Aménagement : 5 questions pour comprendre la loi sur la zéro artificialisation nette des sols (ZAN)

Après un an de passe d'armes entre les maires, le gouvernement, le Sénat et l'Assemblée nationale, la proposition de loi sénatoriale « visant à faciliter le déploiement des objectifs de zéro artificialisation nette au sein des territoires » vient d'être définitivement adoptée par le Parlement. Quel ont été les points de blocage ? Quel compromis a été trouvé sur la garantie rurale ? Quelle place pour les grands projets ? Quid de l'industrie verte ? Comment les élus locaux vont-ils s'en emparer ? Eléments de réponse.
César Armand
Alors que la France a artificialisé plus de 250.000 hectares de sols entre 2011 et 2021, il s'agit de limiter les droits à construire à 125.000 hectares d'ici à 2031.
Alors que la France a artificialisé plus de 250.000 hectares de sols entre 2011 et 2021, il s'agit de limiter les droits à construire à 125.000 hectares d'ici à 2031. (Crédits : Reuters)

C'est l'acronyme qui rend tout sauf zen les élus locaux chargés de l'appliquer : ZAN pour « zéro artificialisation nette » des sols. Toutes les opérations qui consistent à « transformer un sol naturel, agricole ou forestier par des opérations d'aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport » font en effet l'objet d'une réglementation stricte depuis la promulgation de la loi « Climat et Résilience » en août 2021.

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Alors que la France a artificialisé plus de 250.000 hectares de sols entre 2011 et 2021, il s'agit bien de limiter les droits à construire à 125.000 hectares d'ici à 2031, avant de viser la zéro artificialisation nette (ZAN) à horizon 2050. Maires et parlementaires savent que la conquête des terres agricoles constitue l'une des « causes premières du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité » mais diffèrent sur le chemin, semé d'embûches, pour inverser la tendance.

Contre tout attente, députés et sénateurs ont réussi à se mettre d'accord, en commission mixte paritaire, sur la version finale d'une proposition de loi sénatoriale « visant à faciliter le déploiement des objectifs de zéro artificialisation nette au sein des territoires ». L'Assemblée nationale a validé le texte, mercredi 12, à 169 voix contre 29, suivi par le Sénat, ce jeudi 13, à la majorité absolue, à 326 contre une.

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Ce texte adopté est l'épilogue d'âpres combats entre élus locaux, gouvernement et parlementaires.

Quel a été le premier point de blocage ?

Dès le 22 juin 2022, au lendemain des élections législatives, l'association des maires (AMF) a saisi le Conseil d'Etat sur deux décrets d'application de la loi "Climat & Résilience" publiés le 29 avril précédent. Une requête soutenue par par Françoise Gatel, présidente (UDI) de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Lors de la séance de questions au gouvernement, elle dénonce des décrets d'application « quasi kafkaïens », « qui déforment l'esprit de la loi » et [qui] « nous conduisent collectivement dans une impasse ».

En réponse, Christophe Béchu, ancien sénateur LR du Maine-et-Loire, admet « un manque d'information et d'outils pour être capables d'atteindre l'objectif ».

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Quel compromis a été trouvé sur la « garantie rurale » ?

C'était l'une des idées-phares du Sénat: laisser à chaque commune une enveloppe d'au moins un hectare. Soit près de 34.945 hectares au regard du nombre de communes au 1er janvier. L'Assemblée défendait, elle, une « garantie rurale » équivalente à 1% du total artificialisé entre 2011 et 2021 pour que ces maires puissent « loger les habitants et accueillir les entreprises. »

Les deux Chambres ont finalement tranché en faveur d'une enveloppe d'un hectare pour toutes les communes ayant consommé moins de 2 hectares entre 2011 et 2021. Près de 17.000 communes sont éligibles, déclare, à La Tribune, le député (apparenté Renaissance) Bastien Marchive, rapporteur à l'Assemblée. Cela représente plus ou moins 8.000 hectares, assure, de son côté, la sénatrice centriste du Nord, Valérie Létard, à l'origine du texte sénatorial. Seule condition: être doté d'un document d'urbanisme ou en prescrire un avant 2026, date des prochaines élections municipales.

