Le géant des services pétroliers SLB veut devenir un champion de la géothermie

Le groupe parapétrolier mise sur la startup Celsius Energy, fondée il y a cinq ans par trois de ses salariés. Cette jeune filiale met en œuvre une technologie inédite permettant de capter la chaleur du sol en zone urbaine de manière très peu invasive. Alors qu'elle représente encore une goutte d'eau dans les revenus de la multinationale, la startup entend contribuer significativement au chiffre d'affaires du groupe à l'horizon 2030-2040 et mise notamment sur le marché brûlant de la rénovation énergétique.
Juliette Raynal
Cindy Demichel, cofondatrice de la start-up Celsius Energy, née il y a 5 ans au sein du groupe SLB.
Cindy Demichel, cofondatrice de la start-up Celsius Energy, née il y a 5 ans au sein du groupe SLB. (Crédits : Celsius Energy)

Depuis quelques mois, une petite pyramide transparente trône sur le parking du campus francilien de SLB ( ex-Schlumberger) à Clamart (Hauts-de-Seine). L'installation n'est pas uniquement décorative et artistique. Elle offre un aperçu direct sur la tête des dix puits qui ont été creusés à 160 mètres de profondeur pour capter les calories du sous-sol et chauffer une partie des locaux, historiquement alimentés au gaz.

Cette pyramide est aussi et surtout l'un des prémices de la timide mue du géant franco-américain des services pétroliers. Bientôt centenaire, la vieille dame fondée par les deux frères alsaciens s'est récemment dotée d'une entité baptisée SLB New Energy, regroupant ses activités émergentes axées sur la transition énergétique, comme la capture et le stockage de carbone, l'hydrogène vert, l'extraction de lithium ou encore Celsius Energy, sa startup entièrement dédiée à la géothermie de surface, justement à l'œuvre sous la pyramide.

Une batterie de chaleur à moins de 200 mètres de profondeur

Contrairement à la géothermie profonde, qui repose sur des forages oscillant entre 200 et 5.000 mètres de profondeur, ce type de géothermie consiste à forer à moins de 200 mètres pour collecter des calories dans le sol grâce à une eau glycolée qui circule dans un circuit fermé. A cette profondeur, la température s'élève à environ 12 degrés tout au long de l'année. Ces calories sont ensuite envoyées vers une pompe à chaleur (PAC) géothermique qui se charge de les démultiplier pour chauffer un bâtiment.

« Ce type de dispositif permet de diviser par quatre l'énergie consommée et par dix les émissions de carbone par rapport à une installation au gaz », fait valoir Cindy Demichel, cofondatrice et directrice générale de Celsius Energy. Par ailleurs, « la performance d'une PAC géothermique est environ deux fois plus importante que celle des pompes à chaleur à air classiques », assure cette géologue de formation, et ce grâce à la stabilité des températures du sous-sol tout au long de l'année, y compris l'hiver.

Aux saisons chaudes, le système s'inverse en collectant les calories estivales du bâtiment pour les diffuser dans le sol. De quoi refroidir les locaux sans contribuer à la formation d'îlots de chaleur. Les calories stockées dans le sous-sol sont, elles, réutilisées l'hiver suivant pour chauffer le bâtiment.

« C'est une sorte de batterie de chaleur géante qui permet un stockage intersaisonnier », résume la dirigeante.

Encore « une goutte d'eau » dans les revenus de SLB

Fondée il y a tout juste cinq ans, par trois salariés du groupe (Sylvain Thierry, Cindy Demichel et Matthieu Simon), Celsius Energy emploie désormais une centaine de personne mais ne représente « qu'une goutte d'eau dans le chiffre d'affaires du groupe [légèrement supérieur à 28 milliards d'euros en 2022, ndlr] », qui dépend encore à plus de 90% des énergies fossiles, reconnaît Cindy Demichel.

« Mais Celsius fait partie des relais de croissance avec pour objectif d'apporter un revenu significatif à l'horizon 2030-2040 », assure-t-elle.

Pour se mettre sur une telle trajectoire, la spin-off mise sur une technologie inédite, bien moins invasive que les procédés classiques de géothermie. Celsius Energy s'est en effet appuyée sur l'expertise du groupe dans la construction de puits de pétrole pour mettre au point une approche pyramidale permettant de forer des puits obliques à partir d'un point central alors que les méthodes traditionnelles s'articulent autour de puits verticaux, chacun espacé d'une dizaine de mètres l'un de l'autre.

« L'emprise au sol est très réduite. Ici, c'est l'équivalent de seulement deux places de parking », fait valoir Cindy Demichel, en désignant l'installation pyramidale du parking.

Une technologie inédite peu invasive...

Ce système permet de diviser par dix l'emprise au sol d'un champ de sondes pour un petit bâtiment et jusqu'à 100 pour un campus ou un centre commercial, affirment les équipes. Un atout considérable dans les zones denses et pour la jeune société, qui entend s'attaquer au vaste marché de la rénovation thermique. Un domaine d'action clé dans la lutte contre le réchauffement climatique alors qu'en France le chauffage et la climatisation dans les bâtiments sont responsables d'environ un quart des émissions de CO2.

Portée par ces enjeux climatiques, Celsius Energy revendique désormais une centaine de références dont plusieurs cliniques et Ehpad, mais aussi le siège du groupe Optic 2000 situé à Clamart également, soit environ un million de mètres carrés équipés. Elle vient de démarrer un mégaprojet dans l'Ain et en pilote deux autres au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, dans le Massachusetts. Au cours des douze prochains mois, la jeune pousse entend mener à bien une quinzaine de projets sur ces trois géographies. Parmi ses principaux prospects, figurent des entrepôts logistiques, mais aussi des campus industriels ainsi que des collectivités qui cherchent à améliorer la performance énergétique des piscines municipales, des écoles ou encore des médiathèques. La géothermie de surface peut aussi se déployer pour les logements collectifs à l'échelle d'un petit quartier.

... mais coûteuse

Reste que le coût des installations demeure élevé. A Clamart, par exemple, pour équiper un bâtiment de 3.000 mètres carrés, l'investissement s'est chiffré à 450.000 euros, dont environ 100.000 euros financés par des subventions. Le retour sur investissement s'établit à dix ans en moyenne.

Dans l'Hexagone, la jeune pousse mise sur le soutien du gouvernement, qui a lancé en février son premier plan géothermie afin de multiplier par quatre les capacités installées à l'horizon 2030. Cindy Demichel en est convaincue, cette montée en puissance passera essentiellement par la géothermie de surface.

Le gouvernement en soutien

« La géothermie de surface est possible sur 97% du territoire et elle est beaucoup plus actionnable que la grande géothermie, notamment parce que, d'un point de vue réglementaire, il n'est pas nécessaire d'instruire un permis minier », souligne-t-elle.

Dans la continuité des annonces de février dernier, l'Agence nationale de la transition énergétique (Ademe) a lancé, fin décembre, l'appel à projets Géoboost. Objectif : permettre aux candidats retenus de se faire financer les études de faisabilité nécessaires à la réalisation des projets de géothermie de surface à hauteur de 80%. De quoi faire décoller la géothermie en France ? Pour l'heure, qu'elle soit profonde ou de surface, la géothermie ne représente que 1% de la chaleur consommée en France et à peine 5% de la chaleur renouvelable. La marge de progression est immense.

Juliette Raynal

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