G20 : l'absence de Vladimir Poutine et Xi Jinping compromet toute chance d'accord

L'Inde accueille ce week-end un sommet du G20. Joe Biden compte profiter de l’absence de ses homologues chinois et russe pour renforcer ses alliances au sein d'un bloc fortement divisé. Peu de chance néanmoins que les pays présents arrivent à surmonter leurs désaccords sur de nombreux sujets, comme la guerre en Ukraine, l'élimination progressive des énergies fossiles ou encore la restructuration de la dette pour s'attaquer aux problèmes mondiaux cruciaux, sur l'énergie et le climat notamment.
Le sommet du G20 va se tenir à New Delhi en Inde. En 2021, il avait eu lieu à Rome à la fin du mois d'octobre.
Le sommet du G20 va se tenir à New Delhi en Inde. En 2021, il avait eu lieu à Rome à la fin du mois d'octobre. (Crédits : Reuters)

« Une Terre, Une famille, Un avenir ». Tel est le slogan, optimiste, du sommet du G20 qui se tient les 9 et 10 septembre, à New Delhi, en Inde. Mais les dirigeants du groupe - qui rassemble 19 pays, ainsi que l'Union européenne, et représente 85% de l'économie et les deux tiers de la population mondiale - sont déchirés comme jamais. Les présidents chinois et russe vont même snober la réunion (lire encadré ci-dessous). Ces deux jours vont ainsi être l'occasion d'aborder les divergences béantes sur la guerre en Ukraine, l'élimination progressive des énergies fossiles et la restructuration de la dette. Des sujets qui vont probablement empêcher tout accord.

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Joe Biden compte y discuter « d'une série d'efforts conjoints pour s'attaquer aux problèmes mondiaux », notamment le changement climatique et « l'atténuation des conséquences économiques et sociales de la guerre menée par la Russie en Ukraine », a déclaré le conseiller à la sécurité nationale à la Maison Blanche, Jake Sullivan. Le président américain veut également profiter de ce sommet pour renforcer ses alliances au sein du G20 et offrir un soutien aux pays en développement.

Des absences qui font tache

L'absence du président chinois devrait peser sur les efforts déployés par les États-Unis pour que le G20 reste le principal forum de coopération économique mondiale.

« Sans la participation de la Chine, des questions risquent de ne pas voir le jour ou de ne pas aboutir à une conclusion logique », estime Happymon Jacob, professeur de sciences politiques à l'université indienne Jawaharlal Nehru.

Autre ombre planant sur le sommet : la guerre en Ukraine. « Tant que la Russie ne mettra pas fin à cette guerre, ce ne pourra jamais être "business as usual" », a estimé le porte-parole du gouvernement allemand, Wolfgang Buechner.

Les crises mondiales auxquelles le G20 est confronté sont « bien plus difficiles, plus compliquées et plus inquiétantes qu'elles ne l'ont été depuis longtemps », a souligné pour sa part le ministre indien des Affaires étrangères, Sergueï Jaishankar.

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L'Inde veut se démarquer

L'Inde, qui vient d'affirmer son statut de puissance spatiale en posant un engin sur la Lune en août, voit dans sa présidence du G20 un moment charnière qui fera définitivement d'elle un acteur mondial de premier ordre. Le Premier ministre Narendra Modi présente le pays comme le leader autoproclamé du « Sud global », qui se veut un pont entre les pays développés et les pays en développement, et fait pression pour que le bloc s'élargisse au "G21" en accueillant l'Union africaine.

Narendra Modi tente aussi d'utiliser le G20 pour réformer les institutions multilatérales, comme l'ONU, et y donner plus de poids aux pays en développement. « L'émergence de l'Inde en tant qu'économie à la croissance la plus rapide au monde et son approche inclusive sont de bonnes nouvelles pour les pays du Sud », juge l'ancien diplomate indien Sujan Chinoy, directeur de l'Institut Manohar Parrikar pour les études et les analyses de défense.

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Peu de chance d'accord

Mais les efforts du dirigeant indien pour pousser ses homologues du G20 à surmonter leurs désaccords et à s'attaquer aux problèmes mondiaux cruciaux ont été vains lors des réunions ministérielles qui ont précédé le sommet. Fin juillet, les ministres de l'Environnement du G20 ont échoué à trouver un accord sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2025 pour faire face au changement climatique.

Et une semaine plus tôt, ce sont les ministres de l'Énergie du G20 qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un calendrier de réduction du recours aux énergies fossiles. Ils n'ont même pas mentionné le charbon, un combustible sale qui reste une source d'énergie essentielle pour l'Inde et la Chine. Ces deux pays comptent parmi les plus grands pollueurs de la planète. Mais ils affirment que les pays occidentaux, qui ont commencé à polluer pendant leur révolution industrielle il y a deux siècles, doivent assumer une responsabilité historique beaucoup plus grande dans la crise climatique.

Tout espoir de consensus au G20 sur l'énergie et le climat se heurte aussi à la résistance de pays comme l'Arabie saoudite et la Russie, qui craignent qu'une transition vers l'abandon des combustibles fossiles ne sape leurs économies.

