Le saviez-vous ? L'ancien président de la République François Hollande n'a pas seulement été député-maire de Tulle et président du conseil général de Corrèze, il a aussi été conseiller régional du Limousin. Une fois à l'Elysée, il a fait deux adopter en 2015 deux projets de loi réformant le rôle et le périmètre des conseils régionaux : la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, suivie de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé) confortant les conseils régionaux comme moteurs économiques. Officiellement retraité de la vie politique nationale depuis l'élection d'Emmanuel Macron au printemps 2017, l'ancien chef de l'Etat reste toujours écouté par les élus locaux concernés. Huit ans après ces deux textes, François Hollande était en effet, ce 18 décembre au Sénat, le grand témoin du 25ème anniversaire de l'association Régions de France.
« Nous n'avons jamais été au bout du transfert des moyens »
Comme à son habitude, mi-grave, mi-léger, l'ancien chef d'Etat a disserté sur des régions « qui ont pris confiance en elles-mêmes et ont été capables de monter des projets et de faire entendre leur voix ». « C'est le conseil régional qui est devenue la collectivité territoriale qui met en œuvre les politiques publiques avec une taille et des moyens assurant leur développement », a-t-il ajouté.
« Nous n'avons jamais été jusqu'au bout du transfert des moyens, des ressources et des compétences », a aussitôt concédé, et de manière surprenante, François Hollande. « J'ai sans doute commis les mêmes péchés que mes prédécesseurs et mon successeur avec toujours l'idée que l'Etat doit être le premier et que les régions doivent suivre », a-t-il poursuivi.
Avant de pointer « un Etat central aussi puissant et aussi pauvre en moyens et en ressources, qui crée une insatisfaction qui pèse sur la démocratie. Autant la centralisation constitue un « système efficace » pour les questions régaliennes (police, justice, défense, Ndlr) ; pour autant, « ce qui devient insupportable, c'est d'être entravé dans sa liberté par une tutelle technique, permanente ». « Il faut plus de liberté dans l'application des règles », a exhorté l'ex-locataire de l'Elysée.
Pour une réforme de la fiscalité locale afin de sortir de l'ambiguïté
Car ce que demandent les collectivités, c'est « plus d'autonomie ». A Matignon de 2002 à 2005, le Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, a introduit dans la Constitution le principe d'autonomie financière, mais le Conseil constitutionnel a considéré qu'il était possible de supprimer un impôt, a encore persiflé François Hollande en référence à la fin de la taxe d'habitation actée dès le projet de loi de finances 2018 de l'automne 2017.
« Le problème, c'est de ne plus disposer de ressources propres. Il n'y a pas d'organisation démocratique sans l'autorité d'émettre une dépense et, en contrepartie, de voter une recette. Quand une partie des citoyens ne paient plus d'impôts, il s'opère une distinction entre ces mêmes citoyens et une distance entre les citoyens et les responsables politiques », a enchaîné l'ex-président.
Avocat de transferts d'impôts d'Etat, François Hollande a poussé à une réforme de la fiscalité locale « pour qu'il puisse y avoir des ressources décidées par les élus eux-mêmes ». « Sinon, subsiste une ambiguïté : plus personne ne sait qui paie et où va l'impôt », a-t-il exposé.
Un « regret » face à une situation « archaïque »et « injuste »
Il s'agit même de « l'un de [ses] regrets » : « nous avons laissé notre fiscalité locale dans un état archaïque et injuste. Il a été commode ensuite d'en supprimer un certain nombre d'éléments (taxe d'habitation, CVAE... Ndlr), mais il y a sûrement une refonte générale qu'aucun gouvernement n'a menée car il y a des transferts de prélèvements qui sont extrêmement préjudiciables pour ceux qui en décident ».
Et d'asséner encore : « Qu'il n'y ait pas eu d'impôt sur le revenu additionnel et qu'il n'y ait jamais eu d'impôt économique pour les collectivités locales, quand vous ne disposez plus de la possibilité de lever l'impôt sur tous les citoyens et quand vous n'avez même plus intérêt à accueillir des habitants ou des installations économiques sur votre territoire, ça pose quand même un problème. La grande réforme à faire, c'est celle de la fiscalité locale ».
« Il faut réintéresser les élus à construire, à accueillir une population et à avoir toutes sortes de zones d'activité. Il faut les rendre bâtisseurs, investisseurs et innovateurs », a encore lâché l'ancien chef de l'Etat.
Deux options sur la table
Le même a admis « ne pas avoir été très généreux » sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), principale subvention de l'Etat à destination des collectivités territoriales, « même si nous avons veillé qu'elle puisse être d'une certaine manière mieux péréquée », s'est-il ensuite défendu. « En France, le système mixte, à base de dotations, de compensations et d'impôts, est illisible », a-t-il encore fustigé.
Pour en sortir, François Hollande a posé deux options sur la table : soit un système à l'allemande où il n'y a que des dotations et où il n'y a plus de fiscalité du tout, « supposé être le système de la confiance réciproque », soit un système où les élus locaux décident des dépenses et des recettes nécessaires. Il serait « nécessaire » de choisir l'une des deux options et de « s'y tenir », a-t-il martelé.
« Les Français ne comprennent plus rien au système de prélèvements », a affirmé, sans détour, l'ex-locataire de l'Elysée.
La « chance » des présidents de région
Aux questions « Quelles compétences envoyer aux régions ? », « Quelle différenciation l'Etat est-il prêt à accepter ? » et « Quelles recettes ? », sa religion est faite : « sur la base de ces clarifications, c'est aux élus de pouvoir mettre en œuvre ».
Car là réside « la chance » des présidents de conseil régional : leur mandat dure sept ans, jusqu'en 2028. « Profitez du temps, vous avez tout l'avenir devant vous », s'est encore exclamé François Hollande.
Il en sait quelque chose : lui-même pressé par la gauche du Parti socialiste, victorieuse à une primaire interne, et la percée politique de son ministre de l'Economie, un certain Emmanuel Macron, il avait dû renoncer, dès décembre 2016, à se représenter à l'élection présidentielle...