Des chais bien urbains

Né outre-Atlantique, le concept fait de plus en plus d’émules dans l’Hexagone. Une autre façon d’envisager vinification et dégustation.
Laurent Bordes, fondateur des Chais du Port de la Lune, à Bordeaux.
Laurent Bordes, fondateur des Chais du Port de la Lune, à Bordeaux. (Crédits : © LTD / NICOLAS MATHYS/ZEPPELIN)

Que les puristes se rassurent : il y aura encore et toujours, un peu partout dans les campagnes françaises, des vignerons pour ouvrir grand leurs caves aux amateurs. Néanmoins, et sur le modèle des microbrasseries les ayant précédés, les chais urbains ne renoncent pas à leur vocation originelle : ramener l'artisanat du vin « sur son lieu de consommation numéro un ». Marseille fut ainsi la première, en 2012, à voir rouler des barriques dans le quartier du Panier, où Fabienne et Lukas Völlmy installèrent le pressoir de Microcosmos. Une quinzaine d'autres ont suivi depuis, tambour battant.

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Formés pour la plupart à l'œnologie, plus rarement propriétaires de leurs propres vignobles, les nombreux entrepreneurs à l'origine de cette tendance forte ont choisi de faire migrer tout un pan du métier de vigneron. Après avoir rigoureusement sélectionné leurs parcelles chez des viticulteurs partenaires, suivi leur épanouissement au fil des saisons et, souvent même aussi, effectué personnellement la vendange manuelle des raisins, ils transportent leur récolte jusque dans leur antre. S'ensuit une vinification où chaque « récoltant-vinificateur » peut élaborer - à son image et selon ses convictions - des cuvées d'un autre genre. « Je recherche les raisins les plus en adéquation avec les vins de terroir que j'envisage, explique Pauline Lair, qui signe son quatrième millésime dans son chai 1006, à Angers. L'idée est de retrouver dans une bouteille un vin vivant et l'expression d'un lieu. »

Dans ces chais où le bio et le circuit court règnent en majesté, la tentation est grande, parfois, de défendre aussi une philosophie. Récoltant-vinificateur depuis 2022, Emmanuel Galera s'est appuyé sur son épicerie-cave déjà existante pour mûrir son projet de « tiers-lieu nourricier » près de Toulon : un chai de production ouvert à tous ceux souhaitant vinifier « dans le respect des bonnes pratiques » pour y commercialiser des vins « irréprochables, au juste prix ». Une fois le local trouvé, rencontres, débats et projections s'y succéderont.

L'ambition affichée par Les Sacrés Chais, à Reims, rejoint cette vision. Main dans la main avec une huitaine de vignerons en France, y compris au-delà des frontières champenoises, Laure et Fabrice Renaud travaillent leurs vins tranquilles dans le souci de « montrer une autre facette du vin ». La bâtisse qu'ils ont acquise sur les anciens docks rémois compte depuis peu un nouvel occupant : un alambic qui, circuit vertueux oblige, transformera les sous-produits de la vinification (marc de raisin entre autres) en apéritifs ou liqueurs.

C'est justement pour « ouvrir les chakras des consommateurs » que ces différents précurseurs s'impliquent avec ardeur dans la filière. En quittant récemment le blockhaus de la cité Claveau, à Bordeaux - où il vinifiait depuis 2017 -, pour investir un ancien chai de négociants cours du Médoc, Laurent Bordes a exaucé son souhait de se rapprocher des néoépicuriens. À grand renfort de cordes et de poulies, il s'est réinstallé dans un tunnel long de 150 mètres, où se dérouleront bientôt des visites-dégustations relatant l'histoire du quartier historique des Chartrons et celle du négoce bordelais. Comme d'autres, il fait partie de ceux qui - faute d'avoir pu acquérir un vignoble ou obtenir les autorisations nécessaires à la construction d'un chai au plus près des rangs de vigne - se sont rabattus sur l'espace citadin. Jouissant d'une solide réputation à Marseille, où L'Abri réunit nourritures solides et liquides, même Franck Pasquier et Édouard Baudin conviennent qu'il est presque devenu « plus facile de faire de l'agriculture en ville qu'à la campagne ».

À la tête de la Vinifacture (Saint-Étienne), Piermic Fatet reste convaincu qu'il est moins intimidant de toquer à la porte d'un chai en bas de chez soi que de se confronter à l'austérité de certains domaines viticoles. Pas de quoi faire s'évaporer dans la part des anges le songe des Vendéens du Chai Berteaud Manceau, autoproclamés « créateurs de vins contemporains » et impatients de posséder, un jour peut-être, quelques hectares de vignes à métamorphoser en nectars affirmés.

5 façons de découvrir l'univers des chais urbains

- S'évader sur la Loire lors d'une escapade-dégustation fluviale organisée le 4 mai par 1006 (Angers). 1006vins.com

- Réserver une table à L'Abri (Marseille), le temps d'agapes 100 % locales avec vue sur les cuves. labri-marseille.fr

- Repartir avec sa propre cuvée après un atelier assemblage au Chai Saint Olive (Lyon). chaisaintolive.com

- Marier culture, musique et nature grâce à la programmation musicale du chai Bras de Fer (Nantes). @brasdefernantes

- Goûter au vin d'amour Le Cœur Fou à l'Épicerie Simple (Toulon). @lepicerie. simple

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