Livres : FOG, voltiges et délices

L’historien Fabrice d’Almeida a dévoré le dernier volume d’« Histoire intime de la Ve République ».
Franz-Olivier Giesbert.
Franz-Olivier Giesbert. (Crédits : © FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD)

J'aime Franz-Olivier Giesbert. Et Franz-Olivier Giesbert aime les politiques. Il aime les côtoyer, les observer, les renifler, les écouter. Impossible, sinon, de leur soutirer un secret ou une confidence - ce que Franz fait comme personne. Tragédie française, le troisième volume de son Histoire intime de la V e République, en est une nouvelle et délicieuse illustration. À chaque ligne, et entre les lignes aussi, on devine les notes d'une conversation, la mémoire photographique d'un moment. Dans ce théâtre, les présidents jouent les premiers rôles. François Mitterrand, qui l'a cajolé avant de le dédaigner. Jacques Chirac, « spectaculaire » avec ses colères tonitruantes. Sarkozy, dont l'auteur convient ne pas l'avoir ménagé - avec notamment cette une du Point : « Est-il si nul ? », en 2010. François Hollande, réhabilité pour son courage et sa clairvoyance dans sa lutte contre l'islamisme. Emmanuel Macron, enfin, tour à tour qualifié de « frivolet » ou de « président Narcisse ».

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Chapitre après chapitre, le lecteur suit jusqu'en enfer cet immense journaliste qui refuse de se définir comme décliniste mais qui raconte avec une virtuosité inouïe l'histoire de notre lente « déliquescence ». Celle-là même que prophétisait Raymond Barre, aux yeux duquel nous sommes « une queue de comète ».

Art du coup de griffe

La plume de FOG voltige d'une tragédie à l'autre : la mort de nos gloires artistiques, de Charles Aznavour à Johnny Hallyday en passant par Jean d'Ormesson ; l'incurie des politiques économiques et sociales qui ont mis la France en situation de citadelle assiégée. Franz-Olivier Giesbert ne manque pas l'occasion de louer la façon dont son ami Pierre Mauroy a tenté de stopper la frénésie dépensière mitterrandienne. S'il fait la part belle à Michel Rocard puis à Lionel Jospin, il les assassine en montrant à quel point ils n'ont pas compris les changements de fond de la société, à commencer par la question du foulard.

FOG est au sommet de son art... du coup de griffe. Laurent Fabius ? « C'est un gandin, une gravure de mode pleine de contentement de soi et cependant boudeuse, comme s'il n'avait pas reçu assez de la vie. » Christine Lagarde ? « Si le brio n'est pas son fort, cette ancienne avocate est une cheffe d'équipe sans ego, doublée d'une bonne élève. » Christophe Castaner et Richard Ferrand ? Ce sont « les sous-doués » de la Macronie... Notre écrivain n'oublie toutefois pas les caresses, qui fait l'éloge d'un Jean-Michel Blanquer et d'un Jean-Yves Le Drian sacrifiés par un Macron qui affirme: « J'ai besoin de ministres dociles. »

Les politiques ne sont pas les seuls que FOG tient pour responsables de notre effondrement. Les médias reçoivent leur part de claques. Ce n'est pas parce qu'il admire Jean Daniel et Louis Pauwels qu'il s'interdit de mettre au jour de petits reniements. Mais sa plus vive attaque, il la porte contre Le Monde, qu'il ne lit plus. Selon lui, le déraillement du Monde est à l'image de la tendance à la collaboration de son fondateur, Hubert Beuve-Méry, ce résistant tardif qui écrivait en 1939 : « Tout n'est pas à blâmer dans le national-socialisme [...]. Il aura été une réaction excessive, mais nécessaire. » FOG rappelle comment, quand les attentats ont frappé la France, le quotidien du soir s'est complu à pourfendre le « virage sécuritaire » de François Hollande, signant là son décalage face aux enjeux de notre siècle.

À la fin du livre, le lecteur pourra comptabiliser les occasions manquées. Effroi. Grand prince, FOG lui laisse malgré tout une once d'espoir. Rien ne nous condamne à continuer de marcher dans le sens de la pente. Cette truculente radioscopie de nos errements nous donne les moyens de penser le redressement.

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