Il suffira d'une crise.... et les droits des femmes pourraient être remis en question

L'événement organisé les 8 et 9 mars par l'association La Puissance du Lien, fondée par Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l'Egalité des chances, a mis l'accent sur les grands enjeux de l'égalité des femmes dans la société et le monde du travail. Et surtout sur le fait que rien n'est jamais acquis pour elles.
Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l'Egalité des chances et fondatrice de l'association La Puissance du Lien.
Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l'Egalité des chances et fondatrice de l'association La Puissance du Lien. (Crédits : Martin Bertrand / Hans Lucas via Reuters Connect)

Visionnaire, Simone de Beauvoir l'a été à plus d'un titre. Non seulement elle a décrypté les mécanismes du sexisme à l'oeuvre dans la société, à son époque et encore aujourd'hui - même si des progrès ont été faits -, mais en plus, elle a prévenu : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

C'est cet avertissement qui a servi de fil conducteur à l'une des tables rondes organisées dans le cadre de l'événement initié par l'association La Puissance du Lien, fondée par Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l'Egalité des chances, qui s'est tenu les 8 et 9 mars au Grand Rex, à Paris.

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« Cette polycrise doit rendre les femmes très vigilantes »

Si Simone de Beauvoir semblait envisager une seule crise à la fois, celle qui sévit actuellement a de multiples facettes. Elle est économique, sociale, politique, climatique, géopolitique... « Cette polycrise doit rendre les femmes très vigilantes, note d'ailleurs l'économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le retour à d'anciens réflexes autoritaires n'est pas à exclure ». Et il se ferait forcément au détriment des femmes.

De fait, si les participantes à la table ronde se sont félicitées de l'initiative française d'inscrire dans la Constitution la liberté garantie aux femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, alors que la Cour suprême américaine a de facto aboli cette possibilité outre-Atlantique, la tentation de plus en plus forte de la part de certains citoyens d'accepter des réponses simplistes face à des maux complexes va souvent de pair avec des attitudes réactionnaires, sous prétexte que « c'était mieux avant ». Sous-entendu, quand les femmes étaient cantonnées aux tâches ménagères... En outre, « la sous-représentation des femmes aux postes de décision, que ce soit dans les entreprises ou les instances politiques, accroît les risques pour les femmes », enchaîne Jézabel Couppey-Soubeyran.

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Une société fragilisée

Certes, des progrès ont été réalisés, ne serait-ce que grâce à différentes lois s'appliquant aux entreprises. Et certaines organisations vont plus loin. Ainsi, Audrey Derveloy, présidente de Sanofi France, souligne les initiatives du groupe pour faciliter la vie des femmes, aussi bien en matière de lutte contre les violences conjugales qu'en termes de congés parentalité ou d'accompagnement en cas de cancer.

« Ce contexte de polycrise est certes potentiellement dangereux pour les femmes, mais il recèle aussi des opportunités pour 'renverser la table' et leur donner davantage de pouvoir dans un nouveau projet de société », ajoute-t-elle.

Reste que, pour l'heure, ce nouveau projet a du mal à voir le jour. Les écarts de salaires subsistent, de même que les moindres possibilités de carrière professionnelle. Le sexisme au quotidien a la vie dure. Pis, la résistance face au féminisme s'accentue. Le dernier rapport du Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, publié à la fin janvier, ne fait-il pas apparaître que parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d'un quart estime qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter, et que, tous âges confondus, 40 % trouvent normal que les femmes s'arrêtent de travailler pour s'occuper de leurs enfants ? Enfin, dans les domaines de pointe - innovation, tech, intelligence artificielle - la faible présence des femmes reste la norme. Autant d'éléments qui, en fait, fragilisent la société.

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Car « pour que les sociétés résistent face aux crises actuelles, il faut que tous les citoyens soient bien armés. Or la moitié d'entre eux, les femmes, le sont moins, du fait des inégalités qui subsistent entre femmes et hommes », résume Gabriella Ramos, sous-directrice générale pour les Sciences sociales et humaines à l'Unesco.

