Chronique de François Simon : un rêve passe...

CHRONIQUE CHAUD DEVANT - François Simon a testé Au Rêve, dans le 18ᵉ arrondissement de Paris. Un bistrot à la mémoire chargée et à l'ambiance restée souple et chantante.
Chronique de François Simon, Chaud devant
Chronique de François Simon, Chaud devant (Crédits : DR)

Il était assis juste là. Sur la banquette de moleskine rouge, à la petite table à droite en entrant, près de la vitrine. Tous les matins, il attendait qu'elle passe. Fixait les fenêtres de son appartement, en bas de l'avenue Junot. Elle s'appelait Suzanne Gabriello, chanteuse et animatrice de télévision. Et lui, Jacques Brel. C'est ici qu'il écrivit Ne me quitte pas. Voilà ce que dit la légende. Celle-ci a souvent bon dos. En fait, soutient Stéphane Loisy, biographe, cette chanson était inspirée par son épouse, non point comme un cri de désespoir, mais « comme une caricature des limites de la déchéance ».

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L'endroit, qui existe toujours, a été repomponné par les nouveaux propriétaires, Clémentine Larroumet et Antoine Ricardou, du studio de création Saint Lazare. Par chance, ils ont juste passé le plumeau là où il le fallait, conservé le solide bar, ravivé les lustres et le fameux néon « Au Rêve ». Pourquoi ce nom ? Parce que ce bistrot servait de l'absinthe au début du siècle dernier avant qu'elle ne fût interdite. L'enseigne attira et attire les papillons de nuit. Patrick Modiano y donnait ses rendez-vous. Il en parle dans son roman Une jeunesse. Louis- Ferdinand Céline, Marcel Aymé, Blaise Cendrars, Claude Nougaro... La liste est longue de ceux qui vous auront précédé.

Ne soyez pas pour autant intimidé, car l'ambiance a gardé de sa souplesse, de son ironie. Chose curieuse, les plats n'ont pas le cynisme de ceux de la place du Tertre, située plus bas. Réalisé par Mathieu Renucci, l'œuf mayonnaise chante joliment, le cabillaud du jour présente sa nacre réglementaire ; la délicieuse crème caramel miroite dans la lumière du déjeuner. La clientèle semble à son aise, sans aucune convocation des mânes, et respire cet oxygène rare des lieux de mémoire. S'entremêlent avec le soleil du midi réchauffant la terrasse les réverbérations du passé, la chanson que Suzanne Gabriello chantait aux enfants : Ça ne peut pas s'inventer. Pour un peu, on s'inscrirait dans l'un des couplets...

Au rêve, 89, rue Caulaincourt (Paris 18ᵉ)
Environ 40 euros.
Tél. :09 55 51 39 82.

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