Croissance : vers une reprise poussive de l'économie, les licenciements bondissent

La récession devrait être de 9% cette année en France, selon l'Insee, qui s'est montrée mercredi un peu plus optimiste que le gouvernement et constate que "l'économie française s'est redressée assez nettement" après deux mois de déconfinement. Malgré ce vif rebond, le rythme du redressement risque de marquer le pas dans les prochaines semaines selon les prévisions des statisticiens. Sur le marché du travail, la situation pourrait rapidement s'aggraver.
Grégoire Normand
L'économie française devrait connaître un fort rebond au deuxième semestre après le creux sans précédent enregistré sur la première moitié de l'année du fait du confinement mis en place pour ralentir la propagation du nouveau coronavirus, selon une nouvelle estimation publiée mercredi par l'Insee.

Les indicateurs économiques donnent encore le vertige. Selon la note de conjoncture de l'Insee publiée ce mercredi 8 juillet, le produit intérieur brut de la France chuterait de 9% en 2020. C'est une prévision plus optimiste que celles de l'OCDE, du FMI (-12,5%) ou encore de la Commission européenne qui table sur une récession supérieure à 10% en 2020. Si le déconfinement en France se passe relativement bien, de nombreuses incertitudes sanitaires et économiques planent sur le moral des entreprises et des ménages. Une éventuelle seconde vague anéantirait tout espoir de reprise durable même si la France serait mieux préparée. Dans les semaines à venir, beaucoup d'économistes redoutent une envolée du chômage. Les conditions du rebond dépendront beaucoup de la situation sur le marché du travail et de l'évolution de la situation sanitaire. La crise pourrait entraîner une baisse prolongée des revenus des Français et donc de la demande, ce qui pourrait provoquer une chute de l'activité pour les entreprises. Face à cette plongée de l'économie en eaux troubles, le gouvernement doit préparer un plan de relance stratégique au cours de l'été.

Un redressement en demi-teinte

Près de deux mois après la sortie du confinement, l'économie tricolore retrouve des couleurs. Les statisticiens estiment que les pertes d'activité en juin (-12%) sont de bien moindres ampleurs qu'en mai (-22%) ou en avril (-30%). La levée progressive des mesures de confinement a permis à de nombreux secteurs de redémarrer leur activité dans des conditions sanitaires et sociales parfois complexes. Dans l'industrie, les moteurs de l'appareil productif repartent progressivement avec des pertes estimées à -14% en juin contre -19% en mai ou -32% en avril. Du côté de la construction lourdement paralysée pendant le confinement, les chantiers redémarrent avec des pertes évaluées à -31% en juin contre -47% en mai et -61% en avril. Compte tenu du poids de ces secteurs dans l'économie, les dégâts sur le PIB sont relativement limités avec des contributions négatives en points de PIB estimées à 1,9 pour l'industrie et -1,7 pour la construction.

Lire aussi : L'ingénierie et la construction à l'épreuve du Covid-19 : le défi d'une révolution profonde, digitale et industrielle

En revanche, l'impact de la chute du tertiaire sur l'économie est bien plus préoccupant. En effet, si les pertes se redressent au fur et à mesure des levées des règles de confinement (-29% en avril, -22% en mai et -13% en juin), la contribution négative au PIB est très importante (-7,3). Cela peut s'expliquer par certaines branches qui ont été brutalement frappées par les mesures de confinement administratives comme l'hôtellerie-restauration, les commerces non-essentiels, les transports et entreposages. Beaucoup d'entreprises risquent de mettre la clé sous la porte si la saison touristique reste à la peine. En outre, compte tenu du poids des activités de services dans l'économie tricolore, une baisse de l'activité peut faire vaciller une bonne partie de la croissance. Enfin, l'agriculture, au regard des autres résultats s'en tire mieux avec des pertes estimées -4% en juin contre -8% en mai et -12% en avril.

