Rachat de Fitbit : Google à nouveau dans le viseur du régulateur américain

Début novembre, Google s'est offert le géant des montres connectées Fitbit pour 2,1 milliards de dollars. Dans l'opération, il met également la main sur des millions de précieuses données de santé des utilisateurs. De quoi attirer l'attention du département de la justice des Etats-Unis, qui vient de décider d'ouvrir une enquête.
François Manens
Avec Fitbit, Google met la main sur des appareils capables de générer de précieuses données de santé, en temps réel.
Avec Fitbit, Google met la main sur des appareils capables de générer de précieuses données de santé, en temps réel. (Crédits : Brendan McDermid)

Et un dossier de plus pour le régulateur américain ! Encore une fois, l'enquête antitrust vise un géant de la tech, Google. Début novembre, l'entreprise californienne a acheté le fabriquant d'appareils de santé grand public Fitbit, pour 2,1 milliard de dollars. Google était déjà présent sur le marché des objets connectés de santé avec son interface logiciel WearOS, et pourra désormais également proposer des produits qui iront de paire. L'objectif : tirer son épingle sur un marché dominé par Apple, dans lequel Samsung, Garmin, Xiaomi ou encore Withings tentent aussi de récupérer des parts de marché.

Cependant, si la transaction attire l'œil des régulateurs, ce n'est pas pour ces considérations autour des produits, mais plutôt pour les enjeux liées aux données que pose l'opération financière. Les données de santé sont particulièrement sensibles -elle font l'objet de précautions spécifiques dans le Règlement européen de protection des données (RGPD)- et les savoir dans les mains d'un géant de la tech champion mondial de l'exploitation des données des internautes, attise les méfiances.

Trop de données pour rassurer

En se saisissant de l'affaire, les régulateurs font échos aux alarmes tirées par les groupes de défense d'intérêt des consommateurs comme Public Citizen ou Center for Digital Democracy.

"Grâce à son vaste portefeuille de services en ligne, Google en sait plus sur nous que n'importe quelle autre entreprise, et elle ne devrait pas être autorisée à rajouter encore une autre façon de surveiller nos moindres mouvements", écrivent les organismes, dans leur lettre adressée à la FTC.

Les montres connectées et autres moniteurs d'activité physique de Fitbit permettent de mesurer le nombre de pas faits quotidiennement, le nombre de calories absorbées ou encore le pouls. Autant de données qui, bien utilisées, permettent de dégager des tendances et de proposer des conseils ou service personnalisés, en santé comme dans d'autres domaines. Justement, Google, avec sa puissance de feu en intelligence artificielle et ses volumes de données gigantesques, pourrait tirer profit de leur usage. Mais le géant a tenté de rassurer les consommateurs dès l'annonce du rachat, avec la promesse de ne pas utiliser les données de ce service de santé pour ses autres verticales.

"Nous serons transparents sur les données que nous recueillerons et pourquoi nous le ferons", promettait Rick Osterloh, responsable du développement des produits chez Google, dans un communiqué. "Les données de santé et de bien-être de Fitbit ne seront jamais utilisées pour les publicités Google. Et nous donnerons aux utilisateurs de Fitbit le choix de vérifier, déplacer ou supprimer leurs données".

Le département de la justice des Etats-Unis en relais de la FTC

Selon la loi américaine, les dossiers de fusions-acquisitions doivent être soumis à la fois à la Federal Trade Commission (FTC) et au département de la justice des Etats-Unis (DOJ), les deux autorités antitrust. Mais seule une des deux examine les dossiers.

Alors que ces derniers mois, la FTC a ouvert plusieurs dossiers sur les poids lourds de la Silicon Valley, au point de créer une division spécialisée sur le secteur technologique, c'est le DOJ qui mènera cette enquête sur Fitbit. Et pour cause : il mène déjà une enquête plus large sur Google, à la recherche de preuves de ses potentielles pratiques anti-concurrentielles.

"La façon dont le DOJ va gérer le cas Fitbit donnera un avant-goût des conclusions de l'enquête sur Google", évoquent des membres de l'institution citées dans le New York Post.

Mais Google ne part pas battu puisqu'il est parvenu à montrer patte blanche dans une situation proche, le mois dernier. Le département de la justice a levé ses soupçons sur le rachat de Looker Data pour 2,7 milliards de dollars par l'entreprise californienne. En revanche, sa volonté d'accélérer sur le marché de la santé rencontre d'autres résistances : au début du mois, l'annonce de son partenariat avec un organisme de santé américain avait provoqué une levée de bouclier des parlementaires.

François Manens

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