Assurance-vie : les fonds euros ne sont plus un rempart contre l'inflation aux yeux des épargnants

Si l’assurance-vie enregistre une collecte nette positive, grâce à une hausse des cotisations, les supports en euros souffrent, eux, d’une forte décollecte de 7 milliards d’euros en mars depuis le début de l’année, constate France Assureurs. Le nombre de prestations, comprenant les rachats et les décès, atteint un niveau inédit à 14 milliards d’euros. L’assurance-vie doit désormais faire face à la concurrence accrue, entre autres, du Livret A, dont le taux à 3% fait meilleure figure que les rendements des fonds euros.
Pauline Chateau
Les prestations, qui comprennent les rachats et les versements en cas de décès, s'établissent à 14 milliards d'euros en mars 2023.
Les prestations, qui comprennent les rachats et les versements en cas de décès, s'établissent à 14 milliards d'euros en mars 2023. (Crédits : Kevin Schneider via Pixabay (CC0 Creative Commons))

« La hausse significative des cotisations que nous constatons depuis le début de l'année se confirme au cours du mois de mars 2023 », se félicite Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs, lors de la présentation des chiffres de collecte, ce vendredi 28 avril. Le mois dernier, les cotisations ont ainsi atteint 14,4 milliards d'euros, en hausse de 6% par rapport à l'année dernière. Elles ont donc augmenté de 0,9 milliards d'euros en mars, après une hausse de 1,1 milliard d'euros en février et 1,2 milliard d'euros en janvier.

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Dans le détail, les placements en unités de compte (ces contrats au capital non garanti, investis pour l'essentiel dans les actions), potentiellement plus rémunérateurs mais aussi plus risqués, ont largement soutenu ce mouvement au mois de mars. Les cotisations d'assurance-vie en UC se sont ainsi accrues de 10% au mois de mars 2023, tandis que le compartiment en euros a augmenté de 4%.

La part des unités de compte reste stable

Et ce, malgré les turbulences rencontrées par les marchés financiers dès la mi-mars, notamment pour le secteur bancaire, avec la faillite de SVB et les difficultés de Credit Suisse, rachetée par UBS sous la pression des autorités suisses. Au 31 mars dernier, l'indice vedette CAC 40 avait terminé à 7.322,39 points, revenant au-dessus de son niveau du 9 mars, avant le choc bancaire qui avait poussé l'indice sous les 6.900 points. Sur les trois derniers mois, la cote parisienne a grimpé de 13,11%, son meilleur trimestre depuis fin 2020.

« Depuis le début de la crise sanitaire, le taux d'UC est assez insensible aux aléas [du marché], car les variations sont assez rapides, tant à la baisse qu'à la hausse, affirme Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, auprès de La Tribune. Cela rassure l'épargnant, d'autant plus que ceux qui vont sur les unités de compte aujourd'hui acceptent le risque. »

Preuve d'une certaine stabilité des épargnants, « la part des cotisations en unités de compte s'élève à 41 % sur le mois de mars et à 40% sur les trois premiers mois en cumulé, soit le même niveau que sur l'année 2022 », indique Franck Le Vallois.

Les prestations atteignent un niveau « historique »

Les prestations, qui comprennent les rachats et les versements en cas de décès, s'établissent à 14 milliards d'euros en mars 2023 (+2,4 milliards d'euros par rapport à l'an dernier). Un niveau « historique », insiste Philippe Crevel. Les supports en euros sont particulièrement concernés, avec une hausse de 1,9 milliard d'euros, et une augmentation de 0,5 milliard d'euros pour les supports en UC. Pour le directeur du Cercle de l'épargne, la hausse des prestations sur les supports en euros témoigne avant tout d'une « réallocation de l'épargne sur d'autres placements ».