Un rebond rapide mais limité

Les simulations opérées par les économistes de l'Insee montrent que le rebond de l'économie française est relativement rapide. Après avoir chuté de -5,3% au premier trimestre, -17% au second trimestre, le PIB bondirait de 19% au troisième trimestre avant de ralentir fortement à 3% entre octobre et décembre. La trajectoire de la croissance à venir, même si elle est difficile à prévoir, s'annonce plutôt périlleuse. "Sans surprise, les perspectives de production se redressent très nettement : la vigueur de ce rebond tient beaucoup à la faiblesse du point de départ, c'est-à-dire de l'activité économique en période de confinement. Cependant les carnets de commandes, en particulier à l'international, demeurent jugés peu garnis par les entreprises industrielles, ce qui n'augure pas d'un retour immédiat à la normale [...] Depuis mai, les premières marches de la reprise ont ainsi pu être gravies assez rapidement, peut-être plus que prévu. Ce sont les dernières qui risquent d'être les plus difficiles, concernant surtout les secteurs les plus touchés par la crise, et alors que les inquiétudes restent vives au sujet du commerce mondial, l'épidémie restant très active dans nombre de pays" expliquent les conjoncturistes de l'institut basé à Montrouge.

Lire aussi : 2020, année chaotique : le PIB de la France bondira de +19% au 3e trimestre et ne reculera "que" de 9% au total, prédit l'Insee

Des licenciements en plein boom

Les répercussions de la pandémie sur le marché du travail s'amplifient. Si les mesures de chômage partiel ont permis de limiter la casse pendant la durée du confinement, le durcissement des règles d'indemnisation, avec une moindre prise en charge par l'Etat et l'Unedic, et la violence de la récession ont entraîné une envolée marquée des licenciements. "Le recours massif au chômage partiel a limité la casse, mais l'onde de choc se diffuse sur le marché du travail. Chaque jour ou presque, des plans de réduction d'effectifs sont annoncés [...] Le système d'activité réduite a permis de protéger entre 8 et 9 millions de personnes durant le confinement mais la tendance du chômage est repartie à la hausse. Vu le temps de diffusion de l'onde de choc (défaillances, licenciements), le pic du chômage ne sera pas atteint avant 2021" rappelle l'économiste de Oddo Securities Bruno Cavalier dans une récente note. Selon le tableau de bord communiqué par la direction statistique du ministère du Travail (Dares) ce mercredi 8 juillet, le nombre de "petits licenciements" recensés chaque semaine depuis le début du mois d'avril a bondi passant de 38 (semaine 06/04) à 164 au 29/06. Rien que pour la dernière semaine de juin, 2.500 suppressions de postes sont envisagées. "Ces procédures, dont le nombre continue d'augmenter, concernent dans près de neuf cas sur dix des licenciements de moins de 10 salariés. Les secteurs les plus concernés sont ceux de la construction (20 %), du commerce et de la réparation d'automobile (20 %), de l'industrie manufacturière (15 %), ainsi que de l'hébergement et de la restauration (13 %)" expliquent les statisticiens du Travail.

Lire aussi : Covid-19 : 13,3 millions de demandes de chômage partiel, les jeunes en première ligne

A une autre échelle, de grands groupes industriels ont annoncé des vagues de licenciements et des fermetures de sites entraînant dans leur sillage des fournisseurs et des sous-traitants. Le spectre d'un chômage de masse ressurgit à un moment où l'économie tricolore traverse une grave tempête. Sans plan de relance efficace, beaucoup de salariés risquent de se retrouver dans un chômage de longue durée sans compter les travailleurs précaires, en contrats courts ou en intérim, qui sont les premières victimes de la crise. En dépit des multiples amortisseurs sociaux existants, beaucoup d'actifs passent entre les mailles des filets de sécurité. En outre, le maintien du second volet de la réforme de l'assurance-chômage au mois de septembre, qui prévoit une révision à la baisse du calcul du salaire journalier de référence, pourrait encore noircir la situation des futurs demandeurs d'emploi confrontés à une situation économique moribonde.

Lire aussi : Malgré la reprise, l'économie française subit encore des pertes colossales

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 08/07/2020 à 17:57
Signaler
Sans oublier la CRDS ( contribution pour le remboursement de la dette sociale ) qui est un impôt affecté depuis 1996 et qui est prélevée à la source sur la plupart des revenus,cela englobe également les prestations familiales, les aides personnelles ...

à écrit le 08/07/2020 à 16:06
Signaler
L'ambiance en Ile-de-France au mois de Novembre risque d'être apocalyptique, avec des transports en commun en cessation de paiement et des franciliens au chômage. Mais bon, il fallait bien s'y attendre un jour où l'autre : L'Ile-de-France entière est...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.