Réformer le contrat de travail : le contrat "at will", la liberté surveillée ?

Les entrepreneurs ne cessent de réclamer l'allègement des contraintes qui pèsent sur les contrats de travail. Notre contributeur, l'avocat Philipe Manteau, revient sur le droit du travail américain, finalement pas si libre que ça....
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Allons, un peu d'audace, pourquoi ne pas s'aventurer - à contre-courant - vers les rives du Nouveau Monde pour s'inspirer de certaines formules en droit du travail américain, même si l'expression « droit du travail américain » semble être, à elle seule, un oxymoron aux yeux de nos compatriotes français...

 

Le fil directeur des relations de travail aux Etats-Unis est la grande liberté juridique d'embauche, de démission et de licenciement, pour quelque raison que ce soit: c'est le concept du contrat de travail « at will ».

 

Cette liberté est toutefois tempérée par deux facteurs très importants: le droit constitutionnel et la nature même du système judiciaire américain.

 

Le droit constitutionnel

 

Un employeur ne peut discriminer à l'embauche en raison de l'origine ethnique, des idées, de l'âge, du sexe ou de l'orientation sexuelle du candidat. De la même manière, un employeur ne peut licencier un salarié en fonction de ces critères. Les tribunaux sont sévères, la jurisprudence en est le témoin, les sanctions dans le cadre de procédures de licenciement abusives peuvent coûter plusieurs millions de dollars à l'employeur, qui doit alors octroyer des dommages dits « punitifs » au demandeur.

Pour éviter ce « cauchemar judiciaire », l'employeur doit certes être averti des risques en amont mais également joindre un Protocole Transactionnel au Contrat de Travail, dont les termes seront acceptés à l'avance par le salarié et au titre duquel, moyennant une somme négociée entre les parties, le salarié renonce à poursuivre la société en justice à l'issue de la relation de travail.

Le pouvoir des avocats et du jury

 

Au pays de la liberté, l'employeur qui n'encadre pas les points-clefs de la relation de travail avec ses salariés, soit via un « Employee Handbook » (sorte de Règlement Intérieur), soit via un Contrat de Travail - fortement recommandé pour les cadres - se retrouve à la merci, non pas du juge «arbitre des élégances » mais des jurés populaires, qui sont compétents pour juger les relations et conflits entre employeurs et salariés et des avocats qui « mènent la danse ».

Autant dire qu'il vaut mieux rédiger de façon très précise les clauses de confidentialité, d'invention, de non-sollicitation, de non-concurrence, de préavis, ainsi que celles ayant trait aux indemnités contractuelles de lipcenciement (si les parties sont convenues de telles protections), etc...

 

En conclusion, certes la liberté prime aux Etats-Unis, mais il est fort recommandé de l'apprivoiser. In fine, on redécouvre les vertus du « bon vieux contrat de travail » à l'européenne, sauf que les parties bénéficient de plus de souplesse et de flexibilité dans la négociation et l'encadrement contractuel de leurs relations professionnelles. Le droit américain du travail, pour schématiser, c'est un peu un mélange de droit constitutionnel et de droit commercial...


*Philippe Manteau est Avocat-Associé chez
Schiff Hardin LLP et Co-Leader du Département Clients Internationaux du Cabinet. Il est Membre des Barreaux de New York et de Paris.


 

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Commentaires 3
à écrit le 23/07/2013 à 7:24
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Oxymoron: en français, se dit "oxymore". L'auteur aurait pu penser à franciser ses anglicismes.

à écrit le 16/07/2013 à 10:49
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La conclusion c'est la souplesse du système américain ! En France c'est du n'importe quoi. Il existe des milliers de lois souvent mal adaptées aux situations et impossible à connaître des salariés et des patrons. Quant à soulever la question de la q...

à écrit le 15/07/2013 à 19:02
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La transparence est un outil important pour réguler un marché libéralisé et dynamisé - un employeur doit voir sa taxation varier suivant s'il adopte un comportement vertueux ou non.... en fonction du taux d'absentéisme et de l'ancienneté médiane ...

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