L'assurance-vie a retrouvé en juin une collecte nette positive (1,7 milliard) après la contre-performance du mois de mai, selon les derniers chiffres de France Assureurs. Le rebond de la collecte brute (+30%) s'explique sans doute par un effet de rattrapage avec la succession de ponts et jours fériés en mai.
Sur le premier semestre, la collecte nette s'établit au total à 4,1 milliards d'euros, fruit d'une collecte nette de 19,5 milliards d'euros sur les unités de compte et d'une décollecte de 15,5 milliards sur le fonds en euros. Les encours conservés en assurance-vie s'accumulent et franchissent pour la première fois de sa longue histoire le seuil des 1.900 milliards, à 1.911 milliards exactement, répartis entre 1.381 milliards sur le fonds en euros (au capital garanti, investi pour l'essentiel en obligations d'Etat ou sans risque) et 528 milliards en unités de compte (capital non garanti mais investi dans des actifs plus diversifiés, notamment en actions). En 2006, les encours de l'assurance-vie avaient dépassé les 1.000 milliards d'euros.
Décollecte structurelle sur le fonds en euros
La collecte nette au premier semestre 2023 est cependant trois fois moins importante que celle de l'an dernier. Et surtout bien moindre que celle du Livret A (25,8 milliards accumulés sur la même période).
« Ce résultat est en-deçà de la moyenne de l'assurance-vie sur ces dernières années. En 2022, la collecte nette du premier semestre était de 9,5 milliards d'euros. Avant la crise sanitaire, en 2019, elle s'était élevée à 14 milliards d'euros. Il y a indéniablement un effet taux de rendement », commente Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Épargne.
La décollecte sur les fonds en euros est, en effet, structurelle, répètent les assureurs, du fait que les cotisations sont investies autour de 60% dans ce dernier alors que les prestations (sorties) sont ponctionnées sur les encours (72%). Concrètement, pour dix euros investis en assurance-vie, six vont vers les fonds en euros tandis que pour dix euros retirés, ce sont sept euros qui sortent mécaniquement des fonds en euros. Rien à voir donc, selon France Assureurs, avec une éventuelle concurrence du Livret A.
L'explication peut s'entendre, d'autant que les sorties augmentent depuis quelques mois, avec même un bond de 21% en juin. Sur les six premiers mois de l'année, leur monté s'est élevé à 77,7 milliards, soit une hausse de 19% sur un an. C'est beaucoup.
Cette hausse des prestations, qui accélère mécaniquement les sorties sur le fonds euros (les sorties sur les UC sont plus marginales), s'explique tout d'abord par l'inflation, avec des épargnants qui commencent à puiser dans leur épargne.
Effet du crédit immobilier
Il y a également une autre explication, liée au marché de l'immobilier. « La hausse des taux, et les conditions de prêts immobiliers plus restrictives, conduit mécaniquement les ménages à augmenter l'apport personnel et donc à puiser dans leur épargne, notamment l'assurance-vie », explique Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs.
« En France, comme dans la plupart des autres pays d'Europe continentale, l'épargne est autant, voire davantage, affectée au financement de l'investissement-logement qu'à des emplois financiers. (...). Quand le crédit est plus rare et plus cher, la capacité à investir sur des actifs financiers est plus limitée », confirme dans une étude l'Observatoire de l'épargne de BPCE.
« Avec une baisse attendue de la production de crédit habitat de l'ordre de 30 % en 2023 et une progression des encours inférieure à 2 % (contre 5 % à 6 % les années passées), la raréfaction du crédit en France devrait fortement contribuer à la réduction des flux financiers en 2023 et 2024 », ajoutent les experts de la BPCE.
Pour Philippe Crevel, il y a également un effet arbitrage avec des sorties sur le fonds euros servant à réallouer l'épargne sur les unités de compte ou d'autres produits d'investissement, comme les livrets réglementés. Ce qui explique peut-être la bonne performance de collecte des unités, qui représentent désormais 41% de la collecte brute en juin.
Ce qui est sûr, c'est que les épargnants continuent malgré tout d'épargner, avec un taux qui devrait rester exceptionnellement élevé (17,8% en 2023 et 17,6% en 2024, selon BPCE). Ce qui ne va pas empêcher les flux sur les placements financiers de continuer de baisser.
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