« Cette augmentation des prestations peut être attribuée à trois facteurs : d'abord, le maintien de l'inflation à un niveau élevé peut conduire certains épargnants à piocher dans leur épargne de long terme pour faire face à des besoins de court terme, avance de son côté Franck Le Vallois. Le deuxième facteur a trait au marché immobilier, puisque les volumes de transactions sur les logements anciens restent à un niveau élevé, et dans le même temps, la hausse de taux d'intérêt et le resserrement des conditions d'octroi de prêt peuvent conduire les emprunteurs à vouloir gonfler leur apport personnel. Enfin, sans parler de vieillissement de la population, car nous ne disposons pas d'éléments permettant de l'affirmer, nous constatons une hausse des décès sur la période récente. »

France Assureurs a constaté une hausse des prestations au titre des décès de 10% en décembre 2022, par rapport à l'année précédente, illustre son directeur général.

Une forte décollecte sur les fonds euros

Au global, l'assurance-vie enregistre ainsi une collecte nette positive, en hausse de 0,4 milliard d'euros sur le mois de mars, et de 2,6 milliards d'euros depuis le début de l'année. Les arbitrages des épargnants continuent toutefois de s'effectuer au détriment des fonds euros. « Ces chiffres sur le mois de mars sont le fruit d'une collecte nette positive en unités de compte de 3,1 milliards d'euros, et d'une collecte nette négative sur le compartiment euros de 2,8 milliards d'euros », acquiesce Franck Le Vallois.

Le fossé entre le fonds euros et les unités de compte est vertigineux en ce début d'année 2023. Sur les trois premiers mois de l'année, les unités de compte enregistrent une collecte positive de 9,6 milliards d'euros. Les fonds euros, eux, accusent une décollecte de 7 milliards d'euros, confirme France Assureurs auprès de La Tribune.

« La décollecte sur les fonds euros s'est installée mois après mois, l'assurance-vie étant portée uniquement par les unités de compte, acquiesce Philippe Crevel du Cercle de l'Epargne. Il y a un vrai mouvement de fond aujourd'hui : on connaît un changement de nature de l'assurance-vie. »

Des rendements faibles

La Banque de France, elle-même, avait relevé ce mouvement pour l'année 2022 :

« La collecte nette en assurance-vie a diminué en 2022 pour s'établir à 8,4 milliards d'euros dans un contexte de baisse générale des flux de placements financiers des ménages, peut-on lire dans la synthèse du marché de l'assurance-vie réalisée par l'ACPR, et publiée le 20 mars dernier. Cette baisse reflète des évolutions contrastées selon les supports : les unités de compte voient leur collecte nette atteindre son plus haut niveau depuis 2011 (38,2 milliards d'euros), alors que les fonds euros enregistrent une décollecte nette (29,8 milliards d'euros). »

Dans les faits, l'arbitrage des ménages en faveur des UC est largement favorisé par les assureurs eux-mêmes. En outre, il s'explique par la faiblesse du rendement des fonds euros. « La hausse des taux (d'intérêt pratiquée par les banques centrales pour lutter contre l'inflation, ndlr) a incité les assureurs à accroître le rendement servi aux assurés, estimé en moyenne à 2% en 2022 », soulignait l'ACPR le mois dernier.

Le Livret A, star de l'épargne contre l'inflation

Un rendement des fonds euros, bien inférieur au Livret A - et largement négatif en prenant en compte l'inflation -, celui-ci bénéficiant désormais d'un taux à 3% depuis le 1er février 2023. Le produit d'épargne réglementée a enregistré une collecte record sur les trois premiers mois de l'année, avec près de 20 milliards d'euros sur le trimestre. Un record « sans précédent », selon le Cercle de l'Épargne. Du côté des encours, les chiffres sont également étourdissants : 535 milliards d'euros sur les deux livrets, Livret A et LDDS.

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Le chiffre est, certes, bien moindre que les encours cumulés de l'assurance-vie, qui a atteint 1.884 milliards d'euros à fin mars, en hausse de +1,5 % sur un an, souligne France Assureurs. Il n'en demeure pas moins que l'assurance-vie est, malgré le déni de certains assureurs, sérieusement mise à l'épreuve par les livrets d'épargne réglementée.

Les super livrets bancaires, une alternative ?

