Guy Marchand, adieu canaille

Second rôle au cinéma, premier de série à la télé, crooner de charme et adepte du tango le reste du temps, l’acteur s’est éteint vendredi à 86 ans.
Guy Marchand à Cannes, en 2006.
Guy Marchand à Cannes, en 2006. (Crédits : © Olivier Roller/Divergence)

"Moi je suis tango, tango / J'en fais toujours un peu trop..." L'adaptation française de Libertango, un célèbre tango argentin du grand Astor Piazzolla, aura collé à la peau de Guy Marchand. Et pourtant tout avait commencé autrement avec une carrière militaire qui fit de lui un officier parachutiste dans les années 1960 et même, première incursion dans le monde du cinéma, l'un des conseillers techniques du film de guerre américain Le Jour le plus long.

Des débuts surprenants pour celui qui connaît un succès immédiat en 1965 avec La Passionata, une chanson farce où il campe un hidalgo crooner de pacotille : orchestration flamenca, voix de tête et musique andalouse, tous les clichés sont là. Six ans plus tard, il apparaît pour la première fois au cinéma dans Boulevard du rhum, une comédie de Robert Enrico, aux côtés de Brigitte Bardot et Lino Ventura. Désormais, ses deux carrières de chanteur et d'acteur iront de pair avec environ 70 rôles au cinéma, une trentaine pour le petit écran et une vingtaine d'albums de chansons.

Et quelques jolis succès à la clé : un césar du meilleur acteur dans un second rôle pour Garde à vue de Claude Miller en 1982 ; entre 1991 et 2003, les 39 épisodes de la série Nestor Burma, plébiscitée par les téléspectateurs de France 2 ; côté chanson enfin, Destinée, un véritable tube composé par Vladimir Cosma. Même dans le film pourtant dramatique de Claude Miller, l'acteur parvient à faire sourire avec son rôle d'inspecteur un peu beauf aux côtés de Lino Ventura et face à Michel Serrault.

Guy Marchand en 5 dates

  • 1937 Naissance à Paris
  • 1965 Ses débuts en chanson, avec « La Passionata »
  • 1971 Sa première apparition au cinéma, dans « Boulevard du rhum »
  • 1979 L'unique rôle principal de sa carrière, dans « Le Maître-Nageur »
  • 1991 - 2003 « Nestor Burma »

Telle aura été sa principale marque de fabrique : un second degré toujours présent porté par un charme un tantinet canaille. De nombreux cinéastes ne s'y sont pas trompés, qui ont très souvent utilisé sa gouaille sympathique. On se souvient de lui chez François Truffaut, dans Une belle fille comme moi (1972), en compagnon de Bernadette Lafont très amateur de courses automobiles, y compris dans les moments les plus intimes. Les admirateurs du très singulier Coup de torchon (1981) de Bertrand Tavernier ont, eux, apprécié son rôle de militaire colonial tyrannisant un Philippe Noiret faussement lâche et définitivement redoutable. Quant au couple de maîtres chanteurs, aussi improbable que savoureux, qu'il forme avec Stéphane Audran dans le très vénéneux Mortelle randonnée (1983) de Claude Miller, il en éclipserait presque celui d'Adjani et Serrault, les deux têtes d'affiche du film.

Un sourire en coin quasi permanent

De Broca, Arcady, Kurys, Costa-Gavras, Zidi, Granier-Deferre, Mocky et tant d'autres auront ainsi confié à Guy Marchand des seconds rôles hauts en couleur, ces seconds rôles qui ont toujours fait l'originalité du cinéma français. Des personnages souvent soigneusement écrits et décrits à qui Guy Marchand donnait un charme fou avec un sourire en coin quasi permanent qui savait parfois se muer en rictus plus dramatique. On aurait tort, en effet, de cantonner l'acteur à une image unique de « Guignol des Buttes-Chaumont », pour reprendre le titre de son autobiographie publiée en 2007.

Ainsi, à la télévision, il figure parmi les trois protagonistes d'un impeccable drame de montagne réalisé par le cinéaste alpiniste Gérard Herzog, La Voie Jackson (1981), aux côtés de Marie-Josée Neuville et Sami Frey. De même que Maurice Pialat avec Loulou (1980) lui a permis de donner la réplique à Isabelle Huppert et Gérard Depardieu pour l'une de ces chroniques amoureuses et tumultueuses dont il avait le secret. Et même la « nouvelle Nouvelle Vague » française l'a adoubé quand Christophe Honoré lui a fait jouer le rôle du père de Romain Duris et Louis Garrel pour son film Dans Paris en 2006.

À l'heure du bilan, on ne saurait oublier que c'est un autre acteur de renom passé un temps derrière la caméra, Jean-Louis Trintignant, qui au cinéma lui donna l'unique rôle principal de sa carrière dans Le Maître-Nageur en 1979. Un film assurément atypique mais qui prouve, si besoin était, que Guy Marchand avait la reconnaissance de ses pairs, comme il n'a cessé de bénéficier des faveurs du public, décidément sous le charme de sa voix de crooner et de son sourire charmeur.

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