Plus exposées aux crises

En outre, ajoute cette ancienne directrice de cabinet du secrétaire général de l'OCDE, « les femmes sont plus exposées aux risques durant les crises ». En effet, leur moindre pouvoir d'achat - que ce soit en raison de leur salaire ou de leur pension de retraite - les protège mal face à l'inflation, par exemple. Même en période de « plein emploi », elles travaillent davantage en temps partiel subi que les hommes. Et lorsque l'économie ralentit, elles sont souvent les premières licenciées. Si les exemples abondent en matière d'économie ou de santé - les recherches, sur certains nouveaux médicaments, notamment, ne prenant pas assez les femmes en compte - Gabriella Ramos va également en chercher d'autres, dans des domaines moins fréquemment mis en avant.

Au-delà de la violence sexuelle érigée en arme de guerre dans de nombreux conflits, passés ou actuels, les femmes sont aussi les premières victimes d'évènements extrêmes : typhons, tremblements de terre, tsunamis... Ainsi, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) de 2023, intitulé : Inégalités de genre, crise climatique et transition écologique, dans le cas du tsunami de 2004, en Asie du Sud-Est, 70 % des victimes ont été des femmes. « L'une des raisons, note Gabriella Ramos, c'est que 60 % des hommes savent nager, mais seulement 40 % des femmes ». Même chose au Bangladesh, pour le cyclone Sidr de 2007, et au Japon, dans le cas du tremblement de terre de Kobe (1995). Enfin, la tempête Xynthia, en France, en 2010, a elle aussi fait davantage de victimes parmi les femmes âgées. A cet égard, la représentante de l'Unesco préconise une approche genrée du plan national français concernant les catastrophes naturelles - ce qui n'est pas le cas. Pas plus que cela ne l'est dans d'autres domaines, d'ailleurs.

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Que faire alors ? Les trois invitées à la table ronde conseillent d'abord aux femmes de bien connaître leurs droits pour les exercer et les préserver, mais aussi aux entreprises d'agir davantage en interne, afin de tordre le cou aux stéréotypes de genre, et aux gouvernements de mettre en place des programmes genrés et incitatifs dans différents domaines.

Et enfin, elles suggèrent aux femmes « de refuser la politique des petits pas, qui n'apportent que des progrès très lents », selon l'expression de Jézabel Couppey-Soubeyran. Bref, elles recommandent, à tous et à toutes, de s'investir pour l'avènement rapide d'une nouvelle société plus juste et partant, plus résistante aux crises.

Commentaires 6
à écrit le 11/03/2024 à 23:13
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En cas de guerre, les hommes au front, les femmes au boulot: Retour à la paix: les hommes au boulot (et au bistrot), les femmes au tricot!

à écrit le 11/03/2024 à 19:08
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Toute crise peut nous priver de nos libertés. Voir récemment l'état d'urgence sanitaire, l'incroyable confinement, les grands-parents qu'on nous demandait de faire dîner ou déjeuner à la cuisine, les couvre-feu et les ubuesques auto-autorisations à...

à écrit le 11/03/2024 à 16:25
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C'est exactement ça, et les droits de tout ceux que les oligarques considèrent comme inférieurs à eux et donc les droits de tout le monde, en oligarchie c'est l'homme qui commande sans véritable raison, l'habitude, et ce sera toujours lui. "Échelle d...

à écrit le 11/03/2024 à 13:18
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La gauche dans toute sa splendeur !!! Oui, il suffit que l'électorat de gauche laïque et bienveillant car de gauche, arrive au pouvoir pour y imposer sa religion de charia laïque, pour que la gauche vienne expliquer que tt le monde doit lutter co...

à écrit le 11/03/2024 à 12:47
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C'est une farce? elle appartient a un gouvernement qui a refusé la loi sur le consentement portée en europe et qui fait que seul la France l'a refusé !!! alors venir parler des droits, pendant qu'il fait l'ivg, en même temps il fait capoter une loi d...

le 11/03/2024 à 13:32
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@gonzague - Sur le sujet du consentement, la réalité est un peu plus subtile que vos explications péremptoires. Quant aux religions qui ont longtemps affirmées que la Terre était plate pour soutenir le dogme, les droits des femmes ne pèsent pas bien ...

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