Au cas où une commune concernée refuserait son droit à l'hectare, il pourrait remonter au niveau de l'intercommunalité.

Quelle place pour les grands projets ?

Autre sujet qui fâchait: les grands projets nationaux d'intérêt général. Les macronistes du Palais-Bourbon voulaient les définir par décret et limitativement énumérés », afin de ne pas impacter les droits à construire des communes les accueillant. Les sénateurs conseillaient, eux, de placer les grands projets d'envergure dans un « compte foncier national » spécifique.

12.500 hectares leur sont finalement réservés dont 2.500 rien que pour l'Île-de-France, la Corse et les Outre-Mer, territoires denses ou iliens. Pour les 10.000 restants, ils seront définis par arrêté ministériel et serviront à des infrastructures aussi diverses que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, la production d'énergie renouvelables, les Systèmes express régionaux métropolitains (SEMR), les lignes à grande vitesse, les prisons, les autoroutes...

En cas de désaccord entre l'Etat et les conseils régionaux concernés, les parlementaires ont instauré une « commission régionale de conciliation » réunissant les services déconcentrés (préfecture...) et les élus locaux.

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... et quid de l'industrie verte ?

Sur ce projet-phare du gouvernement, encore en cours d'examen, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique avait affirmé, le 31 mai, « souhaiter [à titre personnel] que les projets d'industrie verte (éolien, pompes à chaleur, batteries électriques, hydrogène vert, photovoltaïque) soient exemptés du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols ».

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Dans ce cas de figure, le rapporteur de l'Assemblée, le député Marchive, poussait à ce que sur l'enveloppe des projets d'intérêt national, il reste plus ou moins « 5.000 hectares » pour l'industrie verte, c'est-à-dire de « l'ajouter au pot commun ». A date, aucun chiffre spécifique n'a été communiqué, conformément à la volonté du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu.

Comment les élus locaux vont-ils s'en emparer ?

L'adaptation des documents d'urbanisme va se faire progressivement: au plus tard novembre 2024 pour les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), février 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (SCoT - à l'échelle de plusieurs intercommunalités) et février 2028 pour les plans locaux d'urbanisme communaux (PLU) et intercommunaux (PLUi)

Une clause de revoyure en 2026 est également prévue juste après les élections municipales, à mi-chemin entre l'adoption de la loi en 2021 et le premier palier de 2031 de non-artificialisation des sols.

Les maires pourront enfin faire se servir de deux outils actualisés en ce sens: le sursis à statuer pour suspendre un projet, ainsi que le droit de préemption au nom de la requalification des friches ou de la renaturation. Ce dernier existe déjà, mais devait être motivé. La ZAN devient un nouveau motif, souligne la sénatrice Valérie Létard.

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L'élue centriste du Nord demande encore au gouvernement de réfléchir aussi aux moyens pour la reconquête des friches urbaines et pour l'ingénierie des petites communes. « Revoir un plan local d'urbanisme, cela a un coût », illustre-t-elle. Valérie Létard aurait tort de s'en priver: dans deux mois, se tiendront les élections sénatoriales. Les maires sont des grands électeurs comme les autres...

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 14/07/2023 à 10:17
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Qui il faudra payer et combien pour ne pas avoir à s'y soumettre svp ? Non mais comme ça ça ira plus vite.

à écrit le 14/07/2023 à 10:08
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L'artificialisation des sols passe aussi par la construction des fondations des maisons, ce qui devrait donc se limiter à des pilotis !

à écrit le 14/07/2023 à 8:30
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Le ZAN est une ânerie qui va concentrer les problèmes par la densification, alors qu'il faudrait déconcentrer, aérer les espaces bâtis. Il y a largement assez de terres cultivables en France pour assurer notre autosuffisance.

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