 années incroyables et intenses », a-t-il poursuivi, tout en reprenant les mêmes hashtags utilisés par les nombreux employés qui quittent le navire depuis qu'Elon Musk en a pris la direction le 28 octobre dernier. L'ancien directeur commercial de YouTube Europe du Sud, également passé par des entreprises dans les secteurs de la publicité et du marketing, n'a pas indiqué si son départ est lié à l'ultimatum lancé par Elon Musk jeudi dernier.
D'après une information de BFMTV, les bureaux de Twitter France ne ferment pas malgré le départ de Damien Viel. Notamment car la France compte de nombreux annonceurs dans le secteur du luxe, et que les revenus de Twitter dépendent à plus de 90% de la publicité. Par contre, comme aux Etats-Unis et dans d'autres pays, il n'y a plus de service communication en France. C'est Elon Musk lui-même qui remplit ce rôle, directement sur Twitter.
Sous Elon Musk, Twitter est devenu une autocratie au service de l'alt-right
L'entrepreneur multimilliardaire concentre en fait tous les pouvoirs : dès sa prise de poste en tant que directeur général, il a renvoyé la précédente direction, dissous « provisoirement » le conseil d'administration, et prend seul toutes les décisions stratégiques, à l'image de l'abonnement à 8 dollars par mois Twitter Blue, qui s'est révélé être un fiasco puisqu'il a dû arrêter son déploiement à cause des abus prévisibles. Elon Musk a également sorti Twitter de la Bourse, ce qui signifie que le réseau social n'a plus d'obligations légales de transparence. D'où la suppression des services de communication et de presse partout dans le monde. Elon Musk claironne ainsi régulièrement que Twitter bat des records d'utilisation... mais quel crédit donner à ses paroles ? D'autant plus que l'entreprise Bot Sentinel, qui traque les comportements sur Twitter par l'analyse quotidienne de 3,1 millions de comptes, a estimé que 875.000 utilisateurs ont désactivé leur compte.
Ce week-end, Elon Musk a également décidé seul du retour du compte de l'ancien président Donald Trump, banni l'an dernier en raison de son utilisation active de Twitter pour encourager ses partisans à manifester devant le Capitole, ce qui a conduit à une émeute le 6 janvier 2021 qui a causé plusieurs morts. Il avait pourtant indiqué en octobre que toute décision concernant la réintégration des personnalités bannies serait prise par un nouveau comité d'éthique trans-partisan...
A la place, le nouveau patron de Twitter a simplement posté un sondage sur son compte aux 118 millions d'abonnés, intitulé « Réintégrer l'ancien président Trump ». 52% des 15 millions de votants ont voté pour sa réintégration. « Le peuple a parlé. Trump va être réintégré. Vox populi, vox dei » a donc tranché Elon Musk, dans la plus pure tradition populiste, confondant la démocratie avec un sondage en ligne sans aucune méthodologie.
Une énième preuve de la dimension politique du rachat d'Elon Musk. Malgré ses affirmations d'impartialité, le multimilliardaire défend une vision de la liberté d'expression absolue seulement partagée par la frange la plus extrême du parti Républicain (alternative right ou « alt-right »), par des anarchistes et par des libertariens de la Silicon Valley. Depuis sa prise de fonction, il a aussi ouvertement incité ses followers à voter Républicain lors des élections de mi-mandat. Ses premières décisions montrent enfin qu'il applique un agenda populiste et anti-élites qui résonne là encore avec le programme de l'alt-right, à l'image de l'abonnement Twitter Blue, qui a pour conséquence principale de diluer la parole des médias dans une jungle de nouveaux comptes certifiés qui ont toute latitude pour publier les « faits alternatifs » de leur choix.
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