Contrats d'assurance : Le grand flou des clauses d’exclusion

Nouveau rappel à l’ordre pour les assureurs : après les conclusions sans concession du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur l’empilement des frais sur les plans d’épargne retraite, c’est au tour du médiateur de l’assureur de souligner, dans son rapport annuel, le flou entretenu par certaines clauses d’exclusion des contrats d’assurance. Une mise en garde qui renvoie à la question des contrats de pertes d’exploitation mais aussi à des assurances habitation, automobile ou d’annulation de voyages.
Les deux tiers des saisines auprès du médiateur de l'assurance dans l'assurance dommages en 2020 concernent l'habitation et l'automobile.
Les deux tiers des saisines auprès du médiateur de l'assurance dans l'assurance dommages en 2020 concernent l'habitation et l'automobile. (Crédits : DR)

Le constat est sévère : de nombreux contrats d'assurance dommages comportent des clauses d'exclusion « floues », souvent invalidées par les décisions de justice. Il émane pourtant du médiateur de l'assurance qui vient de publier son rapport annuel 2020. Ce rappel à l'ordre intervient dans le contexte particulier de la longue bataille qui oppose certains restaurateurs à leur assureurs, Axa en tête, sur les garanties de pertes d'exploitation et leurs fameuses clauses d'exclusion.

L'affaire n'est d'ailleurs pas encore clairement tranchée par les tribunaux et Axa, leader en France sur l'assurance professionnelle des restaurateurs, a même initié en juin dernier une solution à l'amiable, dotée d'une enveloppe globale de 300 millions d'euros, pour régler ce contentieux qui nuit à son image. Le dispositif a cependant eu un démarrage difficile, aussi bien auprès des agents généraux que des restaurateurs concernés.Le bilan de l'opération sera fait à la fin du mois, date limite donnée aux restaurateurs pour accepter cette offre amiable.

Clauses formelles et limitées

« Le Code des assurances exige que les clauses d'exclusion soient d'une part en caractères très apparents et, d'autre part, formelles et limitées, c'est-à-dire précises », souligne ainsi le médiateur de l'assurance, Arnaud Chneiweiss, dans son rapport annuel. Et de rappeler que ces clauses ne doivent pas être un sujet d'interprétation. L'argument du médiateur est d'ailleurs proche de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait tranché en faveur d'un restaurateur, au motif que « l'application de la clause d'exclusion aboutit à priver le contrat de sa substance ».

«Les assureurs sont naturellement attentifs aux décisions de jurisprudence quelles qu'elles soient et travaillent à l'actualisation permanente de leurs contrats en vue de clarifier la portée de ces clauses d'exclusion », souligne de son côté la Fédération française de l'assurance.

Le médiateur ne vise pas uniquement les assurances professionnelles. Ce n'est qu'à partir de décembre 2020, sur instructions de Bercy, que les professionnels ont désormais la possibilité de saisir la médiation de l'assurance pour les litiges liés aux assurances professionnelles. En 2020, l'écrasante majorité des litiges concernent l'assurance habitation, automobile et de prévoyance (annulation des voyages). L'assurance affinitaire (téléphone portable...) est également un sujet qui monte auprès du médiateur.

Mais ce recours à la médiation pour les professionnels est l'un des facteurs qui expliquent la croissance accélérée des saisines. A la fin août, près de 20.000 demandes ont été effectuées par les assurés au cours des douze derniers mois, soit une hausse de plus de 30 % en rythme annuel. Sur 2020, le nombre de dossiers a progressé de 18% à 17.335.

Ces chiffres sont à relativiser face aux quelque 100 millions de contrats d'assurance dommages et responsabilité civile sur le marché français pour 13 millions de sinistres et plus de 50 millions de contrats d'assurance-vie. Pour la FFA, les raisons de cette augmentation des saisines « tiennent à la fois aux effets exceptionnels de la crise sanitaire ainsi qu'à la récente obligation de saisir le médiateur pour tout litige inférieur à 5.000 euros. Cette augmentation reflète également les efforts de la profession visant à mieux faire connaître auprès de ses clients l'existence du médiateur ».

Clarté des contrats

Parallèlement, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, avait donné mandat au médiateur pour se pencher sur l'assurance en pertes d'exploitation, tout comme sur les demandes de réductions de primes pendant les périodes de confinement. Le rapport, remis le 8 juillet dernier au ministre, avait, déjà, appelé à davantage de clarté dans la rédaction des contrats.

Reste que la médiation est loin d'être une garantie de succès pour les assurés. En 2020, le médiateur a ainsi donné raison aux assurés dans 30 % des cas seulement. Et, dans son rapport de juillet sur les pertes d'exploitation, le médiateur a souligné que dans 93% des cas (sur la quarantaine de décisions), il avait confirmé la position de l'assureur.

Ce qui tend à valider l'analyse du régulateur, lors de son enquête durant l'été 2020, qui a estimé que l'écrasante majorité des assurances en pertes d'exploitation ne couvraient pas les risques de pandémie. Mais, là aussi, le régulateur avait plaidé pour davantage de clarté dans les contrats.

Tirer les enseignements de la crise

L'an dernier, les assureurs ont dû faire face, en France, à une augmentation globale des sinistres de près 3 milliards d'euros (3,3 milliards pour l'assurance professionnelle et 800 millions au titre de la prévoyance, en partie compensée par la baisse de 1,2 milliard des sinistres "automobile"). Sans compter les catastrophes naturelles (3 milliards d'euros de sinistres), dont le coût a été multiplié par trois en 40 ans.

Malgré ce coût supporté par le secteur, qui a par ailleurs multiplié les gestes de solidarité (1,7 milliard d'euros) l'an dernier, les assureurs de la place reconnaissent la nécessité de travailler sur la lisibilité des contrats, même s'ils ont du mal à tirer tous les enseignements de la crise sanitaire, notamment dans la relation clientèle et le manque d'empathie dénoncé par les associations de consommateurs ou professionnelles, et du bout des lèvres, par le médiateur lui-même.

Cette clarification des contrats serait d'ailleurs également la bienvenue dans le domaine de l'assurance-vie, alors qu'un récent rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a pointé les dérives en matière d'empilement de frais sur les plans d'épargne retraite. Le rapport a d'ailleurs suscité la colère de certains assureurs, lesquels rappellent qu'une grande partie de ces commissions permettent de financer les réseaux de distribution, et donc le conseil. Il n'empêche, beaucoup d'efforts restent à faire sur la transparence des prix... après ceux des contrats.

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Commentaires 2
à écrit le 01/09/2021 à 6:49
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Au lieu d'être des béni oui oui les députés feraient bien de se lancer dans la révision du code des assurances. Un vrai job pour inutiles élus

à écrit le 31/08/2021 à 12:57
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Il’ y a pas que dans ces assurances là que le risque est exclu: une assurance emprunteur-immobilier- egalement : vous avez de l hyper tension : le risque est exclu de votre assurance . Vous avez une pathologie ophtalmique : le risque est exclu Dès ...

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