A cela s'ajoute la concurrence accrue des fonds monétaires et des obligations à échéance, ainsi que celle des super livrets bancaires qui ont commencé à faire leur apparition. A la différence du Livret A et du LDDS, les établissements bancaires ont carte blanche pour fixer les règles en matière de rendement, de liquidité ou de prix.

En règle générale, les établissements proposent des taux proches du Livret A, qui déclinent ensuite autour de 0,5% au bout de trois mois, quatre mois, six mois, voire un an. « Sur l'année, ces taux sont largement inférieurs au taux de l'épargne réglementé », indique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, qui appelle à faire attention à « l'illusion d'optique ».

Autre élément à avoir à l'esprit, ces livrets bancaires sont fiscalisés, contrairement aux livrets d'épargne réglementée. Pour rappel, l'assurance-vie, elle, est aussi fiscalisée, mais elle offre un avantage fiscal, à partir de huit ans de détention.

Le taux du Livret A pourrait encore être rehaussé

Sollicité à la mi-avril par l'AFP, Gregory Guermonprez, directeur général de Fortuneo, confirmait que ce type de livret s'adresse « plutôt pour des clients qui ont temporairement beaucoup de liquidités », comme ceux qui auraient vendu un logement et ont le projet d'en acquérir un nouveau dans les mois à venir, par exemple.

En 2021, seulement 7,8% des Livrets A avaient dépassé le plafond de 22.950 euros (au-delà les intérêts continuent de s'accumuler, mais il n'est plus possible de faire de versement), selon les derniers chiffres diffusés par la Banque de France.

La Banque de France refuse de s'avancer

Compte tenu de l'inflation actuelle, le taux du Livret A pourrait passer à 4% au 1er août 2023, voire 4,3%, selon les estimations du Cercle de l'Epargne. Le gouverneur de la Banque de France et le ministre de l'Economie ont toutefois la possibilité de déroger à la règle de calcul. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé en février 2022, lorsque la Banque de France a proposé d'arrondir à 1%, au lieu de 0,8%, puis en février 2023, mais dans l'autre sens cette fois, lorsque l'institution a suggéré 3% au lieu de 3,3%.

« Dès lors que ce taux sert de base au coût du financement du logement social, et il y a 170 milliards d'euros empruntés par le logement social, moi, je forme le vœu que ce taux reste stable dans la durée », a plaidé le directeur général de la Caisse des dépôts, Eric Lombard au micro France Info en début de semaine, soulignant qu'« il est essentiel que le logement social continue à construire ».

« Toute spéculation sur une future décision de la Banque de France est prématurée et infondée aujourd'hui », a toutefois rétorqué sur RTL François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, cette semaine, rappelant qu'il ferait sa proposition « en juillet », selon la situation « à ce moment-là ».

Pauline Chateau

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Commentaires 5
à écrit le 29/04/2023 à 16:57
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Inflation officielle à 5.9%, placements à 3 ou 4%, et vous parlez de rempart contre l'inflation ? Il s'agit de limiter les pertes, nuances.

à écrit le 29/04/2023 à 7:38
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Rempart contre l'inflation ? Je n'en connais pas. Quoi qu'il arrive, l'épargnant est presque toujours le dindon de la farce

à écrit le 28/04/2023 à 19:04
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tu sors ton argent de l'assurance vie euros, et tu le mets ou? sur le compte courant a 0 ? dans l'immobiler qui va perdre 30% vu les taux? dans la bourse dont personne ne sait trop ou ca va?....on est censes avoir eu des cours en finance, non?

à écrit le 28/04/2023 à 19:00
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tu sors ton argent de l'assurance vie euros, et tu le mets ou? sur le compte courant a 0? dans l'immobiler qui va perdre 30% vu les taux? dans la bourse dont personne ne sait trop ou ca va?....on est censes avoir eu des cours en finance, non?

à écrit le 28/04/2023 à 18:19
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Je suis pour le maintien de mes économies dans l'assurance vie fonds en Euro. En effet, le Directeur de la Banque de France François Villeroy de Galhau et Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations n'hésiterons pas à baisser drastiqu...

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