Un tube repris en chœur autour d'une table pas tout à fait débarrassée et qui vient éteindre des discussions enflammées... Ce décor, tout le monde le connaît. Moment de vie incontournable, le karaoké improvisé rythme nos souvenirs entre amis ou en famille depuis des lustres. Depuis 2007, il s'impose même chaque début de soirée dans les foyers avec N'oubliez pas les paroles ! Mais si hier encore cette pratique était considérée comme kitsch ou synonyme de moment de gêne - ce n'est pas Bridget Jones, clope à la main et fausses notes au micro sur le tube Without You, qui nous contredirait -, les bonnes habitudes ont la vie dure et peuvent renaître de leurs cendres. Après tout, si Michelle Obama reprenait volontiers le Single Ladies de Beyoncé à bord de la voiture du show américain Carpool Karaoke, pourquoi pas nous ?
« J'ai découvert le karaoké il y a vingt ans, confie Richard, 75 ans, grand habitué du China Town Belleville. À l'époque, on pouvait être méprisants envers cette activité. Désormais les gens assument aimer en faire, et à tout âge. » Signant une « remontée en puissance depuis peu », cette institution parisienne accueille une variété de clients aussi large que le répertoire que l'on peut chanter sur place, et voit souvent passer politiques et célébrités sous ses néons roses. Un regain de popularité du karaoké qui n'a pas échappé aux sirènes des millénials.
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Quand la Gen Z donne le « la » de la tendance
Juillet 2022, une enquête de la plateforme anglaise Keep Hush, spécialisée dans les soirées, annonce la couleur : seulement 25 % des jeunes nés entre 1997 et 2010 aiment sortir en boîte. Ce désintérêt pour les nuits de folie emportées par la foule va de pair avec le comeback du karaoké sur le devant de la scène des tendances. « Je préfère largement aller au karaoké qu'en boîte de nuit, je passe de bien meilleures soirées », acquiesce Ysé, 25 ans, quand Isaac, même âge, assure qu'« il y a quelques années, ça ne [lui] venait pas à l'esprit de proposer un karaoké pour une soirée, alors qu'aujourd'hui c'est une évidence ». Le « murderer » du dancefloor ? La crise sanitaire, qui a, selon l'essayiste Vincent Cocquebert, auteur de Millennial burn-out (2019) et de La Civilisation du cocon (2021), « renforcé et accéléré les tendances de la civilisation cocon ». « On voit s'opérer un repli massif sur la sphère privée, guidé par une recherche de sécurité, de confort et d'entre-soi, analyse-t-il. C'est à ce titre que l'on peut observer une désertion des espaces festifs collectifs au profit d'une privatisation de la fête. Les jeunes exigent désormais du "chez-soi" et du personnalisable partout. Le karaoké, qui permet de se recréer une bulle sécurisée entre amis et de choisir sa propre playlist, répond à cette double demande. » Autre raison de cet intérêt maxi pour le micro, « l'influence d'un imaginaire pop culture asiatique très en vogue ces derniers temps, bien loin de son image un peu ringarde des années 1980-1990 », note-t-il.
Ainsi, l'Asie nous a ouvert la « voix », notamment à travers le carton des karaoké box, ces salles privées qui ne font qu'élargir le public de chanteuses et de chanteurs du dimanche. « C'est une idée que j'ai eue après un voyage au Japon, raconte Arnaud Studer, fondateur de BAM Karaoke Box. Moi qui à la base n'aime pas le karaoké, j'ai adoré pouvoir chanter sans jugement, seulement entouré de mes proches. » Arrivée en 2014 en France, cette société pionnière a, avec son approche haut de gamme de ce loisir, insufflé une nouvelle manière de le consommer. « Le concept des box, c'est de permettre aux gens de chanter, rire, crier, extérioriser et se libérer. De se fabriquer des souvenirs en seulement deux heures. » Avec plus de 40 adresses à Paris, Bordeaux, Madrid et bientôt Londres, ces boîtes à rythme ont battu la mesure et ouvert un marché désormais concurrentiel, pouvant donc combler tous les c(h)œurs.
Revenue sans tambour ni trompette et désormais intergénérationnelle, cette tendance à pousser la chansonnette pourrait rester à jamais dans l'air du temps, un peu comme une chanson populaire... L'occasion de rendre hommage à l'inventeur du karaoké, Shigeichi Negishi, décédé à l'âge de 100 ans, il y a quelques jours.
Back to Bac - Marseille 24, rue Roux-de-Brignoles, Marseille 6e Tél.: 0488862188. BAM Karaoke Box - Chartrons 36, rue Cornac, Bordeaux Tél.: 0535540332. Singing Studio - Lille 185, pont de Flandres, Lille Tél.: 0320158789. Pub Le Live Karaoké 8, boulevard du Général-de-Gaulle, Narbonne Tél.: 0434366600. La Noche 7, rue Pierre-Fontaine, Paris 9e Tél.: 0142813102. China Town Belleville 27, rue du Buisson-Saint-Louis, Paris 10e Tél.: 0142393418.Carnet d'adresses
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