BCE : vers de nouvelles hausses des taux pour lutter contre l'inflation ?

Après l'annonce, jeudi, d'un relèvement des taux d'intérêts directeurs de la Banque centrale européenne de 75 points de base, l'incertitude demeure sur la teneur des prochaines hausses. Selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, l'institution n'est « en rien obligée lors de la prochaine réunion de reproduire » cette hausse. Ce qui devrait apaiser les marchés, mais aussi les Etats membres qui redoutent que la nouvelle politique monétaire européenne ne mène à une récession.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. (Crédits : Reuters)

Jamais deux sans trois : c'est du moins ce qui a pu se vérifier jeudi avec l'annonce par la Banque centrale européenne (BCE) d'une troisième hausse de ses taux d'intérêt directeurs de 75 points de base. Un relèvement de même ampleur que le précédent en septembre, le premier en juillet étant de 50 points de base. L'objectif : faire ralentir l'inflation qui atteignait 10% en septembre au sein de la zone euro (les 19 pays à avoir adopté la monnaie unique). Si la hausse des prix venait à se poursuivre, faut-il imaginer de nouveaux relèvements jusqu'à redescendre à 2% d'inflation, l'objectif que s'est fixé l'institution monétaire ?

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Pas nécessairement, a répondu, ce vendredi, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. « Nous ne sommes pas abonnés à ce qu'on a appelé des hausses jumbo », a dit François Villeroy de Galhau au cours d'une interview dans l'émission en ligne Ecorama, affirmant que les gouverneurs de l'institution ne sont « en rien obligés lors de notre prochaine réunion de reproduire la hausse à 75 points de base que nous avons (décidée) en septembre puis en octobre ». « Notre boussole, c'est l'inflation », a poursuivi le gouverneur de la Banque de France, ajoutant que « trop d'inflation, c'est mauvais pour la croissance ».

La croissance pourrait aussi pâtir du resserrement de la politique monétaire de la BCE. En effet, en rendant le crédit plus coûteux pour les ménages et les entreprises de sorte à freiner la demande, l'institution pèse sur la croissance de la zone euro et fait craindre le risque d'une récession.

D'autant que l'économie européenne souffre déjà durement des conséquences de la guerre en Ukraine. « L'inflation, c'est une maladie de l'économie », a poursuivi François Villeroy de Galhau, estimant que « comme toute maladie, plus on la traite tôt moins le traitement doit être lourd ». Pour la France, le gouverneur a prédit que s'il y a une récession, elle sera « limitée et temporaire ». Il est trop tôt pour mesurer les effets de la politique monétaire sur l'inflation, a-t-il par ailleurs affirmé, rappelant que les délais de transmission des décisions monétaires sur l'économie sont entre un et deux ans

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Espoir des marchés d'une accalmie sur les hausses de taux

Trop tôt, mais pas moins inquiétant pour autant, en particulier pour les marchés. Car la BCE n'est pas la seule à privilégier un resserrement monétaire face à l'inflation. C'est également le cas de la Réserve fédérale américaine qui a opéré cinq relèvements successifs si bien que son principal taux directeur s'élève désormais dans une fourchette de 3 à 3,25%. Et elle devrait poursuivre dans cette logique avec d'autres hausses à venir. De même, la Banque du Canada a annoncé, mercredi dernier, une hausse de son taux directeur de 50 points de base. C'est toutefois moins que ce à quoi s'attendaient les analystes, laissant aux marchés boursiers l'espoir d'un ralentissement des hausses de taux des autres banques centrales.

En réaction, les Bourses ont d'ailleurs clôturé dans le vert : +0,41% à Paris, +1,09% à Francfort, +0,61% à Londres et +0,45 à Milan.

Pour Michael Hewson, analyste de CMC Markets, cela « suggère que les banques centrales commencent à se rendre compte que des hausses de taux trop importantes pourraient faire plus de mal que de bien ». La question pour les investisseurs est désormais de « savoir si la Réserve fédérale pourrait suivre la semaine prochaine » en annonçant une hausse de ses taux moins élevée qu'attendu, ajoute-t-il. D'autant plus que les ventes de maisons neuves aux Etats-Unis ont chuté de 10,9% en septembre sur un mois, les hausses de taux de la Fed se répercutant sur le secteur immobilier.

Du côté de la BCE, l'incertitude demeure quant à la teneur des futures hausses de taux, comme l'explique François Villeroy De Galhau. En effet, la BCE a abandonné la "forward guidance", c'est-à-dire les indications sur l'orientation future de la politique monétaire, qui avait été mise en place ces dernières années dans un contexte de risque déflationniste. Or, le contexte est aujourd'hui radicalement différent, avec des taux plus élevés. Il devient de plus en plus difficile d'anticiper l'environnement économique, surtout depuis la guerre en Ukraine.

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La BCE, comme l'a expliqué sa présidente Christine Large privilégie désormais une approche « réunion par réunion », note Pietro Baffico, économiste européen chez abrdn. « Il ne faut pas non plus s'étonner que la présidente Lagarde ait évité de s'engager à l'avance sur le rythme et la vitesse des futures hausses, signalant ainsi qu'il reste du chemin à parcourir pour la normalisation des politiques monétaires », explique-t-il, pointant néanmoins que « la BCE a reconnu un ralentissement de l'activité dès le troisième trimestre et une détérioration des perspectives économiques, avec des risques de récession. Pour cette raison, les marchés se sont ajustés à la baisse, prévoyant une hausse plus faible de 50 points de base en décembre ». Et de conclure que « beaucoup dépendra encore de l'évolution de l'inflation, étant donné la détermination de la BCE à la combattre ».

Les Etats membres alertent sur les risques de récession, mais la BCE tient bon

La BCE subit également les pressions des Etats membres qui s'inquiètent de devoir faire face à une récession. Mi-octobre, Emmanuel Macron s'est, ainsi, alarmé, appelant la BCE à ne pas « briser la demande » pour contenir l'inflation puisque cette dernière « a d'abord été importée de l'extérieur, elle n'est pas liée à une demande trop forte ». « Il faut faire très attention. Contrairement aux Etats-Unis, nous ne sommes pas dans une situation de surchauffe européenne », a-t-il mis en garde.

De son côté, Christine Lagarde a répondu aux préoccupations de certains responsables politiques en rappelant l'impacte que la politique budgétaire peut avoir sur l'inflation, « suggérant que les politiques de lutte contre la crise du coût de la vie sont plus efficaces lorsqu'elles sont ciblées, adaptées et temporaires », indique Pietro Biaffico, soulignant que « Mme Lagarde a évité de se laisser entraîner à donner son point de vue sur cette position des gouvernements et a fait remarquer qu'elle se concentrait sur le mandat de stabilité des prix ». Selon l'expert, « plutôt que de céder aux pressions politiques, nous pensons que la BCE finira par décider de mettre en pause son cycle de resserrement plus tard dans le courant de l'année prochaine, une fois que la récession probable aura atténué les pressions inflationnistes ».

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 02/11/2022 à 14:53
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Dr.

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