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Coup de propre sur Delhi

Un important dispositif est déployé à New Delhi dans le cadre de la tenue de ce sommet. Côté sécurité, des dizaines de milliers d'agents de sécurité seront déployés, dont des tireurs d'élite positionnés sur les toits de la capitale. L'Inde s'est aussi munie de technologie anti-drone.

La police a promis une « réglementation élaborée » en matière de circulation. Ainsi, une vaste zone du centre-ville sera notamment interdite aux voitures, et seules des limousines blindées transporteront les dirigeants pendant le sommet. Les commerces de la ville ont reçu l'ordre de fermer. Un jour férié a également été décrété.

Les autorités ont détruit les bidonvilles illégaux construits dans le secteur et réaménagé les principales artères de la ville. Selon les autorités locales, plus de 4.000 sans-abris vivant sous les ponts et aux abords des routes du centre-ville ont été transférés dans des « foyers d'accueil » avant le sommet. Des fontaines ont été remises en service, les marquages routiers refaits, des pots de fleurs installés dans toute la ville et de nouvelles statues érigées.

Enfin, une trentaine d' « hommes-singes » ont été déployés à New Delhi. Leur mission ? Imiter les cris des singes langur, ennemis naturels des macaques rhésus qui ont envahi la capitale indienne. Des silhouettes grandeur nature de langur ont également été installées dans les rues de New Delhi pour effrayer les primates. Les autorités ont toutefois interrompu une vaste opération de réduction du nombre des chiens errants, qui a provoqué la colère des habitants de New Delhi et des défenseurs des animaux. La capitale étant aussi en proie à la dengue et au paludisme, huit équipes munies de pulvérisateurs d'insecticide traitent actuellement les zones de reproduction des moustiques sur le site du G20, a rapporté le Hindustan Times.

Qui vient en Inde et qui ne vient pas ?

Le président russe Vladimir Poutine ne participera pas à la réunion du G20. En mars, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt à son encontre, l'accusant de crimes de guerre pour la déportation illégale d'enfants ukrainiens. Si le Kremlin nie ces accusations, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov dirigera la délégation russe, comme il l'avait fait lors du sommet des BRICS en Afrique du Sud le mois dernier.

Le président chinois Xi Jinping n'assistera pas non plus au sommet, sans qu'une raison officielle n'ait été avancée. C'est le Premier ministre Li Qiang représentera l'Empire du Milieu. La Chine voit d'un mauvais œil l'appartenance de l'Inde au Quad, un partenariat de sécurité avec l'Australie, le Japon et les États-Unis, qu'elle considère comme un effort pour contrer son influence. La Chine a également un différend frontalier de longue date avec l'Inde. Un affrontement meurtrier dans l'Himalaya en 2020 avait déclenché une grave crise diplomatique entre les deux pays.

Etant le Premier ministre du pays hôte, Narendra Modi s'est réjoui de cette occasion donnée à son pays et à lui-même de briller sur la scène internationale. Joe Biden, lui, sera accompagné de la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, dont c'est la quatrième visite en Inde en dix mois.

Le chancelier allemand Olaf Scholz, le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen feront partie des principaux dirigeants de l'Union européenne lors du sommet. Les autres membres du G7, à savoir le Royaume-Uni, le Canada, le Japon et l'Italie, seront représentés par leurs Premiers ministres respectifs, Rishi Sunak, Justin Trudeau, Fumio Kishida et Giorgia Meloni.

Les présidents indonésien Joko Widodo et sud-coréen Yoon Suk Yeol et le Premier ministre australien Anthony Albanese sont également attendus. Le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan y assistera en personne, tout comme le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Une délégation de l'Afrique du Sud, seule nation africaine membre du G20, sera conduite par le président Cyril Ramaphosa. Les présidents brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et argentin Alberto Fernandez devraient être présents, mais probablement pas leur homologue mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, selon les médias indiens.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, assistera en tant qu'observateur, de même que les dirigeants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Le président du Nigeria Bola Ahmed Tinubu fait aussi partie des invités.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 06/09/2023 à 15:28
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"L'Inde veut se démarquer" Effectivement : Bientôt « Bharat » au lieu d’ « Inde » ? Les Indiens se perdaient ce mardi en conjectures à la suite de rumeurs selon lesquelles les autorités prévoient d’abandonner l’utilisation officielle du nom an...

à écrit le 06/09/2023 à 15:11
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« Une Terre, Une famille, Un avenir " Heureusement pour eux que le ridicule ne tue pas, dommage pour nous. En 40 ans de finances cupides et de dirigeants incompétents à l'ego sur-dimensionné, le bilan c'est : Terre... perte des eco systemes, Fa...

à écrit le 06/09/2023 à 12:18
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Une énorme crise économique générée par notre classe dirigeante qui permet de moins détruire la planète certes mais que seules les populations civiles payent plein.pot.

à écrit le 06/09/2023 à 10:13
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Ces gens tout puissants ne peuvent rien contre le réchauffement climatique

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