Agences de notation : ces petites nouvelles qui se lancent à l’assaut des "Big Three"

DE Luxe Rating, une agence de notation spécialisée dans le secteur du luxe, a vu le jour le 25 novembre. En décembre ou en janvier, ce sera au tour d’Arc Ratings d’être portée sur les fonts baptismaux. Ces agences s’engouffrent dans la brèche ouverte par les critiques sur le rôle de S&P, Moody’s et Fitch dans la crise financière de 2008.
Christine Lejoux
S&P, Moody’s et Fitch s’arrogent plus de 90% du marché mondial de la notation. REUTERS.

Le petit monde des agences de notation financière est en effervescence. Le 25 novembre, une agence de "rating" d'un genre nouveau a vu le jour. Lancée par le cabinet de conseil Centre du luxe et de la création et par l'agence de publicité Grey Paris (groupe WPP), DE Luxe Rating, comme son nom l'indique, présente la particularité d'analyser uniquement les entreprises du secteur du luxe, à l'échelle mondiale. Et de les analyser non seulement à l'aune de leur solvabilité financière, comme le font les grandes agences de notation classiques Standard & Poor's (S&P), Moody's et Fitch, mais également sur la base de critères extra-financiers tels que la créativité, le savoir-faire et l'image de marque.

 Par ailleurs, estimant que les analystes crédit traditionnels se concentrent essentiellement sur les grands groupes cotés en Bourse, DE Luxe Rating focalisera son attention sur les sociétés réalisant 30 millions à 250 millions d'euros de chiffre d'affaires "seulement", lesquelles représentent "environ les trois quarts des marques du secteur du luxe", selon Jacques Carles, président du Centre du luxe et de la création.

 S&P, Moody's et Fitch s'arrogent plus de 90% du marché mondial de la notation

 Dans quelques semaines, le mois prochain ou en janvier, c'est Arc Ratings qui sera portée sur les fonts baptismaux. Cette agence de notation, qui prendra ses quartiers à Londres, est une co-entreprise entre plusieurs agences de rating : la portugaise Companhia Portuguesa de Rating, l'indienne Credit Analysis and Research, la sud-africaine Global Credit Rating, la malaisienne Malaysian Rating Corporation et la brésilienne SR Rating.

 L'objectif de ces dernières est très clair : représenter une alternative à S&P, Moody's et Fitch, qui s'arrogent plus de 90% du marché mondial de la notation de la solvabilité des entreprises et des Etats. Un marché lucratif, les agences étant rémunérées par les émetteurs qu'elles notent. "Les vieilles approches et méthodes ne sont plus suffisantes dans le paysage financier post Lehman-Brothers", crache José Poças Esteves, directeur général d'Arc Ratings, qui souhaite que cette dernière reflète "une économie mondiale multi-polaire", par opposition aux Big Three "centrées sur les Etats-Unis."

 Deux liquidateurs de Bear Stearns ont porté plainte contre les Big Three

 Un discours qui n'est pas sans rappeler celui tenu un an plus tôt par Universal Credit Rating Group, une agence de notation créée en octobre 2012 par la russe Rusrating, la chinoise Dagong et l'américaine Egan-Jones. Universal Credit Rating avait été présentée comme une agence "entièrement indépendante", ayant pour objectif de "ne représenter les intérêts d'aucun pays ou groupe en particulier."

Autant d'allusions à peine voilées aux méthodes contestées des Big Three, accusées de ne pas avoir vu venir la crise financière de 2008. Voire, pis, d'y avoir contribué en octroyant sciemment d'excellentes notes de crédit à des produits financiers pleins jusqu'à la garde de "subprimes" (crédits hypothécaires américains à risque).

 De fait, pas plus tard que le 11 novembre, deux liquidateurs de Bear Stearns ont porté plainte contre S&P, Moody's et Fitch, et leur réclament au moins un milliard de dollars, pour le compte de deux fonds de cette banque américaine rachetée en 2008 par sa compatriote JPMorgan. Au motif que ces fonds de Bear Stearns avaient à l'époque acheté des produits financiers toxiques sans le savoir, pour la simple raison que ceux-ci étaient très bien notés par les Big Three, ces dernières cherchant à tout prix à préserver leurs parts de marché auprès des émetteurs des produits en question.

 "La Commission européenne ne va pas assez loin", selon le Conseil économique et social européen

 Et il ne s'agit là que d'une poursuite parmi bien d'autres. A commencer par celles dont S&P fait toujours l'objet de la part du département américain de la Justice, qui cherche à récupérer jusqu'à 5 milliards de dollars au nom des investisseurs lésés par les notes trop généreuses accordées par l'agence à des produits financiers à risque avant la crise de 2008.

 De son côté, l'Europe a voté pas moins de trois cadres de réglementation des agences de notation, au cours des trois dernières années, afin, notamment, de tenter de réduire le poids des Big Three. Mais, après la publication des nouvelles règles entrées en vigueur le 20 juin dernier, le Comité économique et social européen a estimé que "la Commission (européenne) ne réagit qu'avec retard et ne va pas assez loin en ce qui concerne la qualité, la transparence, l'indépendance et la concurrence" du secteur. L'hégémonie des Big Three ne sera pas simple à combattre.

 

Christine Lejoux

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 26/11/2013 à 11:49
Signaler
Ce n'est pas tant le nombre d'agences de notation qu'il faut modifier, que le système même de ces agences. Etre juge et partie n'a jamais été gage d'honnêteté.

à écrit le 26/11/2013 à 8:51
Signaler
Les ratings sont des avis : ils n'engagent que ceux qui les écoutent. Surtout les gogos financiers qui donnent aux agences une importance qu'elles n'ont pas.

à écrit le 25/11/2013 à 19:33
Signaler
Il faut faire confiansssse...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.