Le patron d'Arcelor Guy Dollé s'est engagé aujourd'hui, lors d'une conférence professionnelle à New York, à "améliorer" les conditions de l'accord avec le russe Severstal, au terme duquel ce dernier doit entrer dans le capital du groupe sidérurgique européen. "Je suis confiant dans le fait qu'elle va être améliorée puisque nos actionnaires ont fait part de leurs inquiétudes", a-t-il déclaré. Guy Dollé a par ailleurs reconnu que les actionnaires d'Arcelor exerçaient actuellement "un peu de pression" sur la direction du groupe.

En effet, les temps sont durs pour Arcelor. La stratégie du sidérurgiste européen pour contrer l'offre hostile de Mittal a connu plusieurs ratés ces derniers jours. L'Association des actionnaires minoritaires (Adam), présidée par Colette Neuville - porteuse de quelque 2,5% du capital d'Arcelor - a, comme promis, porté un recours en justice contre le groupe européen ce matin. Elle demande le report d'une assemblée générale d'actionnaires programmée le 30 juin, destinée à approuver l'alliance entre Arcelor et Severstal. Avec d'autres actionnaires minoritaires, l'Adam s'oppose à ce mariage, annoncé le 26 mai.

L'Adam est épaulée dans son recours en justice par quatre fonds d'investissement anglo-saxons qui montent et descendent régulièrement au capital d'Arcelor jusqu'au seuil de 1%. "Les plaignants disent ne pas disposer des éléments nécessaires pour assister à cette assemblée" et ne disposent pas notamment "d'un prospectus sur l'offre de Severstal ni d'un plan d'affaires", a indiqué le président du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, Pierre Gehlen.

L'annonce de l'Adam intervient après la déconvenue qu'a connue hier Arcelor. Le sidérurgiste européen a dû repousser sine die une assemblée générale extraordinaire qui visait à entériner un rachat d'actions (OPRA) de 6,5 milliards d'euros mis sur pied pour convaincre ses actionnaires de ne pas vendre leurs titres à Mittal. Officiellement, le sidérurgiste a justifié cette décision par le désir de ne pas mettre à mal les discussions avec Mittal. L'annonce a cependant été faite après la montée hier à 7,4% du capital de Romain Zaleski, contre 5% précédemment. Aujourd'hui, le financier a d'ailleurs annoncé avoir atteint les 7,59% de participation. Ce dernier s'est prononcé contre l'OPRA. En fait, le report semble être le résultat d'une fronde d'actionnaires. Une partie d'entre eux seraient en effet mécontents que le rachat d'actions permette à Severstal de monter mécaniquement de 32,2% à 37,5% dans le capital d'Arcelor.

"La décision d'Arcelor d'abandonner sa proposition d'offre publique de rachat d'actions confirme notre opinion que l'OPRA faisait entièrement partie du projet" de rapprochement Severstal-Arcelor, que Mittal dénonce, a souligné le groupe sidérurgique d'origine indienne. Cependant, l'issue de ses discussions avec Arcelor, qu'il cherche à acquérir, reste "incertaine", malgré le report par son concurrent de son projet de rachat massif d'actions.

Mittal a également déclenché une campagne de communication agressive pour montrer que l'assemblée générale du 30 juin prochain qui doit voter sur le rapprochement Arcelor-Severstal n'est pas démocratique. Le sidérurgiste s'est en effet offert aujourd'hui une pleine page de publicité dans une bonne partie de la presse quotidienne nationale française ainsi que dans le Financial Times, le Wall Street Journal et l'International Herald Tribune. Cette opération de communication est soutenue par un industriel français de poids: François Pinault. Dans un entretien accordé au Figaro, l'homme d'affaires breton s'insurge contre la direction d'Arcelor, accusée de "vider les caisses du groupe et de le livrer au russe Severstal sous la forme d'une prise de contrôle rampante".