Bitcoin : pourquoi les femmes investissent moins que les hommes dans les cryptomonnaies

Alors que le bitcoin flambe depuis un an, les investisseuses restent en retrait. En France, les femmes n'étaient, en effet, que 36,5% a en détenir contre 63,5% des hommes en 2022. La Tribune revient sur les raisons d'un tel écart.
Selon le Livre blanc « Femmes crypto et web 3 » publié par Coinhouse en janvier, seuls 13% des fondateurs de projets et d'entreprises cryptos sont des femmes
Selon le Livre blanc « Femmes crypto et web 3 » publié par Coinhouse en janvier, seuls 13% des fondateurs de projets et d'entreprises cryptos sont des femmes (Crédits : CFOTO/Sipa USA via Reuters Connect)

Alors que le bitcoin n'a cessé de flamber l'an dernier avec une hausse de près de 200%, selon Bitstamp, une belle plus-value se profile pour ses détenteurs... qui sont en majorité des hommes. Ces derniers représentaient, en effet, 63,5% des détenteurs français de cryptomonnaies contre 36,5% pour les femmes en 2022, selon le dernier baromètre Ipsos pour l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan), référence dans le secteur.

Or, en 2023, « l'écart s'est encore accentué. Les femmes sont encore moins nombreuses à détenir ces actifs numériques (s'échangeant sur un réseau décentralisé appelé blockchain, ndlr) proportionnellement aux hommes », avance Faustine Fleuret, présidente et directrice générale de l'Adan qui publiera de nouveaux chiffres, dans son baromètre 2023, fin mars.

Un décalage qui n'a toutefois rien de nouveau et que l'on retrouve dans l'investissement de manière générale. Selon le dernier Baromètre de l'Epargne et l'investissement de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en 2022 les femmes ne représentaient que 42% des investisseurs en Bourse contre 58% pour les hommes. De même, elles s'informent moins souvent sur la Bourse que les hommes (44% contre 60%).

« Les femmes se sentent moins légitimes à se renseigner par elles-mêmes »

« En France, on reçoit peu d'éducation financière, mais cela pénalise davantage les femmes, car elles se sentent moins légitimes à se renseigner par elles-mêmes », constate Titiou Lecoq, autrice de Le couple et l'argent - Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes, paru en octobre 2022. Un phénomène qui tend néanmoins à évoluer « depuis deux ou trois ans chez la jeune génération ».

« Les Françaises n'ont le droit d'avoir un compte en banque personnel seulement depuis 1965, donc notre culture incite encore très peu les femmes à se former une culture financière et encore moins quand elle s'associe avec une culture technologique qui est très masculine », explique également Canelle de Balasy directrice de la communication chez l'entreprise de services crypto Coinhouse. « Nous voyons que les hommes font davantage de recherches que les femmes sur ces actifs », abonde Faustine Fleuret.

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Des placements moins risqués

D'autant que les femmes, encore victimes de fortes inégalités salariales, touchent en moyenne un salaire inférieur de 23,5 % à celui des hommes, selon les derniers chiffres de l'Insee. Elles ont donc moins de capacités financières disponibles à investir dans les cryptomonnaies.

Et, lorsqu'elles le font, les investisseuses « sont moins sujettes à [le faire] dans des placements risqués », analyse la présidente de l'Adan. Un constat partagé par le baromètre de l'AMF, qui montre que 48% des femmes interrogées refusaient le risque en matière d'investissement, contre 36 % des hommes en 2022. « On avance souvent, en effet, la peur du risque comme explication », analyse Titiou Lecoq. Mais selon elle, « cela n'explique pas tout et a tendance à réduire le sujet à un trait de caractère propre à la femme », nuance-t-elle. L'autrice rappelle que « le discours économique adressé aux femmes depuis des années, voire des siècles, consistait à leur apprendre comment bien dépenser leur argent, quand celui dispensé aux hommes était de gagner de l'argent. Or, investir c'est gagner de l'argent ».

« Et ce sont des stéréotypes que les femmes ont très bien intégré, expliquant ainsi la peur du risque qu'elles peuvent éprouver », conclut-elle, précisant néanmoins que, là encore, la situation tend à évoluer de manière positive.

Cette peur de privilégier des placements plus risqués peut d'autant plus les éloigner des cryptomonnaies que ces dernières ont traversé - en 2022 particulièrement - et, plus largement, ces dernières années, une période de turbulences marquée par une série de scandales et un effondrement des cours (-63% pour le bitcoin sur l'année 2022).

Un manque de représentations féminines

Enfin, l'industrie crypto fait surtout face à un manque criant de représentations féminines dans l'espace médiatique. Selon le livre blanc Femmes crypto et web 3 publié par Coinhouse en janvier, seuls 13% des fondateurs de projets et d'entreprises cryptos sont des femmes. « La survisibilité des hommes dans ce monde fait que les femmes s'identifient moins à cet univers et qu'elles vont donc moins investir dedans », regrette Faustine Fleuret qui insiste : l'investissement en crypto « restera peu accessible aux femmes tant qu'on ne mettra pas en valeur les entrepreneures ».

Lire aussi« Il faut faire évoluer l'image de l'industrie auprès des jeunes filles » (Frédérique Le Grevès, STMicroelectronics)

Un objectif que s'est fixé le collectif Gxrls Revolution fondé en mars 2022 par JessyJeanne et Annelise Stern avec pour vocation de mettre en valeur des artistes féminines qui souhaitent vendre leurs oeuvres au format NFT (jeton cryptographique stocké sur une blockchain) et, de ce fait, inciter les investisseuses à en acheter. « On a démarré avec des workshops en ligne, des vidéos sur Youtube et des podcasts et, désormais, on commence à organiser des événements en présentiel », détaille Annelise Stern qui explique : « l'objectif est de ramener un maximum de femmes dans ces espaces et de les inciter à participer à ce types d'événements [sur les cryptomonnaies, ndlr] ».

Et « ce qui est très important et qui marche très bien, c'est d'avoir des modèles auxquels elles peuvent s'identifier. Même si les événements sont ouverts à tous, on essaye de privilégier à 99% des intervenantes sur scène », insiste celle qui a elle-même plongé dans cet univers grâce aux contenus postés par « une jeune entrepreneuse et artistes qui s'était mise à faire des NFT et à en acheter. En voyant quelqu'un qui me ressemble le faire, j'ai décidé de me lancer », raconte-t-elle.

Transmission et structuration du milieu

Une transmission que la journaliste Léa Lejeune met à l'œuvre à travers sa plateforme d'éducation financière Plan Cash. Créée il y a deux ans et demi, elle « parle d'argent et d'investissement aux femmes entre 28 et 45 ans environ » et propose des formations payantes (39,90 euros). L'objectif est « de montrer aux femmes qu'il est important de savoir pourquoi on investit ou pas, de comprendre les mécanismes spéculatifs qui peuvent être portés à l'extrême notamment avec les petites cryptos », explique Léa Lejeune. Car, « si on laisse les femmes à la porte de cet écosystème et que ces technologies se développent encore davantage, elles vont se retrouver exclues de ces domaines de pouvoir », alerte-t-elle.

Lire aussiCryptomonnaies : adopté par l'Europe, le règlement MiCA doit mettre « fin au Far West »

Par ailleurs, le monde des cryptomonnaies se structure de plus en plus, et ce, notamment depuis le vote, le 20 avril 2023 par le Parlement européen du règlement MiCa (Market in crypto assets). Ce texte prévoit, pour la fin de l'année, la création d'un agrément obligatoire pour les plateformes cryptos souhaitant fournir leurs services dans toute l'Union européenne, en échange d'un certain nombre d'obligations. En outre, les députés européens ont également adopté texte TFR (transfer of funds regulation) destiné à lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. « La régulation du secteur qui se structure progressivement donnera plus de crédibilité à ce monde et une image moins risquée », prédit ainsi la présidente de l'Adan qui y voit donc un terrain plus favorable à l'arrivée des investisseuses.

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Commentaires 7
à écrit le 08/03/2024 à 0:53
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Le bitcoin ne sert à rien (je ne parle pas de la blockchain). Inutile de se cacher sous le terme d' "investisseur". Ceux qui en achètent ne sont que des spéculateurs bêtes et méchants. Ceux qui les produisent (qui les "minent" comme ils disent) sont ...

à écrit le 07/03/2024 à 14:52
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Les femmes sont plus malines : elles s'intéressent aux hommes qui ont des bitcoins plutôt qu'aux bitcoins.

le 08/03/2024 à 3:00
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@Ménon "elles s'intéressent aux hommes qui ont des bitcoins" Pas convaincu car les hommes s'intéressant aux crypto-jetons sont essentiellement jeunes et fauchés avec une forte addiction pour les jeux d'argent tandis que la valorisation des cr...

à écrit le 07/03/2024 à 13:34
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Je vais oser dire un affreux préjugé sexiste: les femmes sont généralement moins encline au risque. Je vais même pousser le bouchon trop loin: il y a en moyenne des différences entre les hommes et les femmes et c'est pas plus mal. Prendre des risque ...

à écrit le 07/03/2024 à 12:59
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les crypto sont le pire de ce que la finance peut faire. Une richesse absorbée sans utilité, une consommation d'électricité phénoménale, une activité largement dominée par des transactions douteuses et un espoir de profits énormes sous couvert moral ...

à écrit le 07/03/2024 à 9:05
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et le jour ou le bitcoin ne vaudra plus rien aurons nous un article disant que c est une affreuse discrimination sexiste car 70 % des perdants sont des hommes ? Il faut arreter de se prendre pour Sandrine Rousseau et tout voir par le prisme du sexe. ...

à écrit le 07/03/2024 à 7:47
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Elles sont moins cupides or le bitcoin est une valeur spéculative dont l'intérêt premier est de faire du fric et non de bâtir tel ou tel